La loi qui divise

Richard Ferrand (à droite)
(Photo AFP)

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture la loi asile-immigration qui durcit les conditions d’accueil des migrants. Le débat qui a précédé le vote, prolongé de deux jours, a montré de premières failles dans le bloc de la République en marche (REM).

LA MEILLEURE preuve de l’équilibre instauré par la loi entre la solidarité de la France avec les immigrés, clandestins ou non, et la nécessité de contrôler leur arrivée sur notre sol et leur séjour, c’est la violence des critiques émises par la droite et l’extrême droite d’une part, la gauche et l’extrême gauche d’autre part. Emmanuel Macron aurait voulu tester son grand dessein « droite et gauche en même temps » qu’il n’aurait pas mieux réussi. Le gouvernement a produit un projet qui tient compte de l’ampleur croissante du phénomène d’immigration et il a voulu protéger le pays pour l’avenir. Personne ne croit que les flux migratoires vont se tarir comme par enchantement du jour au lendemain. Et le seul moyen de combattre l’hystérisation du débat, c’est de dire le droit, ce que nous pouvons faire et ce que nous ne pouvons pas faire, pour des raisons économiques, sociales et humaines.

L’honorable M. Clément.

Le gouvernement a donc annoncé un projet et, aussitôt toute la classe politique est montée au créneau avec le vain espoir d’affaiblir le président, son Premier ministre et sa majorité. De sorte que, au sein de la REM, quelques consciences ont exprimé leurs doutes. Un élu, Jean-Michel Clément, ancien socialiste, a voté contrer le projet de loi et a même démissionné. C’est tout à son honneur. Une poignée de députés REM (14 sur plus de 300) se sont abstenus. Des représentants du MoDem ont eux aussi refusé de voter oui. C’est leur droit. Mais, contrairement à ce qu’espéraient les oppositions, la majorité ne s’est pas vraiment fracturée. Les pressions exercées par le pouvoir sur les membres de sa majorité ont été vivement dénoncées par la droite et par la gauche. Cependant, l’apparente rigidité du chef du groupe REM, Richard Ferrand, était dictée par l’aversion du président pour ces frondeurs qui, lorsque François Hollande était au pouvoir, ont littéralement démoli sa politique. On ne peut pas à la fois être dans la majorité et en dehors. Les commentateurs critiquent la « nervosité » de l’Elysée face au phénomène, sans se souvenir de ce qu’a été la fronde socialiste : une camarilla qui a tué le PS et a permis l’avènement de M. Macron, sans pour autant contribuer à l’émergence d’une action politique plus orientée à gauche.

Seul en Europe.

Nombre d’élus continuent à chercher le parti dont les idées correspondraient aux leurs à cent pour cent. Espoir illusoire. On peut appliquer les idées énoncées par Jean-Luc Mélenchon et se retrouver avec une révolte populaire, car la France insoumise est clairement minoritaire ; on peut choisir de rejoindre la philosophie du Front national et obtenir le même résultat.  La question de l’immigration ne trouve aucune traduction dans les déclarations intempestives, hors sol, désordonnées de la droite et de la gauche qui, face à ce dossier brûlant et grave, continuent à faire de la politique. Il faut lui donner une réponse cohérente qui sauvegarde nos principes et protège le tissu social français. Il faut aussi, et surtout, éviter par tous les moyens d’accorder des voix supplémentaires aux extrêmes. Nous avons eu tout le loisir de voir ce qui se passe en Italie, pays devenu ingouvernable, en Allemagne, où la chancelière Angela Merkel subit encore aujourd’hui les conséquences de sa générosité à l’égard des migrants, en Hongrie, en Pologne et ailleurs.

Il faut souligner ici la solitude de M. Macron en Europe. Il est le seul à défendre avec vigueur ce qu’on appelle les « valeurs » de la société occidentale. Il est le seul à tenter de trouver avec des pays européens minés par le populisme des points de compromis susceptibles de faire progresser la réforme indispensable de l’Union. Aux réflexes frileux de populations inquiètes et gagnées par la xénophobie, il répond par un dessein qui dépasse les contingences, les petits calculs de très court terme, et la jalousie de partis défaits qui croient être en mesure de changer la donne en dépit de la solidité des institutions.

RICHARD LISCIA

 

 

 

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4 réponses à La loi qui divise

  1. ostré dit :

    Le problème n’est pas politique mais humanitaire. Cette loi est infâme (voir les réactions de la Cimade)
    Comment un journal destiné aux médecins paraît accepter ce projet ?

    Réponse
    Donc, à une écrasante majorité, l’Assemblée nationale a adopté une loi « infâme ». Donc, la Cimade a plus de poids que les députés. Donc, un journal médical doit appeler au soulèvement. Et ainsi de suite. Vous ne réglerez pas le problème avec des mots excessifs. Tout ce qui est excessif est insignifiant.
    R.L.

    • ostré dit :

      Cette loi n’est pas excessive pour vous ?
      Les démocraties vraies ou fausses ne sont pas toujours dans la voie humanitaire …
      poursuivre en justice des généreux qui aident des malheureux femmes ou enfants en danger vous parait normal.
      Réponse
      Point final au débat.
      R.L.

    • mathieu dit :

      La Cimade, pour essentielle que soit son action, admirable son implication et rassurante son empathie, a souvent une position engagée, militante et partiale (dans le centre de rétention où j’exerce, en tous cas). C’est sûrement une bonne chose, mais leur appréciation du dossier est souvent subjective et orientée, comme peut – comme doit – l’être celle d’un avocat à l’endroit de son client.

  2. julien dit :

    « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». Les médecins autant que les politiques seraient bien inspirés d’accepter cet aphorisme de bon sens

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