L’hypothèse Royal

Ségolène, le retour
(Photo AFP)

Le « buzz » est assourdissant : Ségolène Royal pourrait être chef de file d’une gauche réunie aux élections européennes de 2019. L’hypothèse est à la fois prématurée et crédible.

AU PARTI socialiste, on ne voit aucun inconvénient, semble-t-il, à la candidature de l’ancienne ministre et ancienne candidate à la présidence de la République. Mme Royal, bien qu’elle soit plutôt inactive depuis quelque temps, est, sans nul doute, un poids-lourd de la politique. Elle n’a pas eu le loisir ou le temps de trahir sa famille politique, les socialistes. Il est vrai que, appartenant à « l’ancien monde »,  cette femme politique séduisante ne risquait pas d’attirer Emmanuel Macron. L’effervescence du macronisme, la puissance de la majorité République en marche, l’élan du président pendant les quelques mois d’état de grâce dont il a bénéficié, l’ont écartée, comme tant d’autres d’hommes et de femmes de gauche, de la scène politique. Voilà que le vif dérapage du pouvoir, amorcé par l’affaire Benalla et accentué par une rentrée plutôt sinistre pour nos dirigeants, avec la démission de Nicolas Hulot, puis celle, intempestive, de Gérard Collomb, et enfin avec un remaniement ministériel qui n’a pas convaincu grand-monde, donnent à Ségolène Royal, toujours souriante, vive et accueillie avec ferveur sur les plateaux, un potentiel que l’on était loin de lui accorder auparavant.

Un poste pour elle.

La candidature de Mme Royal aux européennes affecte, par ricochet, le parcours que François Hollande fait depuis qu’il a renoncé à se présenter pour un second mandat présidentiel. La candidate de 2007 avait choqué son compagnon, qui trouvait son geste téméraire, prématuré et humiliant pour lui. Cinq ans plus tard, il prenait sa revanche sur tous les plans, politique et affectif, puisque, non content de se présenter et de se faire élire président de la République, il changeait de compagne (prélude à un autre aventure amoureuse). Magnanime, il  a toutefois offert un ministère à Mme Royal. Sa propre chute l’a donc entraînée, avec tant d’autres, dans les abysses. La voilà qui en remonte toute joyeuse et qui, sans rien en dire, doit éprouver le cruel et subtil plaisir d’un comeback très attendu. On ne lui fera pas le procès, hypothétique,  d’un retour à gauche alors qu’elle semblait Macron-compatible et n’aurait peut-être pas refusé un grand ministère il y a encore quelques jours. On se contentera de dire que l’ancienne ministre connaît intimement les arcanes de la vie politique et que la gamme de ses convictions est assez large pour passer d’une idéologie réformiste (qu’elle n’a d’ailleurs jamais condamnée, mais seulement critiquée) au bon vieux parti social-démocrate qui, depuis Mitterrand, lui a donné toutes ses chances.

Sans nier ni son charme, ni son intelligence, ni le charisme qu’elle exerça naguère sur les foules, elle aura pourtant fort à faire. A gauche, et principalement au PS, le premier réflexe a été celui de la ferveur. Quelle bonne idée ! Enfin une figure qui a compté et compte encore à gauche ! D’autres, cependant, constatent que la même gauche est en lambeaux, que le PS d’Olivier Faure ne fait pas le poids et, d’ailleurs, que, si on pense à elle, c’est parce que le Premier secrétaire du PS ne se croit pas capable de gagner les élections européennes. Aussi bien Ségolène Royal songe-t-elle non pas à une liste purement socialiste, mais à prendre la direction d’un mouvement élargi à tous ceux, à gauche, qui ne croient ni au tonitruant Mélenchon, ni au Faure sommeillant ni au très irréaliste Hamon. Échaudés par ces trois-là, le peuple de gauche se rallierait autour de celle qui a failli entrer à l’Élysée il y a onze ans. Formidable programme qui paverait une voie royale, si j’ose dire, vers la présidence de la République.

Des mouvements incompatibles.

Sauf que, si la gauche est divisée, c’est qu’il n’y a plus aucun rapport entre les idées de Faure, de Mélenchon et de Hamon. Ce qui les réunit, c’est l’aversion que leur inspirent Macron et le réformisme, les tics du « nouveau monde » et le discours arrogant qui ne ménage guère les électeurs. Pour s’entendre sur un  programme incarné par la modérée Royal, il faudra se lever de bonne heure, au moment où les anciens « frondeurs », ceux qui ont donné tant de fil à retordre à François Hollande et ont creusé sa tombe politique, quittent le PS pour passer à la France insoumise ou… pour lancer un autre mouvement.

Ce qui caractérise toutes les campagnes électorales en France, c’est la passion, le rythme infernal et l’impatience. D’aucuns préparent les municipales de 2020 alors que les européennes n’ont lieu que dans six mois. La droite, la gauche et l’extrême droite sont galvanisées par le déclin, inattendu et soudain, de Macron. Les macronistes eux-mêmes, mais pas tous, songent déjà à un avenir proche ou lointain en comptant leur actif et leur passif, et surtout, la perte de vitesse de leur propre mouvement. Mais Macron a encore trois ans pour redresser la barre et, en dépit de ses erreurs, il reste, en Europe, le leader qui a la meilleure cote. Or les élections européennes n’opposeront pas la gauche et la droite, mais les pro-européens aux anti-européens, très nombreux, mais divisés. Certes, la gauche européiste ne veut pas abandonner son électorat à la République en marche. Mais Mme Royal ne peut pas réconcilier les hollandais, les fauristes, les mélenchonistes et les hamonistes. Elle n’ignore pas, par ailleurs, que son retour à la politique fâcherait le père de ses enfants. Décidément, ce qui divise la gauche est bien plus fort que ce qui la rassemble.

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3 réponses à L’hypothèse Royal

  1. admin dit :

    LL (Etats-Unis dit :
    Une hypothèse rassise qui étonne par sa nullité. Tout ça ressemble de plus en plus à l’Allemagne de Weimar, avec une paralysie de la gauche européenne face à la déferlante néo-fasciste. Les politiciens ont totalement perdu les pédales. Qu’est-il arrivé au message de la gauche pour permettre à tous ces hommes forts de triompher, en Italie, au Brésil, aux Etats-Unis, en Israël, en Hongrie, en Pologne, an Allemagne, aux Philippines, etc… ?

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