Macron, an II

Joyeux anniversaire
(Photo AFP)

Il y a un an, jour pour jour, Emmanuel Macron était élu à la présidence de la République. La première année de son mandat a ressemblé à un marathon réformiste. La deuxième sera freinée par le vif mécontentement qu’exprime la population.

LA CRISE la plus grave n’est pas celle de la SNCF où un accord conventionnel peut être trouvé qui remplace le statut du cheminot, même si la CGT entretient minutieusement la grève et campe sur d’inaltérables positions. La menace la plus sérieuse n’est pas non plus venue de « la fête à Macron », manifestation dite « bon enfant » qui n’en était pas moins l’expression la plus déterminée de la haine qu’inspire le président aux forces de gauche, mais n’a réuni que 40 000 personnes, avec la promesse que la prochaine édition du feuilleton protestataire, celle du 26 mai, sera, juré, craché, un ras-de-marée auquel ne croient que ceux des Insoumis qui nous promettent le chaos depuis un an sans jamais nous conduire à ce paradis du désordre, et c’est heureux. Le coup le plus dur pour la majorité, c’est la brutale dégradation de la crise d’Air France.

Des hausses de gros salaires.

Le P-DG de la compagnie, Jean-Marc Janaillac, à bout d’arguments, a proposé une consultation des quelque 40 000 salariés d’Air France, avec l’espoir que les non-pilotes, majorité écrasante des personnels, seraient plus raisonnables que les pilotes et accepteraient une augmentation étalée sur quatre ans. Ils ont dit non à 55 % (et 80 % ont participé au vote). C’est un retour à la case départ. Et la grève continue. M. Janaillac, qui avait mis son propre poids dans la balance, a démissionné, juste après avoir dit que le choix des salariés était « suicidaire ». Les revendications salariales étaient basées sur le bénéfice (588 millions) de la société en 2017. Le premier trimestre est de nouveau déficitaire et la grève a coûté à Air France quelque 300 millions. On peut accorder toutes les augmentations du monde et mettre la clé sous la porte. A quoi s’ajoutent les déclarations du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui rappelle qu’Air France n’étant pas la SNCF, il n’est pas question pour l’État de renflouer la société et de payer les hausses de salaires avec l’argent du contribuable. L’hypothèse de la disparition de notre compagnie aérienne nationale n’est pas du tout absurde.

M. Janaillac n’a pas caché sa consternation et elle est compréhensible dans la mesure où les employés d’Air France, bien ou mal payés, sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis. On peut se révolter contre leur comportement, il n’empêche qu’il exprime à lui seul une déraison syndicale qui dresse contre la réforme l’obstacle le plus élevé et le plus lourd. Si on accorde une hausse de 6% à des pilotes qui gagnent en moyenne 15 000 euros par mois, une centaine d’entre eux obtenant jusqu’à 25 000 euros, il devient logique de satisfaire toutes les revendications des cheminots. (Les personnels navigants, hôtesses et stewards ont des salaires relativement bas, entre 1 500 et 2500 euros par mois, auxquels s’ajoutent des primes substantielles). Ce qui signifie que, si Air France est ingouvernable, la SNCF le sera encore moins.

Emmanuel Macron passe un mauvais moment parce qu’il est attaqué de toutes parts et que les crises s’empilent, donnant du pays l’aspect d’un chantier de démolition. M. Le Maire a exposé la position du gouvernement sur Air France et le Premier ministre, Édouard Philippe, reçoit un après l’autre aujourd’hui, les syndicats de la SNCF avec lesquels il parle de la reprise de la dette, non sans avoir souligné, s’il en était encore besoin, que le gouvernement ne transigera pas sur la fin du statut de cheminot et la mise en concurrence de la société à l’horizon 2020. Aucun des syndicats ne croit possible de changer les principes adoptés par les pouvoirs publics ; aucun ne s’attend à une percée majeure pendant la journée d’aujourd’hui ; et il est plus que probable que la grève des cheminots continuera.

Irrédentisme syndical.

L’immobilisme général qui caractérise aujourd’hui le dialogue social n’est pas dû seulement aux objectifs réformistes du gouvernement. Il traduit une sorte d’irrédentisme syndical, certes déclenché par les changements sociétaux qu’a voulus le gouvernement, mais qui s’est renforcé au cours de plusieurs années d’austérité induites par la crise de 2008. La réaction des syndicats est celle de l’autruche qui met sa tête sous le sable pour ne pas voir le danger qui la guette. Et leur stratégie est uniquement dictée par la peur d’une remise en cause de leurs avantages acquis. Ce qu’ils exigent, c’est le statu quo, alors qu’il conduit la SNCF et Air France à la faillite.  Quand ils se plaignent du dialogue de sourds institué par le gouvernement, ils oublient de dire qu’ils ne veulent pas négocier les termes de la réforme. Certes, la méthode Macron est brutale et il lui appartient d’en arrondir les angles. Il n’empêche qu’il dit la vérité quand il explique qu’on ne peut pas s’en tenir à des systèmes que le monde réel a balayés. Le président a été élu très précisément pour procéder aux « transformations » que ses électeurs lui reprochent aujourd’hui. D’ailleurs, ils lui tiennent moins rigueur de son projet que de ses manières (ou de ses choix fiscaux).

Les pilotes sont minoritaires. La France insoumise est minoritaire et incapable d’abattre le pouvoir en place. Les cheminots sont minoritaires et il suffit de mobiliser les seuls conducteurs pour paralyser le réseau. La dramaturgie instaurée par la répétition des manifestations a déclenché une très vive concurrence critique entre la droite et la gauche. François Hollande n’aura pas attendu un an pour se réinsérer dans la vie politique avec la publication d’un livre qui montre que la vengeance est un plat qui se mange chaud, puisqu’il passe son temps, sur les plateaux de télévision, à dénigrer l’homme qui l’a trahi pour se faire élire. On comprend l’amertume de l’ex, mais s’il avait attendu un an de plus avant de se jeter de nouveau dans la mêlée, il aurait conservé ce que l’on ne lui a jamais nié jusqu’à présent : sa décence et ses bonnes manières. Mais qu’offre-t-il pour sa part ? De revenir au temps de sa désastreuse gestion ? Il n’y en a pas un seul qui soit capable, dans l’opposition, de nous faire croire qu’on peut vilipender à l’envi ce président sans proposer une autre politique.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Macron, an II

  1. Michel de Guibert dit :

    Les pilotes d’Air France sont des privilégiés et leur revendication d’augmentation de salaire est indécente ; leur attitude irresponsable risque effectivement de conduire Air France à la faillite.

  2. Picot dit :

    Hollande ? Sa décence et ses bonnes manières ? Heu… Pas en scooter en tout cas. Lamentable pour un président de la République.

    Réponse
    La décence et les bonnes manières n’empêchent pas la maladresse.
    R.L.

    • PICOT dit :

      Comme vous êtes indulgent !

      Réponse
      De même que vous écrivez trop souvent. Je me demande s’il est utile d’envoyer plusieurs messages par blog.
      R.L.

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