Le pic de la galère

TGV à l’arrêt
(Photo AFP)

La « journée sans trains » n’a pas complètement arrêté le trafic ferroviaire, mais elle a donné un second souffle à la grève des cheminots.

LE MOT D’ORDRE syndical a été très largement suivi, par près de 50% des cheminots. On a noté la formation d’un piquet de grève à la gare Saint-Charles de Marseille et, plus grave, des dégradations sur les lignes Paris-Caen et Paris-Rouen, qui ont été réparées, ce qui a permis la restauration du trafic entre la capitale et la Normandie. La direction de la SNCF indique que la mise hors service d’une caténaire ainsi que d’autres sabotages moins importants n’ont pu  être causés que par des spécialistes. Elle a l’intention de porter plainte. Hormis ces délits, l’aggravation du mouvement s’est traduite par des difficultés accrues pour les usagers et une augmentation considérable de la circulation des voitures sur les principaux axes  autour des métropoles.

L’idée de la consultation.

La relance de la grève est donc réussie. Elle répond aux premières concessions offertes par le gouvernement aux syndicats dits réformistes, la CFDT et UNSA, qui reconnaissent d’ailleurs que, pour la première fois, le Premier ministre, Edouard Philippe, a donné des signes favorables à  la reprise des négociations, notamment parce qu’il a mentionné le financement de la dette. Tout se passe comme si la CGT et Sud avaient voulu torpiller ce progrès pour que le mouvement campe sur des positions intransigeantes, et empêché les syndicats ouverts à un compromis de devenir les interlocuteurs valables du gouvernement. Ces variations nouvelles dans le rapport de forces ne sont pas considérées, si l’on en croit la plupart des commentaires de presse sur le sujet, que les syndicats les plus obstinés finiront par contraindre les pouvoirs publics à renoncer à la réforme. Non seulement elle est approuvée par une majorité de Français, selon les sondages, mais elle n’a pas déclenché, à ce jour, une colère des usagers assez virulente pour qu’ils exigent de l’exécutif une reddition.

Comme je l’avais prévu dans cet espace, la « consultation » des salariés d’Air France, qui s’est traduite par un rejet des propositions salariales du P-DG de la compagnie aérienne, Jean-Marc Janaillac, a apporté un stimulant aux cheminots. Les syndicats ont décidé de copier l’idée de M. Janaillac, mais à leur avantage. Ils ont organisé eux aussi une consultation, qui va courir pendant toute la semaine et dont le résultat négatif, inattendu à Air France, ne fait aucun doute en ce qui concerne les cheminots : il exprimera le refus de la réforme et s’opposera donc à la fin du statut de cheminot et à la mise en concurrence, à terme, de la SNCF. Pendant le week end, la rumeur a couru que le gouvernement avait l’intention de privatiser la compagnie ferroviaire, hypothèse considérée comme scélérate par les syndicats, mais que le gouvernement a fermement démentie.

Deux logiques opposées.

Il s’agit, pour la CGT et Sud, de discréditer le pouvoir en lui prêtant des intentions délétères, ce qui justifierait leur impavidité dans la crise. N’importe quel observateur qui assisterait à une grève prolongée de plusieurs mois et à laquelle ne serait trouvée aucune issue, penserait pourtant que la tentation deviendrait grande, pour le gouvernement, de se débarrasser du carcan. Les pertes croissantes de la SNCF et d’Air France risquent en effet de peser dans leurs comptes et de les obliger à rechercher d’autres solutions.  C’est un peu ce qu’a dit le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, la semaine dernière, au sujet d’Air France, à savoir que l’Etat envisagerait de vendre ses parts (14 % du capital de la société, mais 28 % des voix) si, après la nomination d’un nouveau P-DG (M. Jarnaillac devant démissionner), les syndicats, et notamment celui des pilotes, ne changeaient pas d’avis. Jamais les deux logiques n’ont été aussi opposées : le gouvernement veut adapter les deux sociétés à l’évolution du marché, les syndicats tiennent à conserver le statu quo en dépit des menaces qui pèsent sur le statut des salariés. Ce sont en tout cas les usagers des deux compagnies et l’économie, notamment celle du tourisme et du fret, qui pâtissent de ces deux grèves interminables. Le gouvernement campe sur la légitimité que lui octroient sa majorité et la nouvelle loi sur le transport ferroviaire, les syndicats lui nient le droit de faire le droit. Ils n’ont même pas un mot d’explication sur l’abus de pouvoir qu’ils commettent, comme si la notion de grève, certes inscrite dans la Constitution, suffisait pour qu’ils mettent le pays sens dessus dessous.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Le pic de la galère

  1. Chretien dit :

    Tout à fait d’accord avec vous. Combien de sociétés mises à mal par la CGT ?
    Quand va-t-on s’attaquer aux finances de la CGT, seul moyen de la réduire au silence (cf rapport Perruchot) ?

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