Le désarroi des partis

François Ruffin
(Photo AFP)

La République en marche est sans nul doute le parti politique qui souffre le plus de la crise des gilets jaunes. Le saccage éhonté de la permanence de la députée LREM de l’Eure, Claire O’Petit, en témoigne. Il n’est pas certain pour autant que LR, LFI ou le RN bénéficient de l’apparition d’une cause soutenue par 80 % des Français.

EMMANUEL Macron et ses ministres répètent tous la même chose : qu’ils ne cèderont jamais sur la hausse des prix des carburants, qui n’est pas une mesure fiscalement punitive, selon eux, mais un élément fondateur de la transition écologique. Ils se dressent contre la presque totalité des Français, contre les partis d’opposition mais aussi contre nombre d’élus de la République en marche gagnés par la mélancolie. Les députés marcheurs sont nombreux, en effet , à vouloir voter l’amendement du sénat au projet de budget qui supprime la hausse des prix de l’essence prévue pour le 1er janvier 2019. Ils en parlent publiquement. Ils souhaitent échapper à l’emprise du pouvoir, qui les considérerait comme des « godillots ».  Ils veulent s’affirmer comme des élus qui pèsent sur la politique gouvernementale. Cependant, ils ne donnent pas l’impression qu’ils pousseront leur projet jusqu’à la rupture avec le pouvoir, lequel s’est déjà montré, avec succès, impérieux et persuasif, et ignore à la fois les critiques venimeuses de l’opposition et les états d’âme de ses propres députés.

Bayrou dans… l’opposition.

A quoi il faut ajouter l’agacement du MoDem, dont la loyauté à l’égard de Macron s’effrite un peu plus chaque jour, car François Bayrou, inquiet de la tournure que prennent les événements, multiplie les déclarations favorables aux gilets jaunes, avec l’espoir que sa prise de position épargnera son parti. « À un moment, on ne peut pas gagner contre le peuple », a-t-il déclaré ce matin. Il aurait pu même dire  qu’on ne gagne jamais contre le peuple puisque celui-ci donne au pouvoir la légitimité des urnes. Mais, bien sûr, M. Bayrou n’a pas l’intention de remplacer Edouard Philippe au poste de Premier ministre. Il a pris bien soin de dire que, dans une période aussi grave, il ne risquait pas de faire de la politique politicienne.

La France insoumise, de son côté, est le parti qui tente ouvertement, et sans la moindre vergogne, de récupérer le mouvement des gilets jaunes. François Ruffin, qui s’est illustré à l’Assemblée par ses pitreries, essaie de ressusciter le mouvement « Nuit debout », lequel n’a jamais été qu’un forum place de la République à Paris et n’a guère influencé la vie politique. Les dissensions entre les membres de la France insoumise sont sur la place publique. Le reproche principal adressé à Jean-Luc Mélenchon par les dissidents est son autoritarisme, qu’ils jugent insupportable. La séquence de la perquisition dans les locaux du parti, avec les hurlements de Mélenchon qui se voyait en incarnation de la République, criait qu’il était « sacré » et donc au-dessus de la justice, n’a pas grandi le personnage . Victime de son caractère décidément incorrigible, il souffre de cet épisode autant que Marine Le Pen  de sa prestation télévisée lors du débat entre les deux tours avec le candidat Emmanuel Macron. À propos duquel l’accusation d’arrogance est dans toutes les bouches. Ne pourrait-on pas l’appliquer à d’autres élus ?

Le Pen pour un nouveau saccage des Champs.

Les Républicains sont pour le moment beaucoup plus discrets que l’extrême gauche et l’extrême droite. Laurent Wauquiez a été interrogé non pas au sujet des gilets jaunes mais de la procréation médicalement assistée qu’il considère comme le début de l’eugénisme et du nazisme. Ce qui lui  a valu une volée de bois vert dans les milieux favorables à la PMA, et qui a quelque peu embarrassé ses partisans. La question ne porte pas sur les excès de langage de M. Wauquiez, elle porte sur sa capacité à maîtriser son discours le jour où il sera aux affaires. Enfin, Marine Le Pen n’en démord pas : c’est aux Champs-Elysées que les gilets jaunes doivent manifester demain et peu importent les actes de violence qu’ils commettent ou qui sont commis en leur nom. Si vous cherchez un panel d’élus raisonnables capables de diriger le pays bien mieux que M. Macron, regardez du côté des oppositions fracturées, assommées par le rythme des réformes, poussées vers tous les excès par un mouvement qui les dépasse tout autant qu’il dépasse le président et ses amis. Entre les gilets jaunes qui se déclarent non-violents mais tiennent des propos subversifs tous les jours,  et des partis d’opposition incapables d’accompagner le mouvement, le choix de la stabilité est celui qui devrait convenir aux gens raisonnables.

