Une Allemagne léthargique

En mai 2017
(Photo AFP)

Emmanuel Macron sera demain à Berlin où il espère relancer la « refondation » de l’Europe. Il est cependant bien peu probable qu’Angela Merkel donne suite aux principales demandes du président français.

M. MACRON, juste après son élection, a été accueilli chaleureusement par les leaders européens, notamment par la chancelière allemande. Ce que personne n’avait prévu, c’est que, peu de temps après, les élections législatives allemandes devaient produire un Bundestag qui rendrait la gouvernance très incommode. Mme Merkel est restée au pouvoir, en prenant la tête d’une coalition entre conservateurs (CDU-CSU) et sociaux-démocrates (SPD). C’était peut-être la moins mauvaise des solutions, mais il a fallu des mois de négociations et un nombre infini de compromis sur tous les grands sujets pour parvenir à la formation d’un gouvernement qui, miné par la mauvaise volonté du SPD et par la méfiance de certains éléments de la CDU, n’est pas en mesure de prendre des décisions courageuses.

Le débat sur la défense.

C’est dans ce contexte peu favorable que le chef de l’Etat rencontre la chancelière qui semble s’être repliée dans une apathie peu propice au dynamisme diplomatique. Personnellement, elle n’est pas du tout hostile à M. Macron qu’elle a d’ailleurs perçu d’emblée comme un allié stratégique parce qu’il est proche d’elle idéologiquement. Mais sa majorité n’est plus la même. La présence au Bundestag d’un nombre élevé de populistes, le choix des libéraux de se ranger dans une opposition stérile, la mauvaise humeur de l’opinion allemande au sujet d’une immigration intense la contraignent plus que jamais à suivre son instinct, qui lui conseille une extrême prudence. Si Mme Merkel a approuvé l’opération militaire engagée par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne contre la Syrie, elle a refusé d’y participer. De toute façon, elle n’avait pas mandat pour le faire, car la Constitution allemande le lui interdit. Mais cela fait des années que le géant économique allemand est un nain politique et il est anormal que la plus puissante des nations européennes assiste sans broncher à la guerre qui oppose l’Union au djihadisme islamique, lequel ne craint pas de s’attaquer à la population civile allemande.

La réforme de la zone euro.

Honnête, la chancelière ne manquera pas de dire au président que ce n’est pas le moment pour elle de poser un problème constitutionnel aux élus de son pays et que, si elle s’engageait dans cette voie, elle serait sans doute déboutée. M. Macron évoquera la réforme de la zone euro, la nécessité de renforcer les mécanismes de sécurité censés garantir la stabilité des banques en cas de crise, le besoin d’un budget européen qui n’ait pas la portion congrue, mais il n’est pas certain de trouver, même dans ce domaine où les Allemands sont experts, une totale compréhension. Le ministère de l’Economie n’est plus aux mains du très intransigeant Wolfgang Schaüble, mais l’idée que l’Allemagne ne doit pas payer pour les pays du sud de l’Europe, trop laxistes à ses yeux, est ancrée dans l’esprit des dirigeants d’outre-Rhin. Les législatives allemandes de septembre dernier ont renvoyé le pays à ce qu’il est fondamentalement, une formidable machine économique qui a dégagé 38 milliards d’euros d’excédent budgétaire l’année dernière et 235 milliards d’excédent commercial et qui assure pratiquement le plein emploi, avec, désormais des hausses de salaires plutôt considérables dans la métallurgie et l’industrie automobile. La mutation de cette puissance en leader politique n’est plus à l’ordre du jour.

Cela ne veut pas dire que M. Macron rentrera complètement bredouille de Berlin. Cela signifie seulement que la situation post-électorale en Allemagne s’est dégradée et que, entre le triomphe du candidat Macron en juin 2017 et aujourd’hui, a surgi le spectre de l’impopularité que ses réformes devaient nécessairement produire. Et pourtant, l’Europe a besoin elle aussi d’une réforme. Les diverses oppositions à la politique du président se réjouiront bruyamment d’un éventuel échec diplomatique, mais il sera dommageable à la France et à l’Union européenne.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Une Allemagne léthargique

  1. admin dit :

    Elio Lumbroso dit :
    Macron ne réussira pas à convaincre Merkel.

  2. gegau dit :

    Mme Merkel fait du business et n’a que faire de ce qui se passe ailleurs qu’en Allemagne même si ce qui se passe ailleurs concerne son pays. En particulier avec le problème de l’immigration qui lui cause tous ses soucis actuels, lesquels découlent de la situation en Syrie et au delà.

  3. Chretien dit :

    Et pendant ce temps là, la « formidable machine économique « allemande va placer ses pions en Syrie,en Iran et en Russie ; pays où nous étions extrêmement bien placés avant le blocus imposé par les États-Unis !

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