Une rentrée houleuse

Macron à Bormes
(Photo AFP)

Premier conseil des ministres ce matin à 10 heures après les vacances, arbitrages budgétaires avant la fin de la semaine : Emmanuel Macron s’apprête à aborder une nouvelle série de réformes, notamment celle des retraites et du système de santé, dans une ambiance européenne considérablement dégradée.

SI L’ON en croit les déclarations que le président de la République et quelques-uns de ses proches ont faites pendant le mois d’août, la détermination de l’exécutif serait revigorée par ses difficultés, à commencer par l’affaire Benalla dont nul ne peut jurer aujourd’hui qu’elle va s’effacer des mémoires. Il s’agit en réalité d’une attitude de principe destinée à faire pièce aux commentaires empoisonnés des oppositions qui, mises constamment, depuis près de 14 mois, devant le fait accompli, cherchent à ralentir le rythme haletant des réformes. Si M. Macron a bénéficié d’une période de grâce, ce dont on peut douter, elle est sûrement terminée. De sorte que poursuivre l’action gouvernementale sans trop se soucier des contre-propositions qui fusent et se multiplient chez les syndicats et les élus de l’opposition, c’est s’assurer la formation rapide d’un gros orage social dans les semaines ou même dans les jours qui viennent.

La hauteur de la falaise.

La volonté inébranlable du chef de l’Etat de compléter et finir la tâche qu’il s’est assignée eût été mieux servie par un climat plus clément. Après tout, comme il n’est pas, de ce point de vue, très différent de ses prédécesseurs, il reste possible que son Premier ministre trouve, à la faveur des discussions avec d’aussi nombreux adversaires, les mots qui apaisent. Il n’est pas inutile en tout cas qu’Edouard Philippe ouvre les bras à ses censeurs les plus acharnés. C’est sans nul doute M. Macron qui a donné le ton des confrontations à venir, mais il ne saurait oublier la hauteur de la falaise qu’il doit gravir. Personne ne le verrait progresser dans un ambiance politique encore plus détériorée, et sa capacité à faire des miracles, naguère si impressionnante, a été réduite de beaucoup.

Or ses marges de manoeuvre sont limitées. Il est sommé par la cour des Comptes de procéder réellement à des coupes dans les dépenses quand les élus de tout bord clament leur appétit de crédits ; la croissance, qui lui a été brièvement favorable pendant le second semestre de 2017, redescend à un taux plutôt médiocre de 1,7 % ; sa réforme des retraites, fondée non pas sur le prolongement des carrières mais sur le système à points, reste la plus politiquement dangereuse dans un contexte de gel des pensions pour tous depuis quatre ans ; enfin, et surtout, on ne sait pas si, dans l’énorme dossier européen, Emmanuel Macron va reprendre le leadership abandonné par Angela Merkel ou si, au contraire, il sera contraint de laisser les populistes au pouvoir, notamment en Italie, dicter le durcissement des politiques d’immigration.

Leader de l’Union ?

Le président a lancé une diplomatie quelque peu contradictoire : tout en se dressant contre les excès de l’autoritarisme en Turquie, en Italie et en Europe centrale, elle ne se connaît pas d’ennemis ; tout en dénonçant le retour rapide au protectionnisme, elle affecte d’accorder à Donald Trump l’importance que mérite un président des Etats-Unis ; tout en critiquant le gouvernement italien pour le cynisme de sa politique migratoire, le France ne se rue pas pour accueillir un plus grand nombre de clandestins ; tout en faisant miroiter à Vladimir Poutine les ors et pourpres de nos palais, nous ne l’avons pas empêché de faire en Syrie une paix qui a surtout réussi à relancer le djihadisme et à accorder une position hégémonique à l’Iran.

Il ne faut se faire aucune illusion : au-delà des réformes dont la société a tant besoin, l’année 2019 sera celle de l’Europe, en bien ou en mal. Ou bien un accord sera signé sur le Brexit ou bien le Royaume-Uni plongera dans l’une des plus graves crises de son histoires  ; ou bien les populistes et néo-fascistes gangrènent un peu plus les institutions européennes, ou bien M. Macron s’impose comme le nouveau leader de l’Union ; et il ne peut s’imposer que si ses réformes aboutissent. La partie européenne, pour Macron, se gagne d’abord en France.

RICHARD LISCIA

PS- Merci à ceux qui m’ont adressé leurs encouragements. Je reprends aujourd’hui le cours de mon activité avec (moi aussi !) détermination.

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5 réponses à Une rentrée houleuse

  1. Michel de Guibert dit :

    Une phrase de votre éditorial me laisse perplexe : vous reprochez à Macron de n’avoir pas empêché Poutine et la Russie « de faire en Syrie une paix qui a surtout réussi à relancer le djihadisme » !
    Il me semble au contraire que la lutte contre djihadisme a été efficace en Syrie comme en Irak et que le djihadisme a été affaibli même s’il sévit encore ailleurs, et notamment en Afghanistan ou au Sinaï.
    Raqqa comme Mossoul ont été libérées même si le prix en a été très lourd pour les populations.
    Réponse
    Mossoul a été libérée par les Irakiens et Raqqa par les Kurdes, pas par Poutine. Alliée de facto à l’Iran, la Turquie massacre les Kurdes en Syrie, ce qui a permis à Daech de reconstituer ses forces.
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      C’est effectivement le cas pour la libération de Mossoul et de Raqqa, mais d’autres villes ont été libérées par l’armée syrienne, comme Alep ou Deir el-Zor…

  2. Pierre DENIS dit :

    Bonjour M. Liscia
    J’aime beaucoup vos chroniques qui sont toujours très justes. Surtout n’arrêtez pas et ne lâchez rien !

  3. Henri Barroin dit :

    Je souscris au « surtout. ne lâchez rien » de Pierre Denis.

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