Carburants incendiaires

La pompe infernale
(Photo AFP)

La polémique sur la hausse des taxes sur les carburants atteint cette semaine un sommet qui ne sera dépassé que par le blocage des routes le 17 novembre prochain. D’une part, la colère des conducteurs est facile à comprendre. D’autre part, il y a, sur les faits et sur les moyens d’exprimer le ras-le-bol populaire, quelques bonnes vérités à dire.

ON INSISTE  à l’envi sur l’arrogance d’Emmanuel Macron et son inflexibilité. Mais ceux qui montent au front contre lui n’y vont pas quatre chemins. C’est un délire d’intolérance, d’irrespect pour la fonction, une entreprise de démolition politique, une chasse à courre, un lynchage, une sorte d’ouragan qui s’alimente dans les eaux brûlantes de la colère. Le litre à la pompe est cher, rien à y redire. Mais il l’est d’abord parce que le prix du baril de pétrole a sensiblement augmenté ; il l’est ensuite parce que l’euro a considérablement faibli par rapport au dollar, monnaie de compte des transactions internationales ; il l’est enfin parce que le gouvernement, sous le prétexte de la lutte en faveur de l’environnement, a exagéré le poids des taxes.

La vache à lait du percepteur.

Mais l’essence n’est pas beaucoup plus chère en France que chez nos voisins européens. Elle est moins chère chez nous qu’en Italie et, depuis la fin de la guerre, les impôts divers sur les carburants ont été la vache à lait du percepteur, ravi qu’il était de tirer profit du triomphe de l’automobile.  Aucun conducteur n’a le droit de dire que le prix du litre d’essence n’a jamais été aussi élevé. Ce n’est pas vrai. Il lui est arrivé de dépasser les 2 euros, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Soyons sérieux : le coût annuel d’une voiture dépend du modèle acheté. On ne consomme pas autant avec une Clio qu’avec une Rolls. On imagine que les gens les plus fâchés avec le fisc sont aussi ceux qui ont acquis une grande voiture confortable. Pourtant, il ne leur était pas interdit de prévoir, pour leur auto, un budget flexible, puisque les deux-tiers du coût des carburants échappent au contrôle de notre gouvernement. Qu’est-ce qui explique alors qu’une dame s’empare des réseaux sociaux où ses propos, dans lesquels elle fustige Macron avec des accents de commissaire du peuple, sont entendus par cinq millions d’internautes, qui approuvent à tour de bras ? Sa vision ne se limite-t-elle pas au bout de la pompe à essence ? Est-elle qualifiée pour décider des recettes et des dépenses budgétaires ?

En découdre, mais avec qui ?

Il ne s’agit pas, ici, d’exonérer le gouvernement d’une mesure technocratique qu’il a prise sans même en envisager les conséquences. De même que l’euro et la domination des pays producteurs explique le prix, de même le pouvoir n’a pas réussi à contenir les dépenses publiques pour éviter d’ajouter des taxes aux taxes. En outre, en proposant un chèque-essence pour les ménages, le chef de l’Etat se mord la queue : cet aller-retour de l’argent public n’a aucun sens.  Je veux bien que l’on parle de tous ces éléments d’appréciation qui auraient le mérite de situer le contexte de formation du prix. La pédagogie des médias classiques est à cet égard édifiante. Elle n’a qu’un défaut : elle ne distrait personne. Rares sont nos concitoyens qui réclament une explication claire, à l’abri des passions. Tous veulent en découdre et d’ailleurs, on ne sait pas avec qui. Souhaitent-ils chasser le pouvoir ? Avec quels moyens et au nom de quelle justice, sinon celle que dicte la tempête sous un crâne ? A quel moment introuvable aurons-nous, dans cette société où l’exaspération précède infailliblement le raisonnement, un débat apaisé sur ce qui nous chagrine ?

