Johnny, patrimoine national

Un magnifique Johnny à la soixantaine
(Photo AFP)

Johnny Hallyday est mort dans la nuit de mardi à mercredi d’un cancer des poumons, à l’âge de 74 ans. Sa disparition est accueillie par un chagrin et un deuil national. Il était, plus qu’un chanteur rock, un facteur d’unité du pays.

JE SUIS bien embarrassé pour écrire mon deuxième éloge funèbre en deux jours, après le décès de Jean d’Ormesson. Mes lecteurs voudront bien me pardonner de n’avoir pas partagé l’enthousiasme du public pour l’oeuvre musicale de Johnny, car c’est ainsi qu’on l’appelle. Mais, pour ma défense, je le considérais comme un remarquable acteur au cinéma. Comme pour d’Ormesson, j’ai une analyse qui passe par le prisme politique. Johnny soutenait la droite, notamment Giscard et Chirac, mais il n’a pas hésité à se rendre à la fête de « l’Humanité », ce qui traduit générosité et liberté. En tout cas, il pouvait se targuer de réunir autour de son art un immense consensus. Il faisait partie de ces hommes très rares dont l’immense notoriété les rend indiscutables. Ce qu’il disait ou pensait n’enlevait rien à ce qu’il apportait aux Français, cette communion de sentiments, d’admiration, de bonheur collectif. En le perdant, nous perdons non seulement un artiste estimable, mais un enchantement qui nous rapprochait, par opposition à tout ce qui nous divise, depuis les inégalités sociales jusqu’aux options politiques ou diplomatiques.

Une sorte de consensus.

Il y a quelques semaines, Line Renaud avait réuni autour de sa table le couple Hallyday et le couple Macron. Laetitia, l’épouse de Johnny, a téléphoné à deux heures du matin pour annoncer sa mort au président et l’Elysée a annoncé qu’Emmanuel et Brigitte Macron se rendraient aux funérailles du disparu. Cette proximité entre l’artiste et l’Etat peut être critiquée par ceux qui n’acceptent jamais de trêve dans le combat politique. Mais elle correspond  à ce que j’écris plus haut, à savoir que Johnny Hallyday, vivant ou mort, rassemble une proportion de ses concitoyens extraordinairement élevée autour de sa personne, ce qu’aucun candidat à un poste électif ne pourra jamais faire. L’intelligence et l’intuition  des Macron les ont conduits à s’associer au deuil des Français. Idéalement, nous devrions élire un jour un président qui ferait de la culture son programme. Nous habiterions alors une cité où, le confort étant assuré pour tous, nous consacrerions notre temps aux lettres et à l’art. Certes, il sera plus difficile de déclencher l’engouement dont bénéficiait Johnny pour Ovide ou Chateaubriand. Mais on peut commencer par Victor Hugo dont André Gide affirmait qu’il était « hélas ! » le plus grand écrivain français.

Nous sommes naturellement envahis par le regret d’avoir perdu un homme qui tenait une si grande place dans la vie de presque tous ses concitoyens. La colère nous gagne quand une voix si puissante se tait. Mais je crois que Johnny était un homme pour qui la liberté de vivre comme il l’entendait n’avait pas de prix. Comme pour beaucoup d’artistes, la mort a sanctionné cette liberté. L’essentiel étant peut-être qu’il a eu, grâce à une carrière inespérée, une existence de triomphes et de gloire. Une vie peut-être plus courte, mais si chargée de moments magnifiques qu’elle lui aura semblé plus pleine.

RICHARD LISCIA

 

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7 réponses à Johnny, patrimoine national

  1. Antoine Martin dit :

    Cher RL votre hommage m’étonne et un peu ras le bol de ces « hommages » !
    Hallyday n’est en rien un exemple que ce soit le citoyen ( quid de sa domiciliation fiscale ? ) ou l’homme ( tous les abus ) .
    Je ne partage pas l’émotion vraie par laquelle vous terminez votre chronique ; les grands créateurs sont ailleurs et le départ semi-récent d’Henri Dutilleux est très certainement une beaucoup plus grande perte pour le pays que celle de ce bateleur d’estrade.

    Réponse
    Cher AM,
    Vous allez vous faire une foule d’amis.
    R.L.

    • JMB dit :

      Le journal de France culture a souligné l’indifférence des Étatsuniens pour Johnny Halliday bien que son répertoire fut composé de versions françaises de compositions étatsuniennes.

  2. liberty8 dit :

    Johnny est parti et, contrairement à Antoine Martin, je suis triste. Quelque chose en moi est parti, la nostalgie de mes jeunes années ? Un grand chanteur ? Une bête de scène ? On a tous en nous un petit peu de Johnny, un souvenir, une chanson, une danse, une émotion. Enfin tous … faut-il encore avoir une empathie.
    Une page se tourne, une page est tournée.
    J’aimais ses chansons, elles ont rythmé ma vie, j’aimais sa voix ; salut mon pote.

  3. Jacques Pernès dit :

    Quant à moi, je me situerais plutôt entre Antoine Martin et Liberty 8 : personnellement, je ne ressens aucune émotion à cette disparition. J’ai 56 ans, mais je n’ai pas grandi aux rythmes des chansons de cette personne. Certes, c’était un grand showman, un artiste populaire avec de nombreux fans. Mais personnellement, j’estime, moi aussi, que l’on en fait un peu trop. J’ai même entendu dire que certains voulaient qu’il entre au Panthéon ! Il est prévu un hommage national. N’allons-nous pas un peu trop loin ? C’est triste pour sa famille, pour ses fans, OK. Mais ce n’était pas forcément un modèle, comme le dit fort justement Antoine Martin. Aux infos de TF1 hier soir : une heure de Johnny et rien d’autre. Il ne s’est passé rien d’autre en France ou dans le monde ! Etrange.

  4. Scalex dit :

    J’étais en CM1 (8ème) quand le maître fit un petit sondage dans la classe. « Quel est votre chanteur préféré? » Nous étions en 1962. Et je fus le seul de la classe à ne pas répondre « Johnny Hallyday ».
    L’explication est toute simple: J’étais le seul, ou presque, à ne pas avoir la télé…
    C’est donc bien plus tard que j’ai enfin pu apprécier Johnny. Nous avons eu la télé en 67, mais il y passait peu à l’époque. Je l’ai vu deux fois, au Palais des Sports dans les années 80 et aussi au théâtre Edouard VII ces dernières années (Tennessee).
    Autre souvenir: mes vacances en Espagne en 1970. La sono des touristes allemands passait « Que je t’aime » en boucle… Bravo l’artiste!

  5. Michel de Guibert dit :

    La nouvelle du décès de Johnny Hallyday a occulté une nouvelle autrement plus importante, à savoir la dernière provocation de Donald Trump, sa décision de transférer l’ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem.
    Cette décision, qui revient à dire que Jérusalem est la capitale du seul État d’Israël, met le président Mahmoud Abbas dans une situation politique très difficile face aux extrémistes du Hamas et risque mettre à feu et à sang encore un peu plus toute la région.
    Cette provocation irresponsable, à l’instar de celle de Sharon il y a quelques années, est autrement plus grave que la mort de Johnny Hallyday.

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