Merkel dans la tourmente

Lindner et Merkel
(Photo AFP)

Après deux mois de négociations avec les libéraux et les Verts, la chancelière Angela Merkel, au pouvoir depuis 12 ans et dont le parti, la CDU-CSU, a remporté les élections législatives de septembre, n’a pas réussi à former un gouvernement de coalition.

LE FDP, parti libéral, a fait tellement monter les enchères que la résolution de la crise a été une fois de plus écartée, plongeant l’Allemagne dans une crise politique sans précédent. Certes, la chancelière peut décider de procéder à de nouvelles élections, mais les sondages montrent qu’une seconde consultation produirait des résultats identiques, avec une extrême droite (Alternative für Deutschland, AfD) assez forte en nombre pour torpiller le jeu des alliances. En outre, de telles élections ne pourraient avoir lieu que dans quelques mois, ce qui contraindrait le gouvernement de Mme Merkel à expédier les affaires courantes alors que l’Europe, au moment où Emmanuel Macron multiplie les efforts pour la « refonder » (il a reçu aujourd’hui à ce sujet les leaders des grands partis français).

Des libéraux intraitables.

Le rôle joué par le FDP, qui fut écarté du pouvoir il y a quatre ans au profit d’une grande coalition CDU-SPD, a été ces jours-ci particulièrement néfaste, son président, Christian Lindner estimant qu’il « vaut mieux ne pas gouverner que gouverner mal ». En fait M. Lindner, par son opposition têtue à une collaboration avec les Verts, ne fait que souligner la capacité de nuisance acquise par l’AfD. Ce parti a littéralement bloqué le fonctionnement des institutions, ce qui lui confère une force exceptionnelle, pour un résultat électoral certes inattendu mais trop médiocre pour qu’il brigue le pouvoir. Mme Merkel va consulter le président de la République, Frank-Walter Steinmeier, dont le rôle, en cas de crise politique interne, est essentiel. Mais il ne peut exercer son pouvoir de persuasion que sur le SPD, arrivé deuxième aux élections de septembre. Or le SPD estime que sa longue coopération avec la droite de Mme Merkel l’a affaibli, qu’il a perdu des suffrages et des effectifs et qu’il a besoin maintenant d’une cure de repos dans l’opposition.
Cependant, le geste civique que M. Lindner, dans son entêtement excessif, n’a pas su accomplir, le président Steinmeier devrait l’exiger du SPD. Ce qui est en jeu, c’est d’abord l’excellente gestion de l’économie allemande, qui fait la force de l’euro, et c’est aussi l’avenir de l’Europe que la France de Macron ne peut assurer seule. Economiquement et socialement, la France est dans une période de vaste transition, mais elle n’aura acquis le statut de puissance européenne que dans au moins deux ans. M. Macron le sait, qui a reconnu ce matin que notre pays, « n’a pas intérêt à ce que ça se crispe » en Allemagne. « J’ai eu la chancelière hier soir, a précisé le chef de l’Etat. Les déclarations de M. Lindner sont assez dures et il y a « un vrai risque » de désaccord. Il me semble plutôt que le désaccord est consommé et que le FDP a fermé la porte pour un temps assez long.

L’essentiel et le contingent.

Comment la chancelière, avec l’aide du président, peut-elle résoudre la crise ? En lançant un appel au SPD, avec lequel elle peut former une coalition presque aussi puissante que pendant les quatre années écoulées. Il faut bien comprendre que les libéraux accepteront encore moins les propositions que leur ferait le SPD, si celui-ci était sollicité par le chef de l’Etat allemand, que celles de Mme Merkel. La crise est donc d’une gravité insigne, avec un possible départ de la chancelière actuelle et de nouvelles élections, événements qui affaibliront durablement le pays le plus solide, des points de vue institutionnel, industriel et politique, de l’Union européenne. Vu de France, ce salmigondis exécrable, qui accorde à quelques roitelets de parti une importance disproportionnée avec la réalité de leur base électorale, est incompréhensible. On a le sentiment que le caractère emporté de M. Lindner, le revanchisme du SPD, l’insuffisance des concessions faites par les Verts, la jubilation de l’AfD, tout concourt à faire de l’Allemagne un pays secondaire. Or les partis allemands de gouvernement se retrouvent tous sur des points essentiels : l’Union européenne, l’euro, le système économique qui a donné d’excellents résultats. Ce n’est pas la faute de Mme Merkel si, une fois de plus, elle est arrivée en tête et les autres partis devraient respecter son score. En se dressant contre elle, ils portent atteinte à l’esprit même du processus démocratique. Le SPD éprouve peut-être une grand plaisir à se faire prier par la CDU, il se réjouit peut-être du désespoir de ceux qui l’ont encore battu aux élections législatives, mais il devrait se demander si, en jouant ainsi avec le feu, il ne compromet pas l’Allemagne et l’Europe. Accessoirement, je rappellerai les vertus du scrutin majoritaire à deux tours, qui empêche une crise de ce genre.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Merkel dans la tourmente

  1. Michel de Guibert dit :

    Votre dernière phrase n’est pas « accessoire » !

  2. Mongeard Patrick dit :

    Ce qui se passe aujourd’hui en Allemagne montre bien qu’il faut être prudent en France par rapport au projet d’introduction d’une part de proportionnelle au second tour d’élections capitales pour le pays.

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