Wauquiez dans la tourmente

Drôle d’histoire
(Photo AFP)

Des propos que Laurent Wauquiez, président des Républicains, a tenus vendredi dernier devant une école de commerce de Lyon ont embrasé le monde médiatique. Ils avaient l’avantage de la sincérité et l’inconvénient de la provocation.

ON POUVAIT ne pas être d’accord avec la stratégie mise en place par M. Wauquiez, mais le plus grand affabulateur n’aurait pas imaginé qu’il pût s’exprimer en de tels termes. Convaincu qu’il s’adressait à un petit cénacle qui ne révèlerait jamais la teneur de son discours, il s’est déchaîné. Pas de pitié pour la chancelière allemande, Angela Merkel : « Pour lui trouver du charisme, il faut se lever de bonne heure ». Une charge également impitoyable contre Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, auquel le président de LR voue une haine inextinguible, sans doute parce que, comme d’autres, il est passé de la droite au macronisme et qu’il est accusé de harcèlement sexuel : « C’est du Cahuzac puissance 10. Le type sait très bien ce qu’il a fait, ce qui va lui arriver.  Je ne lui promets pas un grand destin. Il va tomber ». Mais, de son côté, Laurent Wauquiez n’a-t-il pas mis en péril son propre destin en devançant la justice et en bafouant, et avec quelle violence, la présomption d’innocence ?

Mensonge et forfaiture.

Et voilà que, non content de bombarder ses adversaires, il s’attaque aussi à ses meilleurs amis, comme Nicolas Sarkozy qui en serait arrivé « au point où il contrôlait les téléphones portables de ceux qui entraient au Conseil des ministres. Il les mettait sur écoute pour pomper tous les mails, tous les textos et vérifier ce que chacun des ministres avait dit au moment où l’on en entrait au Conseil ». Bien entendu, M. Sarkozy a démenti, M. Wauquiez lui a téléphoné pour s’excuser et l’ancien président « en a pris bonne note ».  Probablement plus qu’embarrassé, le chef des Républicains affirme qu’il n’a pas prononcé les mots rapportés, qui ont pourtant été enregistrés, ajoutant ainsi le mensonge à la forfaiture. Dans son propre parti, le trouble est considérable et les commentaires agacés, fâchés ou sévères. Dans le reste du monde politique, la stupéfaction le dispute à l’incompréhension. Dans cette affaire, pas de justice, pas d’enquête, pas de procès. N’importe qui peut écouter l’enregistrement du « cours » donné par M. Wauquiez aux étudiants. Et bien entendu, les porte-paroles de M. Wauquiez nous jouent la chansonnette du harcèlement médiatique. La victime, c’est lui, le président des LR, les monstres, c’est tous les autres. Et, bien sûr, un homme qui réussit si bien dans la vie ne peut qu’être attaqué par  les jaloux, les envieux, les méchants.

L’imitation de Trump.

Pourquoi M. Wauquiez s’est-il lancé dans une aussi périlleuse aventure ? Quel profit pouvait-il tirer de déclarations soit fabriquées de toutes pièces, soit grossières, soit provocatrices ? Si son objectif était de convaincre des étudiants en économie, il a utilisé un marteau pour tuer une mouche. S’il se croyait immunisé contre toute révélation dans la presse (pas vu, pas pris), il a commis une erreur colossale. Si, devant un parterre restreint, il a laissé libre cours à ses opinions, il aura effrayé au moins la moitié de ses partisans. S’il l’a fait exprès, il s’engage délibérément dans la voie du trumpisme. Car ses propos auraient pu être un copier-coller des déclarations à l’emporte-pièce du président américain. Dire n’importe quoi pour qu’au moins la moitié de ce qui est dit soit crue. Lancer de fausses nouvelles pour atténuer l’impact des vraies. Attaquer n’importe qui et tout le monde pour émerger de la mêlée. Après tout, Trump a bel et bien été élu de cette manière.