Mais on ne soigne une crise ni par la surenchère, ni par l’immobilisme, ni par la répression, ni par le renoncement. Il est vrai que le dialogue semble impossible dès lors que les gilets sont incapables de se mettre d’accord sur leurs représentants et qu’ils n’ont pas résolu leurs contradictions : pourquoi discuteraient-ils avec les représentants du gouvernement qu’ils récusent et dont ils demandent la démission ? La solution ne peut résider que dans des mesures unilatérales du pouvoir, par exemple l’abandon des taxes du 1er janvier. Ce serait donner un gage aux gilets jaunes, un autre à François Bayrou, un début de retour au calme. Mais ce serait aussi reculer devant l’obstacle de la transition écologique. Car il ne s’agit pas d’une crise conjoncturelle qui va se résorber aussi vite qu’elle s’est développée. Il s’agit d’un conflit entre gouvernants quels qu’ils soient et pratiquement tous les gouvernés. C’est une guerre entre administrateurs et administrés, entre les institutions et ceux qu’elles encadrent. Il ne s’agit ni de lutte des classes ni de riches et pauvres. Il s’agit de la remise en question d’un système électoral parfaitement démocratique qui ne convient plus aux électeurs.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à Le désarroi des partis

  1. maxime dantec dit :

    Transition écologique ? Comment y croire si on considère qu’en 1975 il y avait 3,5 milliards d’êtres humains sur terre et 7 milliards en 2015 : a cette allure la pollution humaine ne pourra qu’amplifier le réchauffement climatique quand il y aura plus de 10 milliards d’humains sur notre planète, ce qui ne va pas tarder a se réaliser.

    Réponse
    Les appels à une maîtrise de la démographie sont multiples. C’est le noeud du problème. Mais si personne en fait rien, ce sera pire.
    R.L.

  2. Richard dit :

    Toujours aussi intéressant, incisif, mais non bêtement partisan. Bien difficile à trouver ailleurs.

  3. Scalex dit :

    « Les adultes votent et les enfants écrivent au Père Noël avec exactement la même excitation innocente. » Laula, meta-poète, France, 1981.

  4. Chretien dit :

    Encore une fois bravo pour votre article et surtout pour vos excellentes conclusions.
    En ce qui concerne « la transition écologique », ils n’ont absolument pas travaillé leur projet et ont subi bêtement l’influence des écolos/gauchos /bobos.
    Il aurait sûrement mieux valu s’interroger et en discuter avec les responsables régionaux (préfets, maires, députés, sénateurs) avant d’imposer les 80 Km/h et toutes les taxes imposées par Hollande (28) et Macron (8) soit au total 36 !

  5. JULIEN dit :

    Pensez-vous que 80 % des Français qui soutiennent le mouvement des gilets jaunes soit en faveur de la réforme du système électoral qui, comme vous le dites, est parfaitement démocratique ? Si cela est le cas, il faudrait que ces Français nous disent par quel système il serait possible de le remplacer. Peut-être le système qui convenait si bien aux staliniens.

    Réponse
    Parmi les revendications de certains gilets jaunes figure le scrutin proportionnel aux législatives. Une idée depuis longtemps soutenue par LFI et RN.
    R.L.

    • marco dit :

      Un système qui ferait que les habitants d’une commune éliraient leur conseillers, lesquels éliraient leur maire, lesquels éliraient leurs conseillers cantonaux, lesquels éliraient leurs départementaux, lesquels leurs régionaux, lesquels les députés et sénateurs (utiles?),lesquels éliraient le président. Un système qui resterait démocratique à la base mais qui ne serait plus basé sur la démagogie. Le système actuel est dépassé.

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