RICHARD LISCIA

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13 réponses à Carburants incendiaires

  1. Scalex dit :

    Quel plaisir de vous lire! Si un journaliste m’interroge au feu rouge, je lui dirai que la prix de l’essence me parait justifié par le prix du pétrole, le cours du dollar et les taxes pour lutter contre la pollution. Mais peut-être qu’au dernier moment je me raviserai ; pour être sûr de ne pas me retrouver… à Ville Evrard.

  2. chretien dit :

    Excellent votre article ! toutes mes félicitations !  Mais la question est maintenant :
    « Quand les peuples cessent d’estimer , ils cessent d’obéir « 

  3. Soleil-levant dit :

    Toujours aussi juste, mesuré et limpide, M. Liscia. Cette menace de « blocage » est un véritable scandale, et relayé par des « mass-media » à la mémoire toujours défaillante.
    Avant le premier choc pétrolier, y avait-il des manifestations pour une essence trop chère? Je ne le crois pas.
    Et pourtant à l’époque, le SMIC horaire était à 4,30 Fr (0,66 euros) et le litre de carburant aux alentours de 1,70 Fr (0,26 euros). Avec une heure de SMIC, on pouvait se payer à peine 3 litres de carburant. Et la fiche constructeur de la vénérable R5 TL (750 kg, 956 cm3, 44 ch) donnait 10l/100 à 120 km/h.
    Aujourd’hui, si le litre d’essence a été multiplié par 6, le SMIC a été multiplié par 11. Avec une heure de SMIC on se paye 6 litres de carburant.
    Et pour siroter 10l/100 à 120, on le fait avec un V8 moderne (2009) de près de 400cv, 5000cc de cylindrée qui motorise une berline de près de 2 tonnes… Et je parle-là d’un V8 essence.

    L’argument de l’essence chère est bien relatif.

    • mathieu dit :

      Votre argumentaire est imparable… même si je doute un peu des chiffres de consommation: je n’ai pas souvenir d’avoir mis dans ma vieille R5 10l d’essence pour 100km d’autoroute, et ne suis sûr que mon V8 de 400cv (si j’en avais un!) se contenterait de la même ration. Mais à écouter les constructeurs, vantant sur chaque nouveau modèle une habilité en hausse et une consommation en baisse, on aurait aujourd’hui une Clio 10 places consommant 0l/100!
      Plus sérieusement, si nos gouvernants vertueux imaginent le long terme et la « dépollution » des villes (comment les en blâmer), ils voient surtout les échéances budgétaires d’aujourd’hui, et gardent les vieux et inépuisables réflexes du seau de plus en plus grand sous le pis de la vache à lait automobile: radars toujours plus nombreux et plus vicieux, limitation à 80 km/h, pour une rentrée pré-budgétée à 1,5 milliards€, Pv passages piétons, Pv stationnement décuplés, hausses carburants illimitées, vignettes vertes, etc, ça c’est du concret, sonnant et trébuchant. L’air pur, oui un jour peut-être!
      En parallèle, aucun ministre écolo ne parle du transport de fret le plus écolo, sans CO2 ni particules, le rail! Ni des millions de tonnes circulant sur nos routes sur des « gros culs » consommant chacun 20 à 30 l/100 (ma Clio et mon V6 sont « petite b. »!).

      • Soleil-levant dit :

        Cher Mathieu il y a des rêves accessibles…
        Comme vous, je suis atterré par le nombre de PL qui circulent et l’échec partiel du ferroutage. Cela étant, je reste assez bluffé par les performances de ces camions: environ 35 l/100 pour déplacer 44 tonnes (soit 30 belles bagnoles). En additionnant la conso de ces 30 bagnoles, cela ferait dans les 200 l/100 pour bouger 44 tonnes de ferraille.

