L’Europe sauve sa peau

Macron au petit matin
(Photo AFP)

Par rapport aux déclarations très pessimistes qui avaient été faites avant le sommet de Bruxelles, notamment celles d’Angela Merkel, qui n’avait pas caché sa crainte d’une implosion, l’Union européenne a accompli dans nuit de jeudi à vendredi un pas essentiel pour sa survie.

L’ENTHOUSIASME post-négociation des participants, au terme d’une discussion marathonienne de 9 heures, est surprenant. On voit mal comment les positions des 28 ont convergé vers l’accord. Il semble bien que la nécessité de sauver l’Europe, y compris aux yeux du groupe de Visegrad et de l’Italie, très hostiles à l’immigration, ait influencé le vote. Le plus important est que l’espace de Schengen a été préservé. Le plus inquiétant, c’est que toutes les décisions prises à Bruxelles sont fondées sur le volontariat, dans un univers où la bonne volonté se fait rare. C’était sans doute la condition sine qua non de l’accord. Nous sommes parvenus, en Europe, à un tel degré d’hystérie concernant l’immigration sauvage qu’il est devenu impossible de dicter des règles aux États membres.

Le contenu de l’accord.

Le texte signé par les 28 contient les clauses suivantes : l’Europe va coopérer avec les pays du sud de la Méditerranée pour que les candidats à l’exil soient bloqués et ne puissent pas embarquer. Il y aura un premier accueil hors d’Europe pour que le droit d’asile soit examiné en bonne et due forme. Ceux qui arriveront quand même sur le sol européen seront placés dans des centres d’accueil contrôlées par l’Union. Le système Frontex sera renforcé et ses effectifs multipliés par sept. Les 28 devront être solidaires d’États particulièrement exposés à l’immigration clandestine comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne. La répartition des migrants se fera elle aussi sur la base du volontariat. Ceux qui refuseront l’accueil devront participer financièrement à la création des centres d’accueil.

Il n’est pas excessif d’imaginer que les pays comme la France et l’Allemagne ont reculé pour mieux sauter. Ils ont réussi à maintenir l’unité européenne, mais la simple vérité est que le nouveau gouvernement italien  a déclenché un électrochoc suivi d’une prise de conscience. C’est en refusant des navires transportant des migrants que Rome a convaincu ses partenaires qu’ils devaient enfin partager le fardeau. Il y a tout lieu de croire que les belles dispositions adoptées dans la nuit seront très difficiles à appliquer. Dans les procédures qui seront engagées, les difficultés naîtront des premiers refus. Même si Frontex est renforcé, il est nécessaire de construire ou d’élargir aussi vite que possible les infrastructures qui accueilleront les migrants. Les pays qui continuent de refuser l’accueil ne les créeront pas sur leur sol, les autres devront assumer la tâche.

Le risque d’une sanction électorale.

L’Italie n’a pas eu tort d’attirer l’attention des Européens sur la gravité du problème, même si elle l’a fait par des provocations. En revanche, elle a contribué à transformer la crise de nerfs européenne en aversion durable et injuste contre toute forme d’immigration. Selon un sondage Odoxa, 60 % des Français estiment que trop de migrants arrivent en France. Or notre pays n’est pas celui qui fait le plus gros effort. Nous nous sommes largement appuyés sur l’accord de Dublin, selon lequel tout migrant accueilli par un pays qui a enregistré ses empreintes digitales doit rester dans ce pays. C’est sous le couvert de la légalité européenne que nous avons impitoyablement refoulé vers l’Italie, à Vintimille ou dans les Alpes, les clandestins qui tentaient de passer la frontière italo-française. Compte tenu de l’état de l’opinion publique, française, mais aussi européenne, sur le sujet de l’immigration, toute générosité nationale sera sanctionnée lors des rendez-vous électoraux. D’un côté, nous sommes nombreux à ne pas souhaiter un succès de l’extrême droite ; d’un autre côté, cette extrême droite est au pouvoir à Rome et elle se fait fort bien entendre, dans une atmosphère dépourvue de tout ostracisme.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à L’Europe sauve sa peau

  1. PICOT François dit :

    Cet « accord » est du vent. Juste de de la communication. Pour cela Macron est excellent. Qui va croire que les pays africains vont accepter de créer des centres de rétention? Rien n’est réglé et l’UE n’est pas sauvée du tout. Elle évoque de plus en plus la tour de Babel : écroulement en vue, et chaque nation retrouvera sa propre langue.
    Réponse
    Ne vous réjouissez pas trop tôt : l’UE a été sauvée hier, elle a un répit. Sinon, elle aurait déjà implosé.
    R.L.

  2. Chretien dit :

    Excellente analyse de la situation européenne et du risque électoral français.
    Une photographie d’un village français : 17 000 habitants, 7 000 Turcs. 800 personnes employées par la mairie LRM (ex socialiste) qui,bien sûr,v otent pour elle ainsi que toutes leurs familles .
    Pour le ramassage des asperges et des fraises dans l’ordre chronologique :français, puis successivement, espagnols, italiens, maghrébins, turcs et maintenant ….équatoriens.
    Nous avons plus de 4 millions de chômeurs !

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