La ZAD de tous les dangers

Des opposants au projet
(Photo AFP)

Le gouvernement a reçu le rapport des trois médiateurs chargés de proposer des pistes pour résoudre l’incroyable imbroglio qui, depuis plus de 50 ans, empêche l’État de prendre une décision au sujet de la construction d’un nouvel aéroport près de Nantes.

LE RAPPORT a au moins un avantage : au lieu de répondre oui ou non à la construction, il dit que celle-ci est envisageable et que, si la décision est impossible à prendre pour diverses raisons psychologiques et politiques, le gouvernement peut accepter de développer l’aéroport actuel de Nantes. Mais les auteurs du document insistent aussi sur le fait qu’il appartient à la force publique d’évacuer complètement et définitivement la fameuse ZAD, la « zone à défendre », expression utilisée par la poignée d’hommes et de femmes qui occupent l’emplacement du futur aéroport, lequel correspond en réalité à « zone à développement différé ». Ils jurent qu’il faudra passer sur leurs corps avant de les transférer ailleurs.

Un référendum pour rien.

Le fanatisme, dans cette affaire, est bien partagé. Un référendum a été organisé par François Hollande qui a permis aux électeurs de Loire-Atlantique de se prononcer, à 55 %, en faveur de la construction d’un nouvel aéroport. M. Hollande n’a pas donné suite au résultat du scrutin, contesté sous le prétexte que l’on ne s’est pas adressé aux citoyens d’une aire plus large et même de tout le pays, ce qui a laissé tout le temps aux zadistes de renforcer leur présence sur les lieux, d’y construire sans permis diverses structures et de défier l’État avec un mépris absolu pour la consultation. De l’autre côté, des élus en grand nombre, dont Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre et ancien maire de Nantes, qui exige l’aboutissement du projet pour lequel le constructeur Vinci est prêt. Le chantier pourrait démarrer dès février. Ce sont deux mondes qui s’opposent : le premier, composé d’anarchistes qui défendent l’environnement jusqu’à la violence, n’éprouve aucun respect pour les institutions et le fonctionnement de la démocratie. Le second croit encore au pouvoir de la majorité sans vouloir se poser les bonnes questions : un gouvernement peut-il recourir à la force contre des écolos théoriquement désarmés ? Le nouvel aéroport de Nantes vaut-il une crise politique qui affaiblirait encore plus l’autorité de l’État ? Et, si l’on a attendu 50 ans pour prendre une décision définitive, n’est-ce pas la meilleure preuve que la France, qui a déjà 140 aéroports, peut vivre sans celui de Nantes ?

Une question d’autorité.

Le gouvernement est dans la nasse. D’abord, Emmanuel Macron veut garder Nicolas Hulot comme ministre de l’Environnement alors que celui-ci a déjà annoncé que, si l’on donnait suite au projet, il démissionnerait. Ensuite, le président, qui ne plaisante pas avec les institutions, doit confirmer que l’état de droit est toujours en vigueur en France, ce qui signifie que, quoi qu’il décide, il devra évacuer la zone promptement, acte éminemment dangereux. Enfin, il ne peut l’évacuer que s’il donne satisfaction, au moins partiellement, aux écologistes qui occupent la ZAD. Il s’agira en effet de faire au moins une concession qui permettra aux écologistes politiques de cesser de soutenir ceux qui occupent la ZAD. Mais il ne faut pas s’y tromper : le développement de l’aéroport actuel coûtera plus cher que la construction d’une infrastructure toute neuve, ne serait-ce que parce qu’il faut indemniser Vinci (on parle de 300 millions d’euros), et même si, selon les médiateurs, le prix d’un réaménagement de l’aéroport de Nantes serait deux fois inférieur à une création ex nihilo, chiffrage très optimiste. Personne ne sous-estime la détermination des zadistes. Ils saisiront n’importe quel prétexte pour rester là où ils organisé leur propre existence, sans trop se soucier de l’ensemble des conditions sanitaires. L’amélioration de l’ancienne infrastructure sera perçue comme un recul de l’État par Jean-Marc Ayrault et ses amis.

Le Premier ministre, Édouard Philippe, a déclaré que le gouvernement prendrait sa décision en janvier. On lui souhaite bien du courage. Il hérite d’une situation qui n’a cessé de s’aggraver pendant cinquante ans, d’une crise qui ridiculise la France et les hésitations de ses gouvernants, d’un mélodrame où l’irrédentisme des écologistes n’a cessé de croître, pour un enjeu finalement mineur, qu’il fallait affronter il y a des décennies et qui restera dans les annales comme l’un des plus graves dysfonctionnements de notre démocratie.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à La ZAD de tous les dangers

  1. François LE LAY dit :

    Je suis déçu que quelqu’un de votre valeur puisse penser que les opposants à NDDL soient des anarchistes, entre autres qualificatifs dont vous les affublez.
    Il ne vous a pas effleuré l’esprit, depuis votre tour d’ivoire parisienne, qu’il pouvait aussi y avoir d’un côté des gens raisonnables et réalistes, au milieu de certaines personnes excessives dans leurs idées; et d’un autre côté des hommes d’affaires et d’argent soutenus par des politiciens intéressés, auxquels il y a très peu de moyens « légaux » de s’opposer ?
    Il n’est pas sain de s’arcbouter sur des a priori.
    « L’amélioration de l’ancienne infrastructure sera perçue comme un recul de l’État par Jean-Marc Ayrault et ses amis ». Et alors ? En quoi est-il honteux, en quoi est-ce déchoir, de se rendre compte que l’on risque de faire une connerie ?

    Réponse
    Vous n’avez aucune distance avec le sujet. Oui, les zadistes, ceux qui sont sur place, pas les écologistes, sont des anarchistes. Oui, les défenseurs du projet sont entêtés. Je l’ai écrit. Cela ne vous suffit pas. Vous méprisez les moyens « légaux » ? Veuillez me pardonner de ne pas vous rejoindre sur ce point et donc de vous décevoir. L’erreur n’est pas de construire un aéroport, ce qui me paraît bien peu probable, c’est d’avoir laissé cette crise durer 50 ans. « Il n’est pas sain de s’arcbouter sur des a priori », jugement qui s’applique parfaitement à vous.
    R.L.

  2. ZeK dit :

    Cela fait quelques années que le répètent les zadistes. Ce ne sont pas les premiers pourtant ! Alors il serait temps, en effet, de vous en alarmer : cette démocratie est un leurre, une illusion d’optique, un mensonge.
    Et si, pour une fois, nous mettions nos modes de pensée de côté pour réunir nos modes d’action ? N’est-il pas temps de reprendre un certain contrôle sur notre présent ? De quoi avons-nous peur ? Qu’essayons-nous d’éviter ? Qu’est-ce qui nous domine ? Contre quoi devrions-nous nous battre ?

    Réponse
    Réunir nos moyens d’action dans une démocratie qui est un mensonge ?

    R.L.

  3. Chambouleyron dit :

    Cher M. Liscia, vous êtes trop raisonnable et je vous admire de répondre à des partisans de zadistes implantés à Notre-Dame-des- Landes en dépit d’une démocratie impuissante, qu’ils veulent booster par moins de démocratie selon le principe de la minorité agissante chère au bolchevique Lénine. Et Lacordaire : entre le fort et le faible (….) c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit Ces convictions inébranlables sont quelque peu effrayantes. Ils croient détenir la vérité.

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