Lassitude syndicale

Martinez, de la CGT
(Photo AFP)

Le meilleur atout pour le gouvernement, c’est la combativité réduite des syndicats. Face à la réforme de la SNCF, pour ne prendre que cet exemple, ils n’ont pas été capables d’annoncer une action unitaire.

LA PREMIERE raison de leur apparent désarroi, c’est le changement d’époque. Nous ne sommes plus en 1995 et rien ne garantit aux syndicats, très remontés au sujet du recours aux ordonnances par le gouvernement, que l’opinion les suivra s’ils déclenchent une grève reconductible susceptible de paralyser le pays. Mais le plus important, c’est que le contenu de la réforme n’est pas aussi draconien qu’ils le prétendent. Il existe notamment un environnement européen qui fait que nous sommes le dernier pays de l’Union à passer d’un secteur ferroviaire public à un secteur privé. L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne l’ont déjà fait. Dans un mouvement socio-économique qui ignore les frontières intra-européennes, nous avons pris un retard considérable.

Des points positifs.

Les petites lignes ne seront pas supprimées, ce qui devrait soulager nombre de collectivités locales. Le statut de cheminot ne change pas pour ceux qui en bénéficient aujourd’hui, il ne sera transformé que pour les nouvelles embauches. La dette d’une cinquantaine de milliards accumulée par la SNCF sera inscrite dans la dette nationale. Les pouvoirs publics ont donc évité la ou les mesures iniques qui auraient mobilisé promptement l’ensemble des syndicats, les salariés de la SNCF et, surtout, les usagers.  En apparence, le gouvernement affiche sa détermination. Malgré un incontestable baisse de popularité, il a décidé de procéder par ordonnances, mais il justifie ce choix par la nécessité d’aller vite sur les chantiers qu’il a ouverts, qui sont à la fois multiples et vastes, de l’éducation à la formation professionnelle, de la déradicalisation à l’immigration, de la fiscalité à au statut de la Corse. Les acteurs du changement sont eux-mêmes saisis par le vertige de la fameuse « transformation » qui exige un travail considérable, une vigilance de chaque instant et et une stratégie de défense contre les menées des diverses oppositions.

L’impossible recul.

Une forte fraction de mécontents s’inscrit dans la contre-offensive. C’est là que les syndicats auraient pu jouer leur rôle traditionnel. Mais ils n’ignorent pas que l’issue de la bataille est plus qu’incertaine, que la mobilisation des cheminots n’est pas totalement acquise, qu’il existe des différences d’analyse entre les organisations de travailleurs. Même la CGT, qui n’a jamais été tendre quand il s’agit de la réforme du rail,  semble se demander, sans le dire, si elle n’a pas intérêt à laisser le pouvoir poursuivre sa réforme dès lors qu’elle peut préserver le statut actuel des cheminots déjà en exercice. Bien entendu, le mot de trop, l’audace excessive de nos dirigeants, les aléas des discussions, régulièrement présentées par le gouvernement comme un lieu de concertation qui ne l’engage pas, dès lors qu’il se juge libre, au terme qu’il fixera lui-même, de trancher dans le sens qui lui convient, peuvent entraîner une crise sérieuse qui menacerait l’architecture fragile du projet. Mais tout montre que l’influence syndicale sur le contenu final du texte sera pour le moins limitée.

Qui peut croire encore que nous pourrions, cette année encore, reculer devant la réforme du réseau ferroviaire ? La France n’est pas une île. L’Union européenne est décidée à livrer le transport ferroviaire à la concurrence. La France ne pourra suivre le mouvement que si elle permet à la SNCF de larguer le lest qui ralentit son développement.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à Lassitude syndicale

  1. Michel de Guibert dit :

    La notion de service public semble bien absente des préoccupations des uns et des autres…

    • JB7 dit :

      J’étais très attaché à la notion de service public, mais, pendant les grèves de la poste, j’ai vu de très petites entreprises obligées de fermer et de licencier leurs employés. Pendant les grèves de la SNCF, les voyageurs étaient pris en otages et de nombreux employés smicards n’ont pas pu aller au travail. Ces smicards n’ont évidemment pas étés payés pour leurs journées d’absence, ils ont eu des difficultés à boucler leur budget, ont dû rogner sur leurs vacances et, pour certains; n’ont pas pu rembourser leurs emprunts.
      Je préfère ne faire aucun commentaire sur les grèves systématiques en décembre, ue nous avons connues sur de nombreuses années. Quant à réclamer que les journées de grève du personnel de la SNCF soit payées, cela relevait de l’escroquerie.

      • Michel de Guibert dit :

        Tout cela est vrai, mais la libre concurrence aboutit à des résultats assez calamiteux aussi (Grande-Bretagne, Suède, etc.)

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