        Pour le V8 je m’en suis offert un pour mes cinquantes piges (la plus rare des motorisation pour une XF: le V8 atmo 5.0, quelques dizaines d’ex en France). 11,2 l de moyenne sur plusieurs pleins. Sur autoroute régulateur à 138, environ 10,6 l/100. Cela m’étonne toujours…
        Mon aîné a mesuré 8,5 / 100 sur autoroute à 130 avec sa Citroen C3 II 1,4 de 73 cv (2010)… Et j’étais à 9 l/100 avec un 2.0t de 205cv.

  4. ostré dit :

    Pour une fois, je soutiens cette politique anti-voitures du gouvernement : les voitures tuent polluent, coûtent cher.

  5. Picot François dit :

    Certes le prix du litre de carburant a peut être été aussi cher certaines années, mais aujourd’hui il semblerait plutôt que c’est la goutte de pétrole qui a fait déborder le vase. Tout se serait mieux passé si ce gouvernement, comme les précédents, n’augmentait pas les taxes et prélèvements obligatoires à tout va : on frôle les 50 %, nous n’en pouvons plus. Tous ces gentils énarques ou autres « politiques » ne savent plus quoi inventer pour mettre la main dans notre portefeuille. Le Figaro vient de sortir l’article d’un économiste qui nous dit que sur les taxes du carburant seuls 20% sont consacrés à la transition énergétique, le reste allant dans les caisses de l’Etat. A vrai dire on s’en doutait un peu. Par ailleurs ce n’est pas la fonction de président de la République qui est méprisée, je pense, mais le personnage lui même qui semble n’aimer ni la France ni les Français. Enorme faute politique.

    Réponse
    L’homme, c’est la fonction.
    R.L.

    • Scalex dit :

      Vous aviez compris sur mon précédent message que j’étais un fervent soutien du président Macron. J’aimerais bien savoir ce qu’il y dans la tête des gens pour le critiquer injustement à ce point.

  6. chretien dit :

    Des impôts et des taxes nouvelles annoncées tous les jours ! Aux USA on annonce 24% d’impôts sur les revenus : on rêve !
    L’acharnement des bobos /gauchos /écolos et des technocrates contre les voitures ! Lire le mail de Mathieu ci -dessus.Ils vont tuer la filière florissante française de l’industrie automobile! comme ils veulent tuer l’énergie atomique qui est un de nos fleurons et comme ils ont tué notre recherche sur les OGM où nous étions très en pointe.Tout cela au profit des Américains, Chinois et autres Japonais qui ne demandent pas mieux et sont ravis de nous prendre nos marchés.
    De plus, ils excitent la montée de la confrontation des habitants des villes contre les provinciaux. Que représente la pollution en France ? Rien à l’échelle mondiale comparé à l’Asie où toutes les capitales sont hyper polluées : Pékin, Bangok, Pnom-Penh, New-Delhi, Kuala-Lumpur, Jakarta, Hanoï. Les Etats-Unis et même nos voisins allemands avec leur charbon.

    • JMB dit :

      L’Asie représente 59 % de la population mondiale, l’Europe et les États Unis 14 % petits pour cents. Si les autres continents polluaient autant par habitant que l’Europe et les États Unis, nous serions asphyxiés !

      • admin dit :

        Ce n’est pas aussi simple que vous le dîtes. Américains (malgré Trump) et Européens prennent des mesures contre la pollution et l’effet de serre, ce que beaucoup de pays asiatiques ou africains ne font pas.
        R.L.

      • chretien dit :

        Europe + États Unis moins de 800 millions sur 7,5 milliards d’habitants dont 4,5 en Asie qui roulent dans près de 80 % des cas avec des engins motorisés le plus souvent vielillots (camions, voitures, tuk-tuk et surtout mobilettes ) et très polluants.

  7. JMB dit :

    Le différentiel de pollution par HABITANT considérable entre pays développés et autres pays s’appuie sur des propos que l’économiste Gaël Giraud (et jésuite) a tenu à 28′ sur Arte. Compte tenu de sa compétence professionnelle, ces propos sont jugés fiables.

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