Quant aux électeurs français, ils ont tout le loisir, d’ici à 2022, de se demander s’ils veulent vraiment élire un président de cette nature, si l’absence totale d’éthique en politique est une bonne façon de se rendre populaire, si la politique peut se passer de la décence, de la dignité, de la prudence verbale.  Laurent Wauquiez vaut beaucoup mieux que ce qu’il est train de devenir. Il aurait fait un excellent candidat sur la base de son parcours, de son expérience d’ancien ministre et d’actuel président de la région Rhône-Auvergne. En rejetant le rassemblement de la droite, en singeant le Front national, en adoptant les mimiques et la vulgarité d’un président américain voué à affaiblir et même à détruire son pays, il prend un chemin sinistre. Ce n’est parce que le monde contemporain perd tout sens des principes qu’un homme politique doive se mettre à ce niveau. Tout au contraire, son rôle est de tracer, dans le cloaque, une voie salutaire.

RICHARD LISCIA

PS- Je m’absente une semaine. Je vous retrouve le lundi 26 février.

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17 réponses à Wauquiez dans la tourmente

  1. Mijoni Giacomo dit :

    Tout a été dit ou presque. Je crois que la meilleure réplique fut celle de Xavier Bertrand : « Vous prenez les mots qui ont été dits là, ça pourrait être un des membres de la famille Le Pen : c’est la même tonalité, la même violence » « c’est pire que du Trump ». Tout est dit, et avec ça, on voudrait rassembler la droite ! Bon courage ! On a (toujours) la droite la plus bête du monde !

    • Pascal Hervé dit :

      Il ne faut pas exagérer. Si ne pas parler la langue de bois et se défendre des menées du politiquement correct, c’est être violent je me demande dans quel monde vous vivez pour ne pas être submergé de violence dans la vie de tous les jours.
      Bertrand est une  » chiffe  » et je ne sache pas que son passage au ministère ait laissé un souvenir inoubliable, ni celui de Bachelot , ni etc.

  2. Num dit :

    Tempête dans un verre d’eau.

  3. Num dit :

    Toutes ces réactions sont disproportionnées avec du faux puritanisme et de la belle morale facile
    Wauquiez a simplement répondu à des questions directes, sans langue de bois, à des étudiants à qui ils avaient demandé la confidentialité.
    Que dit-il ? Que Sarkozy est paranoïaque, Merkel peu charismatique, que Darmanin va tomber dans les six mois et Macron pas innocent dans l’affaire Fillon ? La belle affaire ! Juste ce qu’il se dit dans tous les déjeuners de famille et les dîners en ville.
    Tous ces politiques qui jouent les vierges effarouchées aussi hypocrites que ridicules. Les mêmes sont ceux qui dénoncent la langue de bois, éléments de langage et discours convenus. D’autant qu’il n’y a rien d’insultant dans ses propos.
    La comparaison avec Trump et Le Pen ne tient pas. Pourquoi pas Hitler tant qu’on y est (ce fameux point Godwin qui est l’élément ultime pour décrédibiliser son adversaire quand on est à court d’arguments).
    Bref, il faut savoir raison garder.

    Réponse
    Merci pour la leçon. Personne n’a dit que Wauquiez est Hitler. La comparaison avec Trump et Le Pen est parfaitement justifiée. Il a bafoué le droit en présentant Darmanin comme un coupable certain. Il a inventé une histoire hallucinante à propos de Sarkozy. C’est cet homme-là qui va nous diriger un jour ?
    R.L.

    • Num dit :

      Les propos sur Sarkozy: il fallait les prendre au deuxième degré, ce qu’il a tout de suite dit et est évident quand on est de bonne foi.
      Darmanin : il donne son sentiment personnel dans une salle de classe, pas dans une conférence de presse. Par conséquent, dire qu’il le condamne est plus qu’exagéré.
      Qui nous dirige aujourd’hui ? Un homme qui a traité des ouvrières d’illettrées, dit de grévistes qu’ils foutaient le bordel, parle de gens qui ne sont rien… Mais dans ces cas, son porte parole brandit le droit de « parler comme les Français », « d’arrêter la langue de bois et d’oser nommer les choses » !
      Deux poids, deux mesures.

