Trump : premier recul

Nancy Pelosi pendant la soirée électorale
(Photo AFP)

Le résultat des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, à l’heure où je publie ce texte, est parfaitement classique : il indique une usure du pouvoir au bout de deux ans de mandat dont ont souffert presque tous les prédécesseurs de Donald Trump. Lequel n’a d’ailleurs pas manqué d’annoncer sa « victoire ».

EN REALITE, le scrutin cache quelques éléments qui influeront sur la gouvernance de Trump. Le premier, c’est qu’en nombre de suffrages, le parti démocrate dépasse de 10 % le parti républicain. Le deuxième, c’est que, chez les démocrates, les candidats élus sont souvent des femmes, ou des personnes appartenant à des minorités, ce qui va changer de fond en comble la sociologie de la chambre des représentants où vont s’affronter des trumpistes convaincus et des démocrates plus à gauche que leurs prédécesseurs. Ce qui rend vaine la promesse de Nancy Pelosi, chef de la nouvelle majorité à la chambre, de rechercher des compromis avec la Maison Blanche. Il est plus que probable que les démocrates s’opposeront aux principaux aspects du programme de Trump, comme le fameux « mur » à la frontière mexicaine, la politique migratoire et le financement d’un budget dont le déficit atteint 5,9 % de la richesse brute. Le troisième, c’est l’avance prise par les démocrates dans les postes de gouverneur, où ils ont acquis une prédominance.

Soutenu par 42 % des Américains.

En revanche, en renforçant sa majorité au Sénat, le président américain garde son indépendance sur la politique extérieure et la composition de la Cour suprême. Il restera à l’abri de toute procédure de destitution, pour autant que les démocrates souhaitent vraiment en engager le processus, car la décision finale appartient au Sénat. Quoi qu’il en dise, Donald Trump sait que sa réélection en 2020 est quelque peu compromise, pour la raison suivante : s’il est vrai que ses admirateurs sont relativement nombreux et fanatisés, ils ne forment pas une majorité. Un sondage du site Fivethirtyeight, très suivi, mais capable de se tromper dans ses pronostics, montre que sa cote personnelle se situe à 42,8 % des voix, contre 52 % qui se placent dans une opposition résolue.

Or, si Trump apparaît comme un président excentrique, incapable de se concentrer sur les dossiers et jouant avec le feu en diplomatie, il dispose d’atouts, à commencer par une prospérité dont tous les Américains bénéficient. On dira même qu’il devrait être déçu par un score qui ne rend pas compte d’un chômage résiduel, d’une croissance forte et d’une hausse indiscutable du pouvoir d’achat. Le creusement des inégalités, inévitable avec un programme uniquement fondé sur le fonctionnement du marché, le mépris affiché pour les minorités, le traitement réservé aux femmes expliquent la vive aversion qu’il inspire à des groupes dont la somme fait une majorité. Le temps n’est pas venu pour la réconciliation. Car ce qui divise les Américains n’est plus seulement une question de niveau de vie, mais l’appui apporté à Trump, malgré son indécence, par une partie de la population  par opposition à la colère de l’autre partie, désignée invariablement comme « socialiste ». La polarisation de la société américaine, largement amorcée par l’élection de 2016, s’est accentuée : la domination du parti républicain par Trump ne fait plus aucun doute. Débarrassé de toute dissidence intérieure, il sera candidat à un second mandat.

Les nouveaux démocrates.

Cette majorité démocrate latente, qui a été masquée par un subtil (et pervers) redécoupage des circonscriptions, est partiellement nouvelle. Elle rassemble des citoyens choqués par les méthodes et par la phraséologie de Trump. Elle existe en nombre de voix, comme elle existait en 2016, puisque Hillary Clinton a perdu au collège électoral, mais a précédé Trump de 2,8 millions de voix dans le vote populaire. A l’aventure incertaine à laquelle les convient les personnalités les plus à gauche du parti démocrate, par exemple l’ancien candidat à la présidence Bernie Sanders ou Elizabeth Warren, largement réélue aujourd’hui au poste de sénatrice du Massachusetts, ces néo-démocrates préfèrent visiblement combattre la majorité républicaine au sein des institutions. Trump n’a cessé de dire pendant la campagne que sa défaite aux mid-terms produirait le chaos aux Etats-Unis. Dans la mesure où il n’éprouve que haine pour tout ce qui lui est diamétralement opposé, il n’aura pas qu’un peu contribué à faire naître dans son pays un courant qui lui est bien plus hostile que celui des démocrates classiques.

Mais il n’a pas perdu. Il a de bonnes chances d’être réélu s’il maintient les Etats-Unis pendant deux ans à leur niveau de prospérité actuel. Les deux années écoulées ont en effet démontré que son comportement consternant ne lui coûte pas une voix, et lui en rapporte beaucoup.

RICHARD LISCIA

 

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Trump : premier recul

  1. Michel de Guibert dit :

    Le recul de Trump est cependant relatif et plus faible que le recul de la plupart de ses prédécesseurs aux élections de mi-mandat, ce qui lui laisse de bonnes chances pour 2020.
    Réponse
    Il ne reste plus qu’à se réjouir de cette merveilleuse perspective !
    R. L.

Répondre à Michel de Guibert Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.