Sarkozy en garde à vue

Innocent ?
(Photo S. Toubon)

Onze ans après la campagne de la présidentielle de 2007, la justice rattrape le candidat élu cette année-là, Nicolas Sarkozy. Depuis ce matin, il est en garde à vue.

L’ANCIEN président de la République a déjà échappé à tous les efforts de la justice pour le confondre dans plusieurs dossiers, notamment l’affaire Bettencourt d’où il est ressorti blanchi. La plus élémentaire prudence recommande donc de ne tirer, pour le moment, aucune conclusion concernant un sujet sulfureux, le paiement par  le président libyen, Mouammar Kadhafi, de quelque cinquante millions d’euros à M. Sarkozy pour qu’il finance sa campagne électorale en 2007. La première accusation à ce sujet a été portée par le site d’information Médiapart en 2012. Elle a été reçue par l’opinion avec scepticisme tant elle semblait scabreuse. Par la suite, d’autres personnages, eux-mêmes pas toujours convaincants, d’anciens dignitaires libyens, mais aussi l’intermédiaire Zia Takieddine, un Libanais, ont assuré qu’ils avaient apporté à la campagne de M. Sarkozy des valises pleines de millions d’euros en billets.

Le soupçon permanent.

La convergence des accusations, l’abondance de détails, la présence de forts montants d’argent liquide dans les dépenses de la campagne Sarkozy (mais vivement démentie par les Républicains), les poursuites lancées contre l’UMP au sujet du financement de ses campagnes en 2012 et en 2017, les démêlés de Claude Guéant, ancien ministre issu de l’UMP,  avec la justice ont fini par créer une sorte de halo empoisonné autour du personnage même de M. Sarkozy. Comme on ne cesse de le répéter, le temps de la justice n’est pas le temps médiatique. Et c’est pourquoi, après tant d’années, la mise en garde vue de l’ex-président fait l’effet d’une bombe. Elle indique toutefois que la justice, qui a voulu entendre également Brice Hortefeux, ancien ministre de l’Intérieur, a exploré minutieusement le dossier  et n’aurait pas pris le risque de mettre M. Sarkozy en garde à vue si elle n’avait quelques arguments à lui faire entendre.

Le directeur de Médiapart, Edwy Plenel, n’a pas tardé à dire qu’il s’agit « du plus gros scandale de la Vè République ». En outre, il établit un lien entre la culpabilité supposée de M. Sarkozy et  l’intervention militaire en Libye, dont le moment-clé a été l’assassinat de Kadhafi, comme si le président de l’époque avait voulu se débarrasser d’un témoin gênant. C’est peut-être aller un peu vite en besogne. La campagne de Libye était aérienne et internationale. La France n’a pas été le seul pays à y participer. Les assassins du dictateur étaient libyens. On ne se surprend plus de rien de nos jours, mais imaginer qu’un président français a entraîné plusieurs pays dans une guerre uniquement pour régler ses comptes personnels avec un homme qui l’aurait aidé financièrement, c’est tout de même pousser un peu loin une analyse compliquée, d’autant que, dans cette affaire, certes énorme et inquiétante, personne n’a encore de preuves, même pas les juges, qui ne disposent que de déclarations dont ils ont tout le loisir de vérifier la fiabilité.

Un gros malaise.

Les multiples poursuites dont le parti de droite fait l’objet, toujours à propos de financements mystérieux, ne cessent cependant de créer un gros malaise dans l’opinion. Certes, d’autres partis politiques ont eu maille à partir avec la justice, mais le cas des Républicains, naguère UMP,  devient obsédant à cause de la longueur des procédures et des financements peu transparents de leurs diverses campagnes. Au moment où l’on est conduit à stigmatiser les truquages électoraux en Russie et dans d’autres pays qui bafouent les règles démocratiques, la possibilité qu’un parti politique français ait répétitivement tenté de dépenser beaucoup plus que ce qui est autorisé jette une ombre sur le fonctionnement même de notre propre démocratie. Encore une fois, il est bien trop tôt pour juger M. Sarkozy, mais on se demande comment tous les paratonnerres institutionnels ont pu laisser passer de tels procédés. La majorité actuelle a adopté une loi pour « le rétablissement de la confiance dans l’action publique », fort bien nommée car, pour l’instant, la confiance s’érode. Mais peut-être que ses dispositions nous permettront enfin de cesser de soupçonner la classe politique.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Sarkozy en garde à vue

  1. admin dit :

    LL dit :
    J’en reste bouche bée. Mais au moins la justice semble fonctionner.

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