L’aveu de Macron

Macron avec Gilles Bouleau (TF1)
(Photo AFP)

Interrogé hier soir à bord du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, le président de la République a admis qu’il n’avait pas comblé la distance entre l’exécutif et ses administrés.

C’EST SANS DOUTE la phrase la plus importante de son interview, car elle montre la lucidité d’Emmanuel Macron en ce qui concerne son impopularité. Les gouvernements, a-t-il expliqué, n’ont pas « réussi à réconcilier les Français avec leurs dirigeants. Le pouvoir ne leur a pas apporté assez de considération. Cette réconciliation entre la base et le sommet,  je n’ai pas réussi à la faire et c’est pour moi au cœur de ce qui m’attend dans les mois à venir. » Il ne faut pas négliger cet aveu, il peut ouvrir la voie à une communication améliorée, plus utile au pays qu’un renoncement. Car M. Macron reste inflexible sur les hausses de la fiscalité des carburants, de sorte que, en dépit des mesures annoncées hier matin par le Premier ministre pour venir en aide des foyers les plus fragiles, il n’y avait rien, dans les propos du président, qui pût déminer l’opération annoncée des gilets jaunes. On n’en est pas surpris car Macron ne saurait céder à la pression de la rue, d’autant qu’il l’a condamnée en soulignant la récupération politique à laquelle cette mobilisation spontanée a donné lieu. Il voit en effet dans les soutiens apportés par certains partis une manœuvre pour gonfler leur électorat.

Une exaspération incontrôlable.

Rien de tout cela n’est faux, mais le chef de l’État a assuré ses concitoyens qu’il n’était pas question pour lui de s’opposer, par quelque moyen répressif, au déroulement des manifestations. Le problème, c’est que, dans ce vaste mouvement, il y a ceux qui veulent seulement exprimer leur colère, ceux qui veulent en faire une action permanente et bloquer ponts, routes et rocades, ceux qui veulent marcher sur l’Élysée, au risque de déclencher une vive réaction des services de sécurité, et surtout ceux qui sont parvenus à une telle aversion pour les impôts qu’ils en exigent la réduction draconienne et immédiate. Le respect pour les gilets jaunes affiché par Macron n’empêche pas de s’interroger sur les racines du phénomène, sur les dangers auxquels il expose la société, sur ses inspirations diverses qui rappellent les révoltes peu glorieuses de jadis contre le fisc, et sur l’exaspération incontrôlable à laquelle conduirait le moindre incident, alors que le mouvement s’étendra à tout le pays, avec un nombre de participants probablement très élevé.

Le cas italien.

Le président, comme à son habitude, a fait des déclarations cohérentes où tout se tient, surtout les mesures désagréables qui ont pour objectif de changer, en gros, notre façon de vivre. Et il est vrai que nous ne pouvons pas prétendre réduire le niveau de pollution en France si nous n’augmentons pas le prix des énergies fossiles. Politiquement, M. Macron y était en quelque sorte contraint par la démission de Nicolas Hulot, qui a fait naître un doute sur sa volonté d’en finir avec des habitudes de consommation qui empoisonnent la planète. Le président, dans ses propos, s’est situé dans la logique de son programme et de ses promesses électorales. D’aucuns diraient que la France est devenue ingouvernable. Non, elle est seulement tentée, comme tant d’autres pays, et pas des moindres, par ce qu’on appelle le populisme, que je me permettrai d’appeler le simplisme en politique. On peut toujours vouloir, comme en Italie, réduire les impôts et distribuer de l’argent aux pauvres, on n’en est pas moins comptable de ce que l’on fait. Les nouveaux dirigeants italiens, si sûrs de la qualité supérieure de leur programme, ne parviennent même pas à instituer le revenu minimum pour tous, qu’ils avaient annoncé bruyamment, mais dont ils ont été contraints de réduire la voilure. De même, ils sont engagés dans un bras-de-fer avec la commission de Bruxelles. Il n’en sortira rien de bon ni pour l’Italie, ni pour l’Europe. C’est toujours la même histoire : on ne peut pas dépenser plus qu’on ne gagne et si l’on veut favoriser le « peuple », il faut faire des économies ailleurs.