      Réponse
      Merci d’avoir dénoncé ma mauvaise foi. Vous êtes, à l’inverse de très bonne foi quand vous dites que Wauquiez ne condamne pas Darmanin. Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. La différence entre vous et moi, c’est que je n’appartiens à aucune chapelle.
      R.L.

  4. Pascal Hervé dit :

    Pour ce qui est du téléguidage de l’affaire Fillon je l’ai moi même dit et écrit sur certains réseaux sociaux » depuis le commencement.
    Ma seule divergence avec M. Wauquiez est que je l’attribuais à Hollande et que je pensais qu’il avait donné le dossier à Macron quand il a renoncé à se présenter .
    Mais tel que Macron se révèle depuis son élection on peut penser qu’il n’a pas perdu son temps quand il était à Bercy et qu’il n’a pas préparé sa candidature uniquement en donnant des dîners pour le tout Paris.
    Il est donc fort possible que M Wauquiez ait raison sur toute la ligne.
    D’ailleurs la propagande quasi unanime des médias contre sa personne (son émission politique en fut une éclatante démonstration) prouve qu’il est l’opposant le plus redouté par le pouvoir en place et peut être qu’on voudrait bien lui faire subir le même sort qu’à F Fillon.
    Il fallait en finir avec les faux-semblants, la famille conservatrice qui est la mienne n’était plus représentée à l’UMP depuis bien longtemps et Juppé, Bertrand et d’autres en sont les responsables.
    Le vote en faveur de F. Fillon aux primaires fut aussi un vote contre Juppé, tout comme l’abstention aux législatives de 1997.
    Wauquiez agit avec pragmatisme mais, ce faisant, il remet aussi de l’ordre dans la maison .
    J’attends surtout son discours sur l’Europe que j’espère non pas europhobe mais eurosceptique car il faut aussi en finir avec toute la propagande en faveur de la vision bruxelloise de l’Europe .
    Pascal H.

    Réponse.
    Donc, c’est au moment où M. Wauquiez annonces des faits qu’il est incapable de prouver, il est le meilleur. Complotisme, quand tu nous tiens !
    R.L.

    • Pascal Hervé dit :

      M. Liscia cela fait des années que je vous lis et à travers vous l’expression du mainstream , de la pensée unique la plus démoralisante qui soit .
      Vous êtes un bon serviteur de Macron comme 95 % de vos confrères et consœurs .
      Complotisme ou pas, tout ceci est dans l’ordre des choses.
      M. Wauquiez tient un discours conforme à ce que pense une partie non négligeable des électeurs de droite,je ne dis pas tous, mais une grande partie qui ont été déçus des dérives de l’UMP devenu un parti de centre gauche .
      Ce sont peut être de mauvais Français aux yeux de certains et aux vôtres mais c’est ainsi.
      Nous ne bouderons pas notre plaisir.
      Et sachez le Macron ne réussira (s’il réussit !) que pour et aux yeux de 40% de la population française, et encore en étant généreux , que feront les autres ?
      P H
      Réponse
      Je trouve toujours formidable le nombre d’accusations qu’un lecteur peut accumuler contre un auteur. Mais la moitié de la droite n’est pas d’accord avec Wauquiez, et vous feignez de ne pas le savoir. Si Macron échoue, tout le monde en pâtira, vous compris.
      R.L.

    • Num dit :

      Remarquez sur l’affaire Fillon qu’on n’en entend plus parler, comme si la justice s’était subitement ralentie…
      Donc voilà une affaire qui remonte aux années 1980 mais qu’on découvre soudainement en janvier 2017, que la justice accélère comme jamais auparavant pour parvenir à une mise en examen en moins d’un mois d’enquête puis qui s’évanouit tout aussi soudainement après avril 2017…

      • JMB dit :

        Les menaces en justice adressées, pendant sa campagne, par Fillon à l’égard du « Canard enchaîné » ont fait plof, après des contorsions pour établir un motif de plainte en justice.

