Cafouillages

Daniel Cohn-Bendit
(Photo AFP)

Le choix du remplaçant de Nicolas Hulot est à la fois urgent et compliqué, la question du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu donne lieu aux déclarations les plus contradictoires, alors que s’ouvre une période de grandes incertitudes dans un climat où tous les partis d’opposition veulent prendre leur revanche en tirant profit du soudain affaiblissement du pouvoir.

QUE SIGNIFIE ce débat confus, uniquement voulu par le président, et donnant lieu à des informations sur des tests qui auraient démontré que la méthode n’est pas encore au point ? Emmanuel Macron souhaite-t-il arrêter le mouvement descendant de sa cote de popularité ou bien craint-il vraiment que l’entrée en vigueur du nouveau système de collecte de l’impôt se traduise par un collapsus, comme un précédent, la paie électronique des militaires, l’a démontré et comme l’a rappelé l’ancien ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian ? Si la démarche du président était politique, dictée par le souci de ne pas aggraver ses relations avec l’électorat, la décision de reporter le prélèvement à la source aurait dû être déjà prise. Au lieu de quoi, deux ministres, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin déclarent que, aujourd’hui, le système est au point et ne risque pas de tomber en panne. Pendant que « le Parisien » de dimanche explique que, en février, les tests ont produit des résultats inquiétants.

Un autre risque à prendre. 

Ce débat technique est absurde. Nous n’avons pas été capables, depuis près de six mois, de colmater les brèches et de rendre le système viable ? N’est-il pas normal que, dans les premiers mois d’application, des « bugs » puissent se produire, ce qui serait une catastrophe seulement si on ne parvenait pas rapidement à les réparer ? M. Macron a peut-être demandé à ses ministres de lui jurer que le prélèvement à la source fonctionnerait sans le moindre incident technique et qu’en aucun cas la catastrophe de « Louvois », le paiement des salaires des militaires, ne se reproduirait. Dans ce cas, cela signifierait qu’il craindrait moins le prélèvement à la source qu’un mauvais fonctionnement, lequel, évidemment, serait porté au passif du pouvoir. Mais tout cela revient au même. La décision de réexaminer la réforme de la collecte de l’impôt reste politique. Le président a pris tous les risques pour lancer ses réformes, pourquoi hésiterait-il à prendre celui-là ?

Le pire est qu’un nouveau report du prélèvement à la source n’aurait pas soulevé une grande émotion populaire, alors que le débat au sujet de la préparation technique de la nouvelle collecte enrage les entreprises qui ont besoin de visibilité et ne peuvent pas attendre indéfiniment le bon vouloir du prince. Il en va de même avec le remplacement de Nicolas Hulot, qui a pris par surprise l’exécutif et auquel M. Macron cherche une réponse, certes compliquée, puisqu’elle oppose la réalité économique à l’idéal écologique, mais dont les données politiques sont néanmoins très claires : on ne choisit pas, pour lui donner le siège de M. Hulot au Conseil des ministres, une personnalité de second rang.

Un panier de crabes.

L’hypothèse Daniel Cohn-Bendit était excellente. On ne peut qu’approuver la rencontre entre l’ancien député Vert et le chef de l’État et l’on comprend que, pour diverses raisons, ils soient parvenus tous deux à la même conclusion, à savoir qu’ils devaient renoncer. On regrettera cet échec convenu par les deux parties, mais il est dû principalement à la lucidité de M. Cohn-Bendit, bien placé pour savoir que l’écologie politique en France est un panier de crabes. La preuve en est fournie par  le raidissement des écologistes, extrémistes ou centristes, qui, après la démission de M. Hulot, ont redoublé d’exigences et réclamé que l’économie tout entière soit mise immédiatement au service de la dépollution et de la lutte contre le réchauffement climatique. Est-ce bien raisonnable dans un pays où il y a encore trois millions de chômeurs ?

L’intérêt présenté par M. Cohn-Bendit, c’est que l’ancien leader de la révolte de mai 68 s’est transformé en 50 ans en militant écologiste et élu européen et que, à neuf mois des élections européennes, il était le parfait candidat au poste de Nicolas Hulot. De sorte que, si son nom a été mentionné (largement) pendant le week end, le choix définitif ne peut être qu’à la hauteur de ces deux hommes, Hulot et Cohn-Bendit. On parle de Barbara Pompili et de Pascal Canfin, deux personnalités éminemment respectables, mais qui n’ont pas le poids des deux autres. M. Macron se trouve sur une ligne de crête qui en fait une proie facile, dans une période quelque peu critique pendant laquelle le risque de bascule du pouvoir n’est pas négligeable. La moitié au moins de ses problèmes d’aujourd’hui résultent de sa seule volonté. Le reste est lié à une séquence de réformes à laquelle les conservateurs de tous bords, de droite et de gauche, veulent mettre un terme, principalement parce qu’ils cherchent à exister.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Cafouillages

  1. Cohn-Bendit est un  » électron libre », pas diplomate du tout,qui n’aurait pas manqué de semer rapidement la zizanie au sein du gouvernement…qui n’a pas besoin de cela en ce moment !
    Hulot n’est absolument pas irremplaçable.
    Pour le remplacer, il faut trouver un « écolo » convaincant mais ni utopique ni intolérant, c’est-à-dire le contraire de ce que sont la plupart de ses congénères !

  2. marie jo dzula dit :

    Oui, il y a 3 millions de chômeurs en France mais il y en aura encore plus quand nous aurons intégré les réfugiés climatiques et économiques: les deux allant de pair sauf à les refouler et les voir mourir !
    Daniel le Rouge est un politique, rien de plus maintenant, il profite d’un système sur lequel il a craché, en vieillissant, on se révolte moins.

  3. PICOT François dit :

    Bien sûr que le prélèvement à la source présentera des erreurs notables. Il y en a déjà un bon paquet avec le système actuel, par exemple avec la déclaration pré-remplie : des chiffres inexacts une année sur quatre, et le plus souvent au détriment du contribuable. Cette nouvelle façon de procéder ne peux que multiplier les couacs. Il faut aussi réaliser que ce système nous fait perdre le contrôle de notre budget et donc que c’est un moyen de plus pour nous asservir. La seule bonne question à se poser est : cela apporte-t-il quelque chose aux Français? La réponse est non, bien qu’on nous certifie le contraire.

  4. Michel de Guibert dit :

    Je pense au contraire que Cohn-Bendit aurait été un très mauvais choix.
    L’écologie a davantage besoin d’un homme pragmatique que d’un bateleur, et la politique est l’art du possible plutôt que la recherche du tout médiatique.

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