SNCF : rupture syndicale

Philippe Martinez
(Photo AFP)

Deux syndicats, l’UNSA et la CFDT, ont décidé de ne pas prolonger la grève dite perlée à la SNCF, au-delà de la fin du mois de juin, alors que la CGT et SUD veulent la poursuivre en juillet, au moment des grands départs en vacances. Ces décisions signent la rupture du front syndical.

C’ETAIT probable, et même certain : l’UNSA et la CFDT n’étaient pas enthousiastes au sujet du choix de la grève, de sa forme « innovante » et de ses conséquences pour les passagers. La CFDT a invoqué l’impopularité de la poursuite du mouvement en pleines vacances. La vérité est plutôt qu’elle préfère la négociation, d’autant que celle-ci a permis la reprise partielle de la dette de la SNCF et la promesse indispensable d’une négociation de la nouvelle convention collective qui doit remplacer le statut des cheminots. Mais la détermination des deux syndicats les plus fermes a résisté au risque de désunion. Les syndicats « raisonnables » comptent surtout sur le dialogue, ceux qui s’entêtent estiment n’avoir obtenu des avancées que grâce à la grève.

Macron remporte la partie.

Ils ne semblent pas mesurer leur isolement, non seulement sur le plan syndical, mais aux yeux de l’opinion qui, majoritairement, approuvent la stratégie du gouvernement. Ils en sont donc à se battre contre un exécutif qui, objectivement, a remporté, et de haute lutte, la première manche du conflit, et même sa totalité si l’on considère que, de toute façon, on n’assurera pas la protection des cheminots sans discussion avec le pouvoir. Après quoi, on peut toujours reprocher à ceux qui nous gouvernent d’avoir engagé la réforme de la SNCF sans trop se soucier de ses funestes répercussions sur les passagers. On peut accuser les syndicats de la même faute. Les parties en présence ont fait bon marché de l’intérêt national. C’est la clientèle de la SNCF qui a payé les pots cassés. Cependant, on n’a pas le droit de dire que le statu quo était possible. Cela fait des décennies que notre réseau ferroviaire doit être modernisé, que les acquis sociaux des cheminots, qu’ils l’admettent ou non, étaient incompatibles avec la bonne santé de la compagnie et que, tôt ou tard, il faudra mettre la SNCF en concurrence avec d’autres sociétés.

La faute principale de la CGT est d’avoir cru qu’elle était en mesure, à elle seule, d’arrêter la marche des réformes macroniennes. La seconde, c’est d’avoir fait de la grève un instrument politique, alors que, depuis le début de ce siècle, ce syndicat s’efforçait de se débarrasser de l’étiquette communiste qu’il avait acquise à cause de sa complicité avec le PCF. Cette étiquette, Philippe Martinez l’a troquée contre un badge de la France insoumise. LFI et la CGT peuvent maintenant dresser le bilan des conséquences de leur volonté inébranlable qui, en définitive, n’a réussi qu’à avaliser l’idée du pouvoir que, pour en finir avec les archaïsmes français, il faut passer en force.

La réforme est maintenant une loi.

Je ne nie pas que la grève laissera des traces et beaucoup d’amertume, qui ne faciliteront pas l’indispensable concertation. Mais, tous les jours, je reçois des messages de correspondants qui nient la légitimité d’Emmanuel Macron, celui qu’ils appellent le « mal élu », sous le prétexte qu’il n’aurait obtenu au premier tour que 18 % des suffrages exprimés. En réalité, il a obtenu plus de voix que ses opposants, et il a donc gagné le premier tour, de même qu’il a largement gagné le second, avant d’obtenir une majorité de quelques 350 sièges à l’Assemblée. Ce que ne comprennent pas ceux qui, pour justifier leur hostilité au pouvoir, lui cherchent des vices, des faiblesses, des échecs, bref des poux dans la tête, c’est qu’une logique de fer mène le débat national et aboutit à la mise en place des réformes. La logique majoritaire. La réforme est indiscutable parce qu’elle est devenue une loi.

Le fameux statut des cheminots valait-il qu’on en arrive à semer le chaos dans le transport ferroviaire, que, sous prétexte de s’opposer, on en vienne à remettre en cause la légitimité républicaine, que le mécontentement s’exprime sous une forme prétendument révolutionnaire qui a surtout favorisé la casse des magasins par les black blocs ? Ce qui se perd, aujourd’hui, c’est la responsabilité. Il me semble qu’un syndicat doit, comme toute organisation ou association, en posséder la bonne dose. Or il y a une contradiction terrible entre l’affirmation selon laquelle le gouvernement n’a rien lâché et celle qui justifie la poursuite du mouvement par les concessions obtenues pendant la négociation. On a fait à Elisabeth Borne, ministre des Transports, un procès d’une violence indigne. A chaque sortie des pourparlers, les syndicats poussaient des cris de colère contre un pouvoir incapable de lâcher un peu de lest, se présentaient comme les victimes d’un complot « ultra-libéral », hurlaient à la méthode totalitaire. J’ai envie de leur dire : non mais, regardez le monde autour de vous, observez l’ascension de l’intolérance au coeur d’institutions démocratiques dévoyées, voyez comment des démocraties se transforment, peu à peu, en blocs autoritaires dirigés par des satrapes. Et revenez sur terre. En France.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à SNCF : rupture syndicale

  1. Scalex dit :

    Bravo pour votre façon de mettre les choses au point. Certains font une fixation sur les 18 % de Macron au premier tour. Pour un candidat inconnu il y a encore peu de temps, c’est quand même une sacrée performance. Ce que je regrette aujourd’hui, c’est une prise de conscience un peu tardive, puisque j’ai voté Fillon au premier tour.

  2. ARNOULD Olivier dit :

    Je suis très surpris de voir cette forme curieuse de rhétorique qui consiste à dire que la contestation est la preuve de la vérité. Autant il est légitime à chacun d’exprimer une opinion, autant toute critique n’est pas vérité par sa seule expression.
    N’est pas sur ce point-là qu’il faut évoluer ?

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