Un budget réaliste

Édouard Philippe
(Photo AFP)

Le projet de budget du gouvernement n’est pas vraiment enthousiasmant. En dépit des promesses officielles de relance du pouvoir d’achat des ménages, il se caractérise par la prudence, elle-même dictée par une croissance faible.

PROMIS, juré : la pression fiscale va diminuer de six milliards pour les particuliers et de 20 milliards pour les entreprises. Ce qui n’empêche pas le projet de budget d’avoir une forte odeur d’austérité. Certes, le gouvernement a renoncé à augmenter les impôts directs, mais il se rattrape avec les taxes sur l’essence et le tabac et par une nouvelle diminution des aides au logement, des allocations familiales, et une revalorisation des pensions de 0,3 % qui, comparée à un  taux d’inflation de 1,3 %, correspond en réalité à une diminution du pouvoir d’achat pour les retraités. En d’autres termes, les plus mal lotis de nos concitoyens sont les retraités qui fument et roulent en voiture.

 

Croissance insuffisante.

Le pouvoir table sur une croissance de 1,7 % qui, selon le Haut Conseil des finances, organe de contrôle, est un chiffre réaliste, mais qui risque d’être trop élevé, affirme la Banque de France, dont les prévisions de croissance ne dépassent pas 1,6 %. Le déficit budgétaire va augmenter, de 2,6 % cette année à 2,8 % l’an prochain. En chiffres bruts, cela signifie que les recettes devraient passer de 306 à 291 milliards (soit une baisse de 15 milliards), à cause d’une diminution des impôts et des rentrées de TVA. Les dépenses, pour leur part, devraient augmenter de 4 milliards (390 milliards contre 386 en 2018). Ce qui signifie qu’il manque plus de 98 milliards à l’équilibre du budget (contre 81 en 2018). 4 164 postes de fonctionnaires vont être supprimés, mesure qui sera vivement contestée mais traduit en fait la prudence de l’État, censé éliminer 120 000 postes pendant le mandat du président Macron. Il n’en prend pas le chemin car il a révisé le nombre de suppressions d’emplois dans le secteur public à 50 000 en cinq ans. Le gouvernement d’Édouard Philippe est tiraillé entre la nécessité de répondre à la clameur populaire qui exige une amélioration du pouvoir d’achat, et l’impérieuse nécessité de rester au-dessous du seuil européen des 3 % de déficit budgétaire. Comme ses prédécesseurs, le Premier ministre est confronté à l’impatience des Français, alors que la croissance, qui a fait un bond de 2 % en 2017, est retombée depuis le début de l’année actuelle, avec 0,2 % pour le premier trimestre et encore 0,2 % pour le deuxième. Bien entendu, c’est largement insuffisant pour une distribution de largesses aux ménages.

Le prix de l’énergie.

Le prétexte environnemental a permis une hausse de la fiscalité des carburants qui, combinée à la baisse de l’euro (elle participe à l’augmentation du prix du baril importé) et à la hausse des prix voulue et obtenue par les États pétroliers, rend l’énergie extrêmement chère. La hausse a été assez forte et durable pour déclencher une vive inflation qui, sur les douze dernières mois, dépasse en France les 2%. Quoi qu’il en soit, ce budget, d’un classicisme très « ancien monde », n’enthousiasme à peu près personne. L’insuffisance de la croissance contribue à un déficit budgétaire dont on espérait encore il y a quelques mois qu’il reculerait encore en 2019,  la pression fiscale n’a pas vraiment diminué et elle se concentre sur un nombre de secteurs limité, ce qui aggrave les injustices, et la baisse du pouvoir d’achat risque d’ouvrir un nouveau cycle de consommation en berne et de chômage en hausse.