Ce qui s’est passé successivement en Grande-Bretagne puis aux Etats-Unis et depuis plus longtemps en Europe, c’est l’adhésion populaire à des programmes mensongers qui promettent la fin de l’immigration, la fin de l’impôt, la fin des contraintes, mais, bien entendu, le maintien de l’école gratuite, de l’assurance-maladie et des retraites par répartition. Parfois ce sont les mêmes qui réclament la pérennité des services dans les endroits les plus isolés et se déclarent gilets jaunes ou irrédentistes fiscaux. Dans cet énorme volume de grogne, il y a un pourcentage élevé de contradiction absolue entre les objectifs. À la fin de la mêlée, nous aurons la situation que nous aurons délibérément créée. Ou bien  le vent de la révolte retombe, ou bien non, et quoi qu’on en dise, nous serons, au lendemain de cette explication entre le pouvoir et les gilets jaunes, dans une situation plus précaire que celle d’aujourd’hui.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à L’aveu de Macron

  1. Scalex dit :

    Le droit de vote est accordé aux adultes à partir de l’âge de la majorité (de mon temps c’était 21 ans). Est-on sûr que les tous électeurs font preuve dans l’isoloir, de maturité suffisante ? Donc une fois de plus, bravo pour votre démonstration.

    • Soleil-levant dit :

      Personnellement je suis beaucoup plus inquiet de la maturité d’une bonne partie de la gent politique que de celle du peuple…

      • Scalex dit :

        Les hommes politiques ont du courage. Si mes patients passaient leur temps à critiquer mes décisions, comme cela se passe en politique, je changerais rapidement de métier. Et cela d’autant plus que ces critiques seraient purement intéressées et manqueraient totalement d’objectivité.

  2. Thibaut H. dit :

    Il reste toujours beaucoup de com…
    Le populisme, on a déjà essayé (j’aime pas les riches, mon ennemi c’est la finance, c’est pas cher, c’est l’Etat qui paie). C’était pas terrible. Quoi de plus populiste depuis?

  3. Michel de Guibert dit :

    A propos du populisme. La démocratie, c’est la dictature de la majorité (Alexis de Tocqueville). Une démocratie n’est rien de plus que la loi de la foule, suivant laquelle 51 % des gens peuvent confisquer les droits des 49 autres (Thomas Jefferson).

  4. Picot François dit :

    Le populisme, ou du moins ce qui est nommé comme tel (il y aurait beaucoup à dire sur la signification supposée de ce terme) n’est en aucun cas du « simplisme ». Il s’agit d’une révolte des citoyens contre une oligarchie bruxelloise qui veut faire disparaître les nations, leur histoire, leurs coutumes et leurs façon de vivre. M. Macron n’est qu’un hologramme aux ordres de l’UE et celle-ci ne nous veut pas de bien, contrairement à ce qu’on essaye de nous mettre dans le crâne. L’Etat ne nous veut pas de bien non plus, c’est de plus en plus clair, et les Français ne sont pas des imbéciles. Rien que de la communication! Il a échoué ? Bien entendu puisqu’il n’aime ni la France ni les Français; il n’a rien essayé du tout, en fait, bien au contraire. En outre il ne fait que continuer le boulot de ses prédécesseurs : encore plus de prélèvements obligatoires, encore plus de réglementations paralysantes et pas le moindre effort pour réduire la dépense publique. Encore un petit effort et la fraude fiscale deviendra un jour de la légitime défense. De plus l’exemple vient d’en haut : pas question de se serrer la ceinture si nos « élites » ne le font pas.

    Réponse
    Si je vous comprends bien,on a monté cette affaire, l’Europe, uniquement pour « faire disparaître les nations ». Curieusement, tout cet effort n’a abouti à aucun résultat. Les nations sont toujours là, leur histoire aussi, leurs coutumes, etc. Et pourtant, ça fait 59 ans que ça dure. Manifestement, cette incroyable offensive contre les nations ne les a même pas égratignées. Heureusement, tous les Français ne sont pas des imbéciles.

    R.L.

    • picot François dit :

      Dans ce cas à quoi rime le discours classique : « les nations c’est la guerre et l’Europe c’est la paix » sinon la volonté de les fondre dans ce truc néfaste qu’est l’UE? Effectivement, Dieu merci, les nations résistent, mais il leur reste, contre l’UE, à retrouver leur souveraineté volée (monnaie, justice, frontières) et cette souveraineté volée (en 2005, entre autres) est déjà, pour le moins, une sacrée égratignure pour elles.

      Réponse
      Monsieur Picot,
      Ici, c’est un blog pro-européen. « Truc néfaste », « souveraineté volée » ne font pas partie de l’analyse, mais du d’un langage qui se suffit à lui-même, sans démonstration. Je vous suggère de lire ce qui vous convient. Ou encore d’aller vivre en Angleterre les bonheurs inexprimables du Brexit.
      R. L.

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