Un gâchis

Darmanin ou la persuasion
(Photo AFP)

L’épisode du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu n’aura pas été glorieux pour le gouvernement. On se demande pourquoi le président de la République a déclenché une tempête dans un verre d’eau il y a dix jours environ pour que le Premier ministre annonce finalement le maintien de la collecte à la source.

RIEN N’EMPÊCHAIT les pouvoirs publics, s’ils nourrissaient un doute sur l’efficacité de la méthode, de régler le problème en interne sans le jeter en pâture à l’opinion. Les raisons qui ont poussé Emmanuel Macron à exprimer ses doutes sur l’efficacité de Bercy restent mystérieuses et donnent lieu à des hypothèses multiples. Sans doute a-t-il craint principalement le mécontentement de l’opinion, dont le pouvoir d’achat s’est érodé, face à une ponction des revenus qui, même si elle n’augmente pas l’impôt, serait de toute manière désagréablement perçue. Mais le pire, dans l’affaire, c’est que M. Macron a laissé percer un doute sur la capacité des 40 000 fonctionnaires chargés de conduire la réforme à éviter des « bugs » majeurs et à apaiser les esprits.

Les efforts de Darmanin.

Quand le président a exprimé son inquiétude, ses concitoyens ont cru qu’il voulait en finir avec la nouvelle collecte de l’IR, sinon, pensaient-ils, il n’aurait pas mis ses appréhensions sur la place publique. C’est le corollaire de l’autorité : si elle manque d’enthousiasme pour une réforme, la réforme est morte. D’aucuns pouvaient donc penser que le psychodrame de quelque dix jours qui a suivi les questions posées publiquement par le président ne correspondait qu’à une feinte agitation et que le sort du projet était scellé. En tout cas, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a tellement pris au sérieux les états d’âme du président qu’il s’est évertué, avec un acharnement plutôt louable, à lui démontrer que le prélèvement à la source ne poserait aucun problème.

Incroyable pantomime.

M. Macron a-t-il cédé parce que son jeune ministre a été convaincant ? Ou a-t-il compris qu’il allait se livrer à une reculade qui l’eût affaibli bien plus que les difficultés de la mise en route du nouveau système ? S’est-il seulement exprimé avec sincérité ? A-t-il admis que ses inquiétudes ne portaient pas sur la technique, mais sur le risque d’un nouvel accroissement de son impopularité ? Toujours est-il que, au lendemain de cette incroyable pantomime (la remise en cause d’une réforme préparée par François Hollande, reportée d’un an, testée à multiples reprises par les services administratifs et, tout à coup menacée de report ou de suppression à cause d’un caprice présidentiel), on n’a pas l’impression que le chef de l’Etat a maîtrisé cette séquence de bout en bout. Il l’a déclenchée trop vite, sur un coup de tête, semble-t-il, et il n’en a pas cru ses yeux quand il a vu quel chapitre désordonné et alarmant de sa gouvernance il a ouvert.

Dans ces conditions, il n’y a même plus lieu de se prononcer pour ou contre la réforme. Ce ne sont plus ses défauts ou qualités qui nous préoccupent. C’est la facilité, la négligence,  la nonchalance avec laquelle le pouvoir s’empare d’un dossier, celui des impôts, qui constitue la clé de voûte de la démocratie. C’est le consentement à l’impôt qui assure le fonctionnement de toute la société : 98 % de la totalité de l’IR sont collectés chaque année. Si le civisme est progressivement remplacé par le doute, la colère, l’hostilité au pouvoir issu des urnes, le désordre est proche.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Un gâchis

  1. PICOT François dit :

    Exactement. C’est n’importe quoi. A moins que ces messieurs aient essayé de nous faire croire qu’lis avaient profondément réfléchi. Pour ne pas nous léser, bien sûr. Tout est fait contre nous. Il faudrait, comme disait Pompidou, qu’ils arrêtent de nous em….er. On peut toujours rêver.

  2. marie jo dzula dit :

    On se demande pourquoi le président de la République a déclenché une tempête dans un verre d’eau il y a dix jours environ.
    Tout simplement, il veut montrer qu’il est le chef, qu’il dit son mot sur tout, il a un égo plus que surdimensionné, un narcissique.
    Réponse
    Les explications les plus simples ne sont pas forcément les meilleures.
    R.L.

  3. Charly dit :

    Pour une fois; j’abonde avec vos propos…

  4. Scalex dit :

    Et si c’était au contraire un nouveau coup de génie du président. En créant le buzz, il s’assurait que tout le monde avait bien pris conscience de la réalité de la réforme. Et il sera facile de se faire pardonner les petites difficultés (mais pas les grosses): « Vous voyez, je vous avais bien dit que ce ne serait pas simple ». Les réactions ont aussi confirmé que le prélèvement à la source était attendu par beaucoup de gens. Ainsi tous les futurs retraités seront gagnants la première année dès 2019, et aussi ceux qui partiront les années suivantes. En revanche ceux qui entreront sur le marché du travail seront perdants la première année et ne bénéficieront du système qu’au moment de leur propre retraite.

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