NDDL : projet abandonné

Philippe aujourd’hui
(Photo AFP)

Au terme du conseil des ministres, le gouvernement a décidé d’abandonner le projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Il s’est prononcé en faveur d’une extension de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique. Les réactions des élus et de l’opposition sont extrêmement négatives.

UN PROJET qui donne lieu à un demi-siècle de débats, de consultations et de votes n’existe pas. Le gouvernement d’Edouard Philippe s’est contenté d’entériner une réalité accablante, à savoir qu’une poignée d’individus déterminés peut bloquer une décision populaire répondant à tous les critères de la démocratie. Ce qui n’empêchera pas Emmanuel Macron de payer cher sa décision. Il sera longtemps reproché à « Jupiter », comme l’appellent certains, d’avoir accepté que l’autorité de l’Etat soit bafouée. Certes, il n’a guère été aidé par ses prédécesseurs, qui ont tourné autour du pot, et ont tous été soulagés de quitter le pouvoir  (ou sont morts) sans avoir tranché. Pas moins de sept présidents, en cinquante ans, ont trahi l’autorité de l’Etat avant que le bébé ne fût confié à M. Macron, qui n’avait guère besoin de cet héritage. Dans cette affaire, l’argument écologique n’a jamais été qu’un fallacieux prétexte. L’idée centrale consistait certes à protéger l’environnement, mais l’ardeur des nervis prêts à se battre avec les forces de l’ordre va bien au delà d’une discussion sur la protection des zones humides : il s’agit, avant tout, de démontrer qu’un groupe ultra-minoritaire peut récuser, en France, le vote populaire, la volonté des élus, la croissance et la modernité.

Pas de bonne solution.

A bon escient, le Premier ministre avait déclaré en début de semaine que de toute façon, la solution, quelle qu’elle fût, serait mal accueillie. Si M. Macron avait décidé la construction, il serait aujourd’hui au centre d’un maelström où souffleraient les vents puissants de l’écologisme, assortis d’une démission de Nicolas Hulot et du costume que lui aurait taillé les oppositions de droite ou de gauche, toujours contentes de trouver un os à ronger. Il aurait acquis l’identité ineffaçable d’un président hostile à l’environnement, lui qui est engagé à fond dans l’accord de Paris sur le climat. Il aurait fait rire Donald Trump, à qui il a suggéré : « Make our planet great again ». Mais tous ceux qui sont ulcérés par sa renonciation à l’application du droit pur le diront. Ils diront que la raison de l’annulation du projet est purement politique, comme ont été politiques les dérobades des cinquante années écoulées. L’affaire dure depuis très longtemps, le sort a voulu que Macron fût désigné pour la trancher.

Le renoncement a donc un prix politique et il en a un en espèces sonnantes et trébuchantes, le maître d’oeuvre, Vinci, ayant estimé que l’accord conclu avec l’Etat « est en béton », et comment pourrait-il en être autrement quand il s’agit d’une entreprise du bâtiment ? Il s’agit, pour la collectivité nationale, de rembourser 350 millions d’euros à Vinci. Le gouvernement envisage de confier l’extension de Nantes-Atlantique à la même entreprise de manière à ce que les nouveaux travaux absorbent la somme indiquée dans le contrat.

Macron indifférent.

Pour la première fois, depuis que M. Macron est à l’Elysée, surgit un problème inquiétant pour l’avenir. Les erreurs ou contradictions dans la gestion du pays depuis six mois n’ont pas empêché le président et son Premier ministre de retrouver dès novembre dernier une cote de confiance acceptable. L’opposition, il est vrai, n’avait rien à dire sur la politique étrangère du gouvernement et se contentait de monter contre les mesures adoptées des campagnes qui n’entraînaient guère les foules. L’accusation de perte d’autorité de l’Etat est cependant plus infamante que toutes les précédentes, d’autant qu’elle contient une part de vérité. Notre-Dame-des-Landes a été sacrifié parce que ce n’était pas l’affaire de Macron mais un héritage encombrant. Il l’a liquidé, payé, en connaît les conséquences négatives sur le plan politique. Mais il ne voulait pas créer un abcès de fixation autour d’une crise montée de toutes pièces par la déraison de ses concitoyens.

RICHARD LISCIA

 

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10 réponses à NDDL : projet abandonné

  1. phban dit :

    Au-delà des effets de manches et de menton, je crois que tout le monde est soulagé que le gouvernement ait eu le courage, la franchise et la lucidité de clore ce dossier moisi.
    Il reste à évacuer les forcenés de la ZAD, en les séparant des occupants pacifiques.

  2. ostré dit :

    c’est quand mème la meilleure solution car il est bien prouvé que cet aéroport supplémentaire n’avait pas de sens…
    Pour la zad, plus complexe, la solution style Larzac aménagée et légalisée comme le propose la mairie est la meilleure solution et évitera des affrontements dangereux.
    Réponse
    Rien n’est prouvé du tout. Il sera impossible d’agrandir l’aéroport existant.
    R.L.

  3. Michel de Guibert dit :

    C’était au contraire la plus sage des solutions, me semble-t-il.

    Réponse
    179 jugements en faveur de la construction, une consultation en faveur à 55 %, des gens qui occupent un territoire dans l’illégalité totale. C’est en effet la plus sage des solutions pour éviter un drame. Mais un formidable exemple pour les zadistes qui savent ce qu’il leur reste à faire.
    R.L.

    • François LE LAY dit :

      Ah ! Ces « parisiens » et leurs certitudes !
      Il est évident que ceux qui ont fait le plus de bruit étaient ceux qui avaient le plus d’argent, comme trop souvent à notre époque, dans notre pays comme à l’extérieur.
      Mais si le gouvernement avait commis l’erreur de suivre les Vinci et leur clique, les « parisiens » se seraient rendu compte que ceux qui se seraient dressé sur leur route n’auraient pas été une minorité d’opposants à NDDL, mais la masse des personnes douées de bon sens, qui ne se laissent pas impressionner par les arguments d’entreprises de la taille de Vinci mais osent regarder la réalité en face, et un peu plus loin dans l’avenir, que le bout de leur nez…

  4. BOYER dit :

    La solution globale est de ne prendre l’avion qu’exceptionnellement pour des voyages importants et motivés. Que de vols inutiles pour des voyages absurdes ! Stop au gâchis !

  5. Num dit :

    C’est une honte pour l’état de droit et la démocratie.
    Une poignée d’individus désœuvrés a prouvé qu’elle pouvait mettre un échec un pays comme la France bafouant tous les principes républicains élémentaires.
    La politique du « en même temps » atteint ici ses limites.

  6. Philippe C. dit :

    L’article ne présente pas les arguments des opposants aux projet, qui ont fini par avoir gain de cause. Il semble que la modernisation de l’aéroport existant était la solution la moins coûteuse.
    Réponse
    Elle sera plus chère si elle a lieu.
    R.L.

  7. Gross dit :

    La solution de la sagesse. Mais il faut du courage pour contredire un projet des énarques, technocrates et hobereaux politiciens locaux qui se servent de l’alibi démocratique comme cache sexe.

  8. DANTEC dit :

    Il suffit de développer l’aéroport de Rennes (500 000 passagers par an) situé à une centaine de kilomètres de Nantes pour compenser la hausse de fréquentation à venir.

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