Le gouvernement présente néanmoins un projet dont la prudence est louable car personne ne peut dire de quoi sera fait l’avenir économique. Le protectionnisme de Donald Trump risque d’augmenter le taux de chômage dans le monde ; l’endettement mondial, excessif, peut entraîner une crise du type de celle de 2008 ; en France, les réformes doivent être poursuivies dans un climat de plus en plus hostile au changement. Or il se trouve qu’Emmanuel Macron a déjà lâché du lest : son budget montre qu’il n’est pas resté sourd à l’appel de ses concitoyens pour plus de pouvoir d’achat. En même temps, la prudence de ses mesures indique qu’il est inquiet pour l’avenir immédiat, marqué par des risques sur lesquels il n’a pas d’influence personnelle. Personne ne nie qu’il a procédé à des réformes fulgurantes. Or non seulement elles ne sont pas achevées, mais elles n’ont pas encore produit de résultat tangible. Les écueils de la conjoncture économique et financière ont réduit sa marge de manœuvre de telle manière qu’il a dû se résoudre à une forme d’immobilisme.

RICHARD LISCIA

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8 réponses à Un budget réaliste

  1. admin dit :

    LL (Etats-Unis) dit :
    Quand une entreprise fait son budget, on demande au PDG d’expliquer la stratégie sous-jacente. Les dépenses sont peut-être les mêmes, les recettes escomptées peut-être aussi les mêmes – mais il peut y avoir des changements en profondeur dans la répartition des dépenses, et dans les sources de revenus. Cela ne semble pas être le cas dans ce budget.

  2. ANDRÊ MAMOU dit :

    Pour ménager son aile gauche, il n’a pas eu le courage de baisser la dépense publique persuadé qu’il était de voir la conjoncture économique favorable l’en dispenser. Mais la vigueur de l’economie S’est essoufflée faute d’une consommation des ménages insuffisante. Il a touché les revenus de sa politique du « en même temps » : mécontentement des uns et des autres devant des résultats médiocres, le matraquage des retraités, l’impôt sur la fortune immobilière sur les classes moyennes propriétaires de leur appartement et d’une résidence secondaire alors que les détenteurs de dizaines de millions en assurances vie ou en portefeuilles d’obligations ou d’actions ont reçu le cadeau inespéré de la fin de l’ ISF. Et rien de prévu pour sauvegarder l’identité de la France. Plus la trahison de Hulot qui aurait dû se battre là où il avait accepté d’être ! Plus la trahison de Collomb qu’il faudrait remplacer tout de suite mais pas à son heure à lui ! Bref , déçu ! Très déçu !

  3. vultaggio-lucas dit :

    Comme l’ancien président Sarkozy à cause de la crise des subprimes de 2008, le président Macron ne pourra peut-être pas mener ses « transformations » comme il le voudrait, du fait d’une croissance « molle » consécutive, nous est-il dit de façon « projective », à la conjoncture internationale, hausse du coût de l’énergie, protectionnisme de l’administration Trump,etc. Mais quid, du « ruissellement » que devaient induire les diverses suppressions d’impôts, de taxes et de charges sociales faites aux plus fortunés et aux entreprises (pas toutes les entreprises)? Certes,il faut du temps au temps, mais « en même temps » depuis le temps que les recettes de l’économie de marché qui plus est financiarisée, ne révèlent leur efficacité que pour une petite minorité d’individus.

  4. claude ostré dit :

    Encore les retraités. Les caisses de retraite devraient être autonomes puisqu’elles sont liées aux cotisations réglées par les futurs retraités. L’Etat les vole en quelque sorte pour équilibrer son budget. Seule devrait persister la solidarité entre les différentes caisses.

  5. Picot dit :

    Des réformes fulgurantes ? Toujours les mêmes depuis des décennies : comment nous piquer encore plus de fric et nous ficeler petit à petit. Ad vitam aeternam, bis repetita placent.

    Réponse
    Si le latin pouvait seulement améliorer votre humeur…
    R.L.

  6. chretien dit :

    Excellentes, vos remarques. Cela reste un budget de petits fonctionnaires à la petite semaine. Sans aucune perspective et sans idéal pour la France.
    Réponse
    Je n’en ai pas tant dit.
    R.L.

  7. Chretien dit :

    Bien évidemment, je le reconnais. Mais c’est mon avis.

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