Le monstre de Liège

La médecine légale à pied d’oeuvre
(Photo AFP)

L’attentat de Liège n’est certes pas le plus grave qu’aient connu la Belgique et l’Europe, mais il a été particulièrement sauvage, avec un paroxysme de barbarie rarement atteint. Une fois de plus, il montre combien nos sociétés ouvertes sont vulnérables à la haine. Combien la tentation est grande de réprimer le terrorisme avant l’agression, avec tous les risques de la méthode.

IL S’APPELAIT Benjamin Herman. Il avait 31 ans. C’était un repris de justice multi-récidiviste qui, au moment de ses crimes, bénéficiait d’une « permission », comme un soldat qui a quartier libre. La veille, il a assassiné un homme à coups de marteau. Mardi matin, il se promène dans Liège, et poignarde à plusieurs reprises, dans le dos, deux policières. Il s’empare de l’arme de l’une d’elles et les achève. Le double crime pétrifie le quartier où il déambule. Il tue un jeune homme de 22 ans dans une voiture arrêtée et garée. Il entre dans une école, prend une femme en otage. Les policiers arrivent en nombre. Il en blesse plusieurs aux jambes. Il est abattu.

Sa cible, la police.

Il avait crié « Allah ouakbar ! ». Le procureur du Roi dit que Herman était fiché, que la police savait qu’il s’était radicalisé en prison, qu’il a voulu spécifiquement s’en prendre à la police. Comment écouter ces explications sans se demander pourquoi un homme aussi dangereux a été mis en liberté à plusieurs reprises ? Comment n’a-t-on pas décelé sa sauvagerie, dirigée contre deux femmes, lardées de coups de couteau, puis achevées à l’arme à feu ? Comment ce nouvel épisode de la guerre menée par les terroristes, précédé de tant de crimes et annonciateur de tant d’autres, ne donnerait-il pas à réfléchir, aux Belges, bien sûr, mais aussi à tous les Européens ? Nous avons évalué, soupesé, chiffré le mal qu’un seul homme muni d’un couteau peut faire à nombre d’innocents. C’est trop, beaucoup trop pour un individu que tout son passé, toute son parcours personnel désignaient comme un assassin en puissance auquel la bienveillance du royaume a accordé les avantages généreusement distribués aux détenus les moins violents.

Dissimulation.

Benjamin Herman avait déjà obtenu de nombreuses permissions et, paradoxalement, il n’en avait pas profité pour commettre un crime et il était revenu sagement à sa prison. Ce qui, sans aucun doute, a encouragé l’organisme de tutelle à lui accorder régulièrement des sorties. C’est la capacité des terroristes en puissance à dissimuler leurs intentions, à cacher la haine ardente qui les consume, que les fonctionnaires chargés de la détention et de la libération doivent prendre en compte. Nous sommes là, à Liège, mais en France aussi, face à un problème, celui de la prison qui contamine les détenus avec le virus de la violence criminelle, auquel nous n’avons apporté aucune solution. Peut-on suggérer que les cerveaux déjà lavés par l’idéologie salafiste doivent être confinés dans un ghetto carcéral ? En tout cas, il est temps de séparer les condamnés de droit commun des terroristes qui recrutent inlassablement de nouveaux « combattants ». A n’en pas douter, un détenu qui obtient des permissions de sortie régulières est une cible. Si des maîtres à penser le convainquent de la « beauté de leur cause », ils le transformeront en bombe à retardement.

Loin de moi l’idée de porter un jugement. Je sais bien qu’il y a une faille entre deux plaques tectoniques,  l’indispensable répression assortie de la prévention, et le maintien des droits sans lesquels nos démocraties seraient sur la voie du déclin. La tentation totalitaire, c’est ce que souhaite Daech, pour qui les attentats ne seraient que l’avant-goût d’un effondrement infiniment plus spectaculaire de nos sociétés. Fragilisées par la peur et la complaisance pour les solutions simples,  elles deviendraient encore plus vulnérables.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Le monstre de Liège

  1. JULIEN dit :

    Il n’y a effectivement pas de réponse simple à un problème aussi complexe. Il semble bien que la plupart de ces terroristes qui passent à l’acte soient des délinquants déjà condamnés antérieurement et certainement fragiles sur le plan psychologique ce qui favorise leur radicalisation au contact des islamistes en milieu carcéral. C’est en partie au moins cette fragilité qui explique aussi la monstruosité des crimes perpétrés comme ceux des tueurs en série des USA. Il y a certainement aussi des islamistes fanatisés par certains aspects de leur religion. La multiplicité des facteurs impliqués ne peut que majorer la difficulté pour établir une conduite à tenir

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