Gaza : la manière forte

Gaza, ce matin
(Photo AFP)

Le gouvernement israélien a prévenu qu’il prendrait les mêmes mesures que la semaine dernière pour empêcher les manifestants de Gaza de franchir la frontière avec Israël. Lors de la précédente manifestation, les soldats israéliens ont tiré à balles réelles sur les Gazaouis, faisant dix-neuf morts et plusieurs centaines de blessés.

UTILISANT leur droit de veto, les États-Unis ont empêché l’adoption d’une résolution sur le massacre. Israël refuse une enquête indépendante réclamée notamment par l’Europe. Pour le moment, on peut seulement espérer que l’armée israélienne s’efforcera, en dépit des consignes gouvernementales, de contenir la foule par des moyens anti-émeutes, comme les gaz lacrymogènes, mais la tension est à son comble, avec un risque de dérapage qui pourrait déclencher une action diplomatique internationale à laquelle les Européens s’associeraient inévitablement. La réalité du contexte proche-oriental incite toutefois à penser que l’intransigeance israélienne est dictée à la fois par la crainte de débordements, c’est-à-dire d’une invasion pacifique même si elle était sans lendemain,  et par la violence inouïe qui déferle sur la Syrie et le Yémen.

L’Arabie favorable à Israël.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, est assuré du soutien de Donald Trump qui a demandé aux Gazaouis de rentrer chez eux. Il est associé à l’Égypte dans le blocus de Gaza. Par l’un de ces contretemps qui font parfois la saveur des contradictions historiques, le prince Mohamed Ben Salman, homme fort de l’Arabie saoudite, a déclaré à « Atlantic Monthly » que les Israéliens avaient le droit d’avoir leur État. Sa déclaration avait été recueillie par le prestigieux mensuel diplomatique américain quelques jours avant le drame de Gaza, mais elle est parue après. Pourtant, le prince saoudien n’a pas corrigé ses propos. Son alliance de facto avec Israël et l’Égypte montre que, pour lui, le danger ne vient pas de l’État juif mais de l’Iran avec lequel il est engagé au Yémen dans un affrontement militaire au moins aussi grave que la guerre civile en Syrie.

Le commentaire le plus cocasse au sujet de Gaza, c’est le président turc, Recep Yassip Erdogan, qui l’a prononcé, en dénonçant à plusieurs reprises les agissements d’Israël, État qu’il a qualifié de « terroriste ». Sa surenchère s’explique d’une part par son ambition d’apparaître comme le leader du monde musulman et d’autre part par son désir d’effacer les bombardements et exactions auxquels s’est livrée son armée à Afrin, au nord de la Syrie d’où il a évincé les forces kurdes, sans qu’aucune puissance, ni l’Europe, ni les États-Unis, et encore moins la Russie, lui ait recommandé la « retenue » exigée d’Israël par à peu près tout le monde. Or ce ne sont pas 19 morts que les Kurdes comptent dans leurs rangs, mais plus de mille, plus un nombre élevé de blessés et, surtout, l’exil de quelque cent mille civils kurdes. Erdogan menace maintenant de progresser vers Manjib, où ses forces risquent de rencontrer des forces américaines, dont il réclame le départ. Dans cette région de la Syrie, on risque donc d’assister à une bataille entre deux pays de l’OTAN, les États-Unis et la Turquie. Il est plus probable que, face à ces enjeux empoisonnés,  le président turc finira par reculer.

La paix des forts.

Pendant ce temps, la Russie, l’Iran et la Turquie tentent, une fois de plus, d’établir une sorte de paix des plus forts en Syrie. L’écrasement de la Ghouta orientale, naguère tenue par des forces hostiles au régime, a considérablement renforcé Bachar Al Assad. Mais, en laissant Erdogan pénétrer en Syrie et combattre les Kurdes, Vladimir Poutine a permis à Daech de reconstituer une partie de ses forces et de menacer de nouveau l’armée loyaliste de Bachar ou de reprendre du terrain. Poutine voudrait en finir avec la Syrie, en assurant la victoire de Bachar et en retirant ses propres troupes, mais la Syrie pourraient bien être son Vietnam, même si, sur le plan militaire, le régime syrien est en train de triompher pendant qu’au Yémen, les Houtistes balancent des missiles sur le territoire saoudien.  La violence de guerres qui, en Syrie et au Yémen, ont créé une crise humanitaire que les ONG ne peuvent plus gérer, la politique de force engagée par Poutine, Erdogan, l’Iran mais aussi Mohamed Ben Salman montrent que tout le monde dans la région s’est arrogé le droit de jouer à ce jeu infiniment dangereux. Israël semble en avoir tiré les conséquences.

RICHARD LISCIA

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8 réponses à Gaza : la manière forte

  1. admin dit :

    LL dit :
    19 morts. Des civils. C’est effectivement un massacre. Je ne vois pas comment on peut moralement accepter « la manière forte » de Netanyahu.