  5. Picot dit :

    Vous êtes sûr que Trump est tel qu’on veut nous le faire croire ? En attendant il est en train de redresser l’économie américaine de belle manière si l’on en croit des commentaires non vus, bien sûr, dans notre presse habituelle. Il n’est peut être pas aussi chien fou qu’on le pense.
    Par ailleurs il n’est guère difficile de voir que François Fillon a été dézingué par des gens qui lui veulent du bien, Macron, Hollande, d’autres, peu importe, il fallait que Macron passe et il représentait un gros obstacle. Curieux tout de même que tout d’un coup l’action en justice contre lui d’une vitesse foudroyante avant les élections soit passée brutalement à la vitesse d’un escargot. Curieux aussi que tous ceux qui semblent avoir fait la même chose que Fillon soient tranquilles comme Baptiste. En particulier notre ancien ministre de l’intérieur qui a démissionné pour avoir fait la même chose. Qu’est ce que le PNF attend pour le mettre en examen??
    Il n’y a guère besoin de preuves absolues, tout semble clair : cette élection présidentielle a été truquée.
    Réponse
    Donnez des preuves.
    R.L

    • PICOT dit :

      Elles crèvent les yeux : le PNF tombe sur Fillon, pas sur ceux qui ont fait la même chose que lui. Pouvez vous nous expliquer par quel mystère ?

    • JMB dit :

      Dans une émission, de Théma sur Arte, un observateur étasunien fut plus incisif que Christine Ockrent: il fit remarquer que Trump n’avait été élu que grâce au mode de scrutin indirect de désignation du président, mode datant du XVIIIè siècle et manifestant une défiance à l’égard du suffrage universel.
      La majorité de « ceux …qui semblent avoir fait la même chose que Fillon » n’a pas eu l’arrogance de donner des leçons: « Imagine-t-on le général De Gaulle mis en examen ?

  6. du bouetiez dit :

    Si la droite ne se débarrasse pas de Wauquiez ( et de Num) elle court à sa perte.

    • Num dit :

      En ce qui me concerne, ça n’est pas nécessaire, je n’en fais pas partie, rassurez-vous. Je suis loin d’être un inconditionnel de Wauquiez dont je n’apprécie pas les idées économiques et européennes.
      En revanche, je ne supporte pas le déchaînement politique et médiatique contre tout politique (de droite) ayant l’audace de sortir du prêt à penser.
      Si la droite se range derrière Macron, elle laissera un boulevard au FN qui, malgré une campagne ratée, a recueilli un tiers des suffrages des Français en 2017, ce qu’on feint de ne pas voir. Le positionnement de Wauquiez est cohérent même s’il ne vous plait pas. Il a d’ailleurs été plébiscité par les adhérent devant lesquels Bertrand et Pécresse n’ont pas osé se présenter car ils savaient qu’ils auraient perdu.
      Si la droite se débarrassait de Wauquiez, il resterait rien entre LREM et le FN. Ce que Macron et ses soutiens ont bien compris, d’où la campagne de dénigrement actuelle…

  7. Devil dit :

    En France, on a pas la liberté du franc-parler. Il faut être politiquement correct. Quand quelqu’un peut dire haut et fort les malversations de toute la fange politique, il se fait vilipender. Un politique se sent froissé, il régit « puissance 10 »; il n’y qu’à voir le cas Fillon, qui a froissé quelqu’un avant puis à la suite des primaires, qui a été détruit ensuite par des manœuvres comme aux USA (l’histoire des costumes, offert par un « bon ami », éminence grise d’un ancien chef d’état, est édifiante)

  8. JMB dit :

    Avant le numérique et les réseaux sociaux, une démarche scientifique consistait à émettre une hypothèse, à la vérifier rigoureusement et patiemment. Si le résultat n’était pas conforme à votre hypothèse de départ, celle-ci était abandonnée et une autre envisagée.
    Désormais, il n’y a plus d’hypothèses mais des opinions de charbonnier, et les faits qui les contredisent qualifiés de complots sournois, ne font que les conforter.
    L’esprit rationnel et scientifique progresse.

  9. Chambouleyron dit :

    Sortir du politiquement correct, est-ce insulter les gens ? Est-ce affirmer préremptoirement des élucubrations non vérifiables ou non jugées par la justice ? En fin d’analyse, M. Liscia est dans le vrai de parler de ce nouveau dérèglement de la pensée : le complotisme.

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