La déferlante des extrêmes

Le triomphe de Bolsonaro
(AFP)

Le massacre de onze personnes dans une synagogue de Pittsburgh, aux États-Unis, souligne la violence d’un système hostile à toute régulation du marché des armes. Il a eu lieu au moment où, un peu partout dans le monde,  l’extrême droite progresse à la faveur d’élections parfaitement démocratiques.

DONALD TRUMP a dénoncé, comme tout président avant lui, la tuerie de Pittsburgh, qui a fait onze morts,  et de nombreux blessés, parmi lesquels trois policiers, dont un grièvement. Toutefois, le président des États-Unis, dans la grande douleur qu’il a affichée et dans sa compassion pour ses compatriotes juifs, n’a pas eu un mot sur le marché des armes. L’assassin, Robert Bowers, 46 ans, portait un fusil d’assaut et deux pistolets Glock. Il a été arrêté et encourt  la peine de mort. M. Trump, fervent soutien de la National Rifle Association (NRA), n’a pas l’intention d’expliquer à ses concitoyens pourquoi un homme qui répandait sa haine antisémite dans les réseaux sociaux a été en mesure d’acheter trois armes dangereuses, sinon parce que la législation qui régit ce marché particulier est d’un coupable laxisme.

Une épidémie.

Les estimations les plus modérées indiquent que 265 millions d’armes à feu au moins circulent aux États-Unis, que l’on y dénombre en moyenne 9 855 crimes par arme à feu chaque année, que 3 % des citoyens américains, soit 7,7 millions de personnes détiennent 50 % du stock, soit 16 armes par foyer. On peut donc parler d’une épidémie qui ne peut être combattue que par des lois particulièrement sévères. Mais les Américains, intoxiqués par un droit au port d’arme qui figure dans leur Constitution, refusent obstinément de s’en priver, quelles que soient les conséquences de leur attitude.  Pour parvenir à les faire changer d’avis, il faut non seulement un homme fort à la Maison Blanche, mais une majorité écrasante qui se prononce en faveur d’une règlementation que les amateurs d’armes ne pourront plus contourner. Le droit d’acheter des armes n’est rien d’autre que la liberté de tuer. Les prédécesseurs de Trump n’ont jamais eu une majorité pour interdire les ventes d’armes sans contrôle, ce qui n’empêche pas Trump d’avoir aggravé le problème.

Qu’est-ce qui, en effet, explique le massacre en Pennsylvanie, sinon le discours de haine que le président tient contre les immigrants, par exemple ceux qui arrivent du Mexique et qui, selon lui, ne sont que « des voleurs et des violeurs » ? L’intolérance et la xénophobie donnent un permis de tuer à tout illuminé désireux d’en finir avec les juifs. « Tous les juifs doivent mourir ! », criait Bowers en tirant sur le foule réunie à la synagogue. Circonstance aggravante et éclairante : les fidèles de cette congrégation avaient créé une association pour venir en aide aux migrants. Sans doute se souvenaient-ils que leurs parents ou aïeux n’avaient dû leur salut qu’en quittant l’Europe pour les Etats-Unis.  Voilà qui apporterait une autre « explication » au geste atroce de Robert Bowers.  M. Trump a une fille convertie au judaïsme et un gendre juif, cela ne suffit pas à en faire un président qui sait protéger les juifs de son pays. Les Américains votent le 6 novembre pour renouveler la chambre des représentants, un tiers du Sénat et une partie des gouvernorats : c’est une occasion de réagir collectivement contre un pouvoir politique si intimement associé au lobby des armes qu’il mérite d’être désavoué, sans compter d’autres motifs importants de mécontentement dans le pays.

Du Brésil à l’Allemagne.

D’autant que la dérive finira par gagner d’autres contrées, le Brésil par exemple, où Jair Bolsonaro, le président élu d’extrême droite, a déjà annoncé qu’il favoriserait les ventes d’armes au public et qu’il déboiserait la forêt amazonienne. La popularité de Bolsonaro, grièvement blessé d’un coup de poignard pendant la campagne électorale, est immense et il a carte blanche pour soigner les maux économiques et sociaux du Brésil avec des remèdes de cheval, comme la dérégulation du marché, laquelle, dans un pays où la misère est répandue, ne pourra qu’aggraver le sort des pauvres. Certes, la gauche, incarnée par le parti des travailleurs (PT) a déçu, car elle n’est pas moins corrompue que la droite. L’ancienne présidente du Brésil, Dilma Roussef, a été destituée, et l’idole des déshérités, le prédécesseur de Mme Roussef, Luiz Inacio Lula da Silva, dit Lula, est en prison pour corruption. Les Brésiliens ont donc chassé un parti qui pourtant, grâce à la « Bolsa familia », une aide aux plus démunis, a arraché à la misère des dizaines de millions de personnes. Une mesure sociale qui a prouvé son efficacité là où d’autres gouvernements se contentent d’appliquer les règles de l’économie de marché, ce qui n’est pas forcément une panacée.

