Retraites, dossier explosif

Jean-Paul Delevoye
(AFP)

Une journée de mobilisation populaire contre la politique sociale du gouvernement a lieu aujourd’hui qui ressemblera aux précédentes et ne causera pas de nuisances excessives aux travailleurs. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les syndicats sont affaiblis face au pouvoir. Au contraire, ils l’attendent sur la réforme des retraites, qui se présente comme une bombe à retardement.

JEAN-PAUL DELEVOYE, haut commissaire chargé des retraites et Agnès Buzyn, ministre de la Santé, reçoivent demain 10 octobre les représentants des syndicats pour faire le point sur les systèmes de retraite que le gouvernement veut unifier sous la bannière : un euro cotisé donne les mêmes droits à tous les travailleurs. Formule excellente qui résume bien les injustices contenues dans le modèle actuel qu’il faut réviser de fond en comble. Emmanuel Macron semble craindre que la logique de la réforme, poussée à l’extrême, risque de nuire au changement. Il a donc renoncé à changer l’âge de la retraite (62 ans actuellement) et le nombre d’années cotisées. En revanche, l’exécutif a conçu l’un de ces concepts qui annoncent l’orage, l’idée d’un âge pivot qui ne serait pas identique à l’âge légal. Inutile de se voiler la face : nous vivons plus vieux et plus longtemps, la plupart d’entre nous en meilleure santé qu’autrefois au même âge, et il serait donc normal que nous cotisions plus longtemps. Ni les actifs ni les retraités, cependant, n’acceptent ce raisonnement, surtout dans les métiers difficiles, répétitifs ou fatigants, et là encore, un principe universel s’applique difficilement à la totalité des postes de travail.

Un équilibre impossible ?

À quoi sert la réforme ? À tendre vers l’équilibre des budgets qui sont alloués à la vieillesse. L’espérance de vie, le chômage massif, la baisse du nombre de cotisants couplée à la hausse du nombre de retraités rendent les anciens systèmes insoutenables. Le risque est très grand d’une réforme qui bouleverse les mœurs de telle manière que le peuple, soutenu par les syndicats, s’y oppose ; le risque est égal d’une réforme qui, contournant la question centrale de l’âge, ne parviendra pas à rétablir l’équilibre entre les dépenses et les recettes, avec un solde négatif qui restera à la charge des contribuables. Il va falloir à Mme Buzyn et à M. Delevoye beaucoup d’ingéniosité, de stoïcisme et d’équanimité pour faire passer un texte qui change les données en profondeur. Or le contexte est négatif : le gel des retraites non seulement pour ceux qui ne touchent que la pension de la Sécurité sociale mais pour ceux qui ont cotisé à une ou plusieurs retraites complémentaires a créé un mécontentement énorme chez les quelque 15 millions de retraités. On assiste à une sorte de soulèvement dans une population de personnes âgées qui revendiquent à hauteur du bénéfice qu’elles ont tiré de vivre plus longtemps.

La recherche d’un compromis.

Bien entendu, tous les retraités ne sont pas logés à la même enseigne. La moyenne des pensions de la Sécu s’établissant à 1 200 euros, on peut dire que la majeure partie des pensionnés ne méritait pas une hausse d’1,7 % de la CSG. Mais  les gens se plaignent de leurs fins de mois pendant que le gouvernement se bat contre un phénomène macro-économique des plus inquiétants. Car la réforme a pour principal objectif de sauvegarder les avantages existants, ce que M. Macron répète à l’envi. Si elle ne passe pas, le pays ne pourra plus la financer. L’hypothèse d’un compromis viable entre le gouvernement et les syndicats est affaiblie par la grogne qui règne dans les organisations et chez les retraités. C’est pourtant une tâche sacrée : il s’agit de mettre au point un système pour tous qui soit durable et évite les crises répétitives du financement.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Retraites, dossier explosif

  1. Jacques T dit :

    Votre article me rappelle les propos de Michel Rocard en 1988, à la sortie d’un conseil des ministres. Il avait annoncé qu’il avait voulu changer l’âge de départ en retraite, mais que « on » (sous-entendu Mitterrand) n’avait pas voulu ! Il avait aussi annoncé qu’il était urgent de s’occuper de ce problème, sinon il y aurait de quoi faire tomber tout un tas de gouvernements les uns après les autres…
    Merci pour votre article, qui expose de façon remarquable les difficultés actuelles pour réformer les retraites.
    Réponse
    C’est moi qui vous remercie.
    R. L.

  2. ostré dit :

    L’Etat à besoin d’argent. Le chercher chez les retraités qui ont cotisés toute leur vie active est une infamie. Et les retraites chapeaux et les évasions fiscales, là est l’argent et j’en oublie. Les retraités font les élections, ils n’oublieront pas.

  3. PICOT François dit :

    Et tout le monde oublie un paramètre essentiel : qui va fixer la valeur du point de retraite? Si c’est L’Etat tout seul les retraités seront laminés. Opération, remarquons le, déjà amorcée.

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