  2. Amisray dit :

    19 morts. Des civils ? Deux/tiers de terroristes reconnus comme tels. Ces manifs tres organisees avec pour but de faire penetrer en surface des tueurs, suite a l’obsolescence des tunnels offensifs, sont un cache-sexe que vous ne voulez pas regarder en face. Ces victimes sont evidemment de trop, mais font partie des boucliers humains utilises sans vergogne par leur organisateurs, qui seuls meritent le TPI.

  3. BISROR dit :

    Une fois de plus l’article de Richard Liscia, est loin de la réalité, mais il connait trop la vérité pour que ce soit involontaire. Il vaut savoir ce que veulent les journaleux, les pompiers pyromanes, qui alimentent l’antisémitisme ! Le Hamas est classé comme terroriste, il dirige d’une main de fer son territoire, et il fait passer par les derniers étages de ses immeubles les journalistes qui pourraient émettre un doute sur son action. Une action pacifiste dont la majeure partie des tués sont des meurtriers de civils juifs, femmes et enfants. Quelle est la valeur morale de l’Europe et de l’Union européenne, qui pendant 15 siècles ont persécuté, volé et humiliés les juifs pour terminer par la Shoah? Les seuls juifs que vous adorez sont ceux qui meurent en croix !

    Réponse
    Voilà un commentaire particulièrement nuancé qui remportera l’adhésion des réseaux sociaux. Ce n’est pas dans la surexcitation fanatique, accompagnée de points d’exclamation, que vous parviendrez à faire de moi un antisémite. Sans point d’exclamation et, pourtant, l’outrage est majeur et mériterait un procès.
    R.L.

    • mathieu dit :

      A force d’excès, le propos en devient insignifiant, c’est connu. Dans une chronique équilibrée où vous apparaissez comme tout sauf partisan, on perçoit bien le nouvel ordre mondial: le retour à la loi du plus fort, la disparition de toute morale internationale (même si elle était fortement imprégnée de logique économique), la délinquance d’Etat avec « négationnisme » des évidences (assassinat d’espions par la Russie), l’auto-défense incontrôlée, la violation des frontières (sous-couvert de « milices » non identifiées s’il le faut), le génocide organisé (habillé en lutte anti-terroriste), l’extermination des minorités religieuses, etc.
      Tout cela, pour bonne part, traduisant la fin de la pax americana (et de l’autorité de l’ONU, son corollaire direct), contestable mais régissant le monde pendant un demi-siècle, suite aux trois derniers présidents amricains, les plus désastreux de l’histoire américaine dans les affaires internationales: un va-t-en guerre belliqueux, un pacifiste timoré regardant passer les trains, un pantin inconsistant et incontrôlable. Pour tous les trois, complaisance coupable envers Israël, blocage de tout processus de dialogue, et pour les deux derniers, abandon des clés de l' »hôtel de police » internationale aux – apprentis ou maîtres – dictateurs de toute obédience et de même pratique…

      Réponse
      Je ne suis pas du tout d’accord avec ce que vous écrivez. Obama a été un bien meilleur président que Bush et Trump. Je suis profondément attaché à l’existence d’Israël, ce qui ne m’empêche pas de critiquer son gouvernement actuel. Enfin, votre analyse ne laisse aucun espoir.
      R.L.

      • mathieu dit :

        L’ONU aujourd’hui a, à peu près, le même rôle que feu la SDN. Quant à Obama, il a été un président humaniste, sincère, constructif, œcuménique…dans son pays, mais remarquablement absent de la scène internationale, son attitude, sa posture face à Bachar, fut, hélas, pitoyable. Au Proche-Orient, son charisme, ses origines (africaines lointaines), son profil religieux nouveau, sa popularité incontestable, son aisance dans les rapports humains, auraient pu en faire un chevalier de la paix dans le conflit israélo-arabe (comme ont essayé de l’être Carter, Clinton entre autres). Huit années durant, il s’est tenu aussi absent de ce dossier que du très sensible théâtre est-européen.
        Réponse
        On n’a pas cessé de dénoncer la politique interventionniste de Bush. Obama a été le président qui a tenté de mettre fin aux (més)aventures militaires de son pays. Contrairement à ce que vous dites, il a tenté très sérieusement d’amorcer un dialogue de paix entre Israéliens et Palestiniens. Il a échoué uniquement parce que l’opposition républicaine a volé au secours de Netanyahu et a bloqué ses initiatives. On ne peut pas à la fois dénoncer Bush et Obama. Avec Trump, c’est Bush au carré.Et voilà le résultat : pas besoin de paix, au Proche Orient, c’est le plus le plus fort qui gagne. Bachar, Poutine, Erdogan et l’Iran.
        R.L.

  4. Picot dit :

    Un Vietnam pour les Russes ? Pour l’instant on dirait plutôt que c’est à nouveau pour l’oncle Sam qui ne semble pas avoir atteint ses objectifs, à savoir : dégommer Bachar afin de pouvoir, entre autres, installer en Syrie leur pipeline tant désiré. D’ailleurs Trump vient de dire que les troupes quitteront bientôt la Syrie. Vrai? Faux? Wait and see.
    Réponse
    Faudrait savoir : Trump veut installer un pipeline en Syrie ou s’en aller ? Ce n’est pas vraiment utile d’écrire pour exprimer une contradiction.
    R.L.

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