En Allemagne, dans le Hesse, le land où se trouve Francfort, nouveau recul de la CDU d’Angela Merkel, nouveau progrès de l’AfD, parti d’extrême droite (et des Verts). Mme Merkel a décidé de se retirer immédiatement de la présidence de la CDU et annoncé que son mandat actuel, le quatrième, serait  aussi le dernier. Le mouvement de balancier vers l’extrême droite balaie le monde entier et il produira les conséquences d’une gestion qui ne sera pas fondée sur la réalité contraignante de l’économie, des échanges commerciaux et de l’interdépendance des États. Il faut certes s’en émouvoir mais surtout agir : tous les démocrates du monde doivent combattre, maintenant et par leur vote, contre ce phénomène qui favorise l’arbitraire, l’injustice et, surtout, la violence.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à La déferlante des extrêmes

  1. admin dit :

    LL (Etats-Unis) dit :
    C’est en effet une déferlante; et une réaction aux ratés de la démocratie, amplifiés par le cynisme des médias. La démocratie elle-même n’est pas une panacée ; elle est simplement le moindre des maux. Il faut défendre ses principes, dénoncer ses errements et combattre ses ennemis sans faillir.

  2. André Mamou dit :

    Pourquoi dire d’un homme politique qui n’est pas de gauche qu’il est forcément d’extrême droite ?
    Il y aurait donc la gauche qui ne serait bordée que par l’extrême droite !
    Il y a une politique économique qui s’appelle le libéralisme et qui donne toujours de meilleurs résultats que toutes les tentatives communistes, socialistes, socialisantes. Les électeurs ont balayé partout les clowns tragiques qui voulaient se maintenir au pouvoir avec le cœur sur la main mais en enfilant des échecs à répétition.
    Les électeurs n’en veulent plus et ce n’est pas le rôle des éditorialistes de désigner ceux qui doivent gouverner !

    Réponse
    Vous êtes l’hôpital qui se moque de la charité. Je vous laisse avec Trump, Bolsonaro, Salvini et les autres : manifestement, vous vous bouchez les yeux et les oreilles quand ils agissent. Ce n’est pas moi qui les désigne comme appartenant à l’extrême droite, ce sont leurs mots et leurs actes. Laissez-les donc gouverner jusqu’à ce que le prochain pouvoir vous empêche de vous exprimer.Je suppose que, à vos yeux, l’attentat contre Pittsburgh n’a rien à voir avec la violence de l’extrême droite. Oui, ce doit être la faute d’Obama. Je crois que, arrivé à ce point de la discussion, vous avez tout le temps de développer votre pensée profonde chez vous avec toute la subtilité qui vous caractérise. Au point de caricature où vous en êtes pour justifier l’injustifiable, y compris l’antisémitisme, rien de plus facile pour vous que de me ranger à gauche. C’est misérable.
    R. L.

  3. JULIEN dit :

    Je suis tout à fait d’accord avec l’analyse de R. L. D’autre part, les » clowns tragiques » sont souvent des humanistes et ils ne sont pas les seuls à avoir parfois échoué. Cela arrive même à ceux qui s’inspirent du libéralisme pur et dur

    • admin dit :

      C’est choquant de mettre sur le même plan une tuerie de masse et l’humanisme libéral.
      R.L.

      • Michel de Guibert dit :

        Il me semble injuste d’accuser Richard Liscia de mettre sur le même plan la tuerie de masse dans la synagogue de Pittsburgh et la dérégulation du marché prônée par des ultralibéraux comme Bolsonaro.

  4. mathieu dit :

    Je n’ai perçu, dans le billet de M. Mamou, nulle justification d’antisémitisme… hydre toujours renaissante dont vous dénoncez, à bon droit, la sournoise et dangereuse recrudescence… plus dangereuse que les amalgames dont il faut, toutefois se garder!
    Réponse
    Je n’ai jamais mentionné le moindre antisémitisme concernant M. Mamou. Je dis seulement qu’à confondre l’extrême droite et la droite, on se trompe lourdement. Le plus terrible, en tout cas, serait d’oublier l’antisémitisme uniquement pour soutenir M. Trump. Il n’y a rien dans mon article qui ne soit dit ces jours-ci dans toute la presse américaine.
    R. L.

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