Retraites, pomme de discorde

Un projet complexe
(Photo AFP)

Après un an de réformes à tout-va, le gouvernement semble vouloir faire une pause. Il a, par exemple, repoussé à septembre les annonces relatives à la réforme de la sécurité sociale. Pour celle des retraites, il a principalement lancé l’idée d’une suppression de la pension de réversion, qu’il a rapidement corrigée, tant les critiques étaient acerbes.

QUE LE président se donne le temps de respirer et permette à ses administrés de souffler un peu ne peut être qu’une bonne chose. Le rythme de l’activité gouvernementale et parlementaire devenait exténuant. M. Macron peut d’ailleurs se targuer d’avoir, en un an,  bouleversé le paysage administratif français. De nombreuses lois ont été adoptées, moralisation de la vie publique, loi anti-terroriste, droit du travail, suppression de l’ISF, réforme contre les violences sexuelles, loi asile-immigration, apprentissage et formation professionnelle, logement, assurance-chômage, enseignement à l’école primaire, et la liste n’est pas exhaustive. Qu’il réponde aux cris de douleur poussés par les députés face à une tâche accablante et conduite frénétiquement ne peut que satisfaire tout le monde.

L’acharnement contre les retraités.

Mais le chantier commence à peine. Lundi, le président s’adressera au congrès réuni à Versailles dans une atmosphère marquée par la défiance de ceux des députés et sénateurs qui n’ont pas envie de l’entendre et sont hostiles à ses réformes, notamment la révision de la constitution, qui irrite la droite et la gauche à la fois : la réduction du nombre de parlementaires entraîne des choix dont aucun élu ne veut être la victime. La réforme des retraites ne sera amorcée que l’année prochaine, mais elle va donner lieu à une passe d’armes particulièrement violente. En effet, non seulement le gouvernement a posé une question sacrilège, celle de la pension de réversion, dont il a suggéré, du bout des lèvres, la suppression ou la réduction,mais il est tenté, dans le cadre de l’unification des régimes, de mettre la main sur les excédents des caisses de retraite. Les régimes du privé, conscients depuis plusieurs années que la démographie ne jouait pas en faveur de l’équilibre de leurs comptes, ont amassé des réserves estimées à 165 milliards d’euros, dont 70 pour la seule caisse des cadres du privé, Agirc-Arrco. Personne ne dit que ce sont les retraités qui ont payé pour emplir cette tirelire, eux dont les pensions sont gelées depuis cinq ans alors que la hausse de la CSG leur a été appliquée sans compensation.

Une difficulté de plus.

Emmanuel Macron a décidé de ne pas différer l’âge de départ à la retraite, un peu comme si, à une réforme d’une complexité extrême, il avait voulu ajouter une difficulté de plus à résoudre. Tous les pays européens ont été contraints de prolonger les carrières professionnelles. La longévité et la qualité de vie du troisième âge autorisaient cette révolution, pendant que le chômage réduisait les recettes des caisses. Le gouvernement s’oriente vers une retraite à points, estimant qu’un euro versé doit donner droit à un euro de pension. Mais ce principe entraîne un bouleversement historique car, à ce jour, la retraite à points n’existe que pour les pensions complémentaires, non pour la retraite de base, qui est financée par les cotisations des actifs pour le compte des pensionnés. Dans le cas d’une retraite à points appliquée à tous, les actifs paient pour eux-mêmes.

L’idée d’un payeur unique, en l’occurrence l’État, est à la fois séduisante et dangereuse. L’unification du système passerait en effet par la création d’un fonds national assez substantiel pour diminuer la dette publique, mais qui ne verrait le jour que si l’on dépouillai de leur cagnotte les professions du secteur privé. Or celles-ci, qui ont cotisé pour leur régime, deviendraient dépendantes du bon vouloir des pouvoirs publics, dont chacun sait qu’en période de vaches maigres ils sont capables de réduire les prestations, comme cela s’est vu pour l’assurance-maladie (dont la couverture, souvent très insuffisante doit être complétée par une mutuelle), et pour les collectivités locales, soumises au régime de l’eau et du pain sec.  Nul doute que cette réforme va soulever un vent de révolte au seul énoncé des principes adoptés par le gouvernement. Et que, si des dispositions ont été prises pour calmer le jeu en été, la bataille des réformes recommencera dès septembre.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Retraites, pomme de discorde

  1. PICOT François dit :

    Il semble de plus en plus clair que l’Etat louche sur les réserves de nos caisses de retraite que nous avons financées pour en faire profiter le secteur public, oubliant au passage qu’on nous a déjà pris un part de nos cotisations, sans bénéfice de points supplémentaires, au bénéfice du dit secteur public, Pour que ces messieurs dames puissent partir à 55 ans à la retraite, contrairement à nous. Cela s’appelle la « compensation » nationale. Un hold up organisé par des technocrates grassement payés. Notons que les retraités ne sont pas consultés pour l’instant. Nous ne nous laisserons pas faire. Macron veut un système à points. Devinez qui va fixer la valeur du point ?

  2. ostré dit :

    Oui, merci de constater que les retraités sont maltraités. Pour le reste le soutient à toutes les autres réformes me paraît anormal : suppression de l’impôt sur la fortune,loi asile/immigration, etc. Et dernièrement, le secret des entreprises qui va tout permettre aux multinationales sans aucun contrôle possible est scandaleux.

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