Trump-Macron : l’échec

Les yeux dans les yeux
(Photo AFP)

Ni sur le réchauffement climatique, ni sur l’accord nucléaire avec l’Iran, ni sur le néo-protectionnisme américain, ni sur le retrait des forces américaines en Syrie, Emmanuel Macron n’a réussi à convaincre Donald Trump de nuancer ses positions.

LE PRESIDENT Trump aime le président Macron. Il l’a dit publiquement et il l’a prouvé en époussetant le revers de sa veste et en déposant un baiser sur sa joue, ce qui a fait éclater de rire l’assistance. Mais le chef de l’Etat français s’est rendu à Washington, certes pour réaffirmer une amitié franco-américaine de plus de deux siècles, mais aussi pour infléchir sa politique monolithique sur des sujets qui engagent l’avenir. M. Trump a montré qu’il était toujours séduit par ce jeune homme dynamique qui dirige la France aujourd’hui ; il est en quelque sorte « bluffé » par lui et M. Macron lui inspire une affection paternelle. Le président français, avant son arrivée aux Etats-Unis, avait pris la précaution d’accorder un entretien à Fox news, la chaîne de télévision fanatiquement pro-Trump. Il avait souligné les points communs qui les rapprochent. Nous sommes, avait-il dit, deux hommes politiques qui ont gagné les élections contre toute attente, je suis, comme lui,  un maverick, une mouton noir, un dirigeant atypique. On sait que Macron est le président capable de discuter avec tout le monde, y compris nos pires adversaires.

Le risque du fiasco.

Toute cette débauche d’appels du pied, de sourires, d’embrassades, de flonflons, de superlatifs, l’hommage magnifique rendu par Trump au colonel Arnaud Beltrame sont  propres à la grande célébration d’une amitié que, personnellement, je ne peux qu’encourager car il est vrai que l’histoire et les systèmes politiques nous rapprochent bien plus des Américains qu’ils nous en éloignent et que l’idiosyncrasie d’un seul président ne suffit pas à modifier les liens étroits qui nous unissent. Mais ils n’auront pas suffi à modifier d’un iota l’intransigeance désormais légendaire de Donald Trump. On peut même ajouter que, à propos de l’Iran,  Macron a fait un pas immense en direction de Trump. Il avait juré qu’il n’y avait pas d’alternative (de plan B) à l’accord nucléaire avec l’Iran, voilà qu’aujourd’hui il envisage une renégociation de l’accord. Il le fait sans avoir consulté ses amis européens, notamment Angela Merkel, et surtout sans avoir exploré la pensée de Vladimir Poutine sur la question. Il n’a pas davantage essayé de savoir si l’Iran était susceptible d’accepter de nouveaux pourparlers. Le réalisme commandait de ne pas y croire. Sans doute M. Macron se faisait-il fort d’influencer ses interlocuteurs, comme il a cru pouvoir le faire avec Donald Trump : ce serait ajouter le fiasco à l’échec. Le résultat ne s’est pas fait attendre : Téhéran et Moscou ont fait savoir qu’ils ne renégocieraient pas.

Les prémices de la guerre.

Le fond de l’affaire, c’est que l’accord avec l’Iran porte exclusivement sur la capacité de ce pays à acquérir la bombe atomique. Les négociateurs occidentaux n’ont demandé aucun compte à Téhéran sur les autres aspects de sa politique. En trois ans, la situation au Proche-Orient a changé. Les forces iraniennes sont présentes en Syrie sous diverses formes, y compris par de puissantes milices, comme le Hezbollah, qui menace Israël, et au Yémen où se poursuit la rébellion houtiste contre l’Arabie saoudite. L’Iran, qui contrôle déjà l’Irak, exerce une politique de grande puissance à la faveur du conflit syrien, en utilisant des moyens militaires pour se faire entendre. M. Macron est parfaitement conscient des risques croissants de déstabilisation de la région. C’est ce qui l’a conduit à rejoindre partiellement la position de Trump. Mais l’abandon pur et simple de l’accord nucléaire serait un feu vert au redémarrage de la recherche atomique en Iran et l’acquisition en moins d’un an de ses premières bombes. Le danger est assez grand pour déclencher une guerre.

Emmanuel Macron a sûrement impressionné la presse et le public des Etats-Unis. Mais il a surtout réussi à donner à Trump une dimension politique qu’il commençait à peine à acquérir quand la Corée du Nord a décidé non seulement de négocier avec l’Amérique mais de faire des concessions unilatérales en arrêtant, au moins provisoirement, ses essais nucléaires et balistiques.  C’est le poker-menteur de Kim Jong-un, mais c’est Trump qui a été applaudi en Occident. Tout à coup, la pensée populiste prend du poids. Tout à coup, on commence à trouver un fond de vérité dans une violence rhétorique qui porte ses fruits ; dans un protectionnisme qui consisterait, pour les Etats-Unis, à sauvegarder leurs intérêts commerciaux ; dans une comptabilité un peu mesquine qui fait dépendre l’action militaire de ce qu’elle coûte, au mépris des victimes du totalitarisme. M. Macron s’est présenté à Washington comme l’homme chétif capable, grâce à sa technique, de renverser le plus puissant des judokas. Pas de miracle : le plus fort a gagné la partie.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Trump-Macron : l’échec

  1. Scalex dit :

    C’est comme aux jeux olympiques. L’essentiel est de participer.

  2. admin dit :

    L.L dit :
    Pas étonnant que ce soit présenté comme un succès aux Etats-Unis et un renouveau de l’amitié franco-américaine.
    Réponse
    Dans son discours d’aujourd’hui au Congrès, Macron a effectivement célébré en des termes émouvants l’amitié franco-américaine. J’admets en outre qu’il a redit ses quatre vérités à Trump. Le plus drôle, c’est que les Républicains l’ont applaudi sur tout, même ses convictions climatiques et anti-protectionnistes. C’est le succès du verbe et l’échec dans les faits.
    R.L.

  3. Bedat dit :

    Tout cela me fait penser à la comédie-vaudeville de Labiche »Embrassons-nous, Folleville »! Mais enfin,il vaut mieux être l’ami des puissants de ce monde,et les convaincre qu’ils sont irrésistibles, même si dans l’immédiat ça ne rapporte rien.

  4. CHRETIEN dit :

    A propos de l’Iran et de la bombe atomique; lors de la visite à Téhéran de Catherine Ahston , ancienne représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères , voici ce qu’a répondu l’interprète officiel iranien (guide français d’une culture époustouflante) et rapporté par lui -même : »Notre bombe atomique, c’est notre religion ! ».

  5. jean-louis dit :

    Et pourtant, tout semblait rapprocher ces deux hommes, Et E. Macron comptait là-dessus.
    Trump aime les gagnants, pas les perdants. Pareil pour Macron qui n’a aucun égard pour les classes modestes ou laborieuses.
    Macron aime l’anglais et la globalisation, cela devait être pareil pour Trump.
    Macron et Trump ne voient qu’eux-mêmes, n’aiment qu’eux-mêmes.
    Oui, mais voilà, c’est comme dans un western. Il faut que l’un des deux héros élimine l’autre;

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