Paris retient son souffle

Morvan, Nunez et Castaner
(Photo AFP)

La tension est extrême à la veille de la quatrième manifestation sur les Champs-Élysées. Le gouvernement, changeant de tactique, a prévu des effectifs (89 000 policiers et gendarmes pour toute la France) et des moyens (une douzaine de véhicules blindés) supérieurs à ceux de la semaine dernière. Dans tous les camps, on craint une recrudescence de la violence, avec des blessés graves, ou même des morts.

CEPENDANT, le dispositif adopté par les pouvoirs publics semble efficace, même si, à l’usage, il se révèle insuffisant. Comment faire face à une violence organisée, à la haine de l’autorité et à la volonté de détruire ? Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a fait ce matin une déclaration ferme et très argumentée, dans laquelle il a mentionne les victimes parmi les forces de l’ordre et le sacrifice permanent qu’elles sont contraintes de faire. Nous n’avons pas, a-t-il insisté, d’autre objectif que la protection des  manifestants pacifiques et des biens publics. Il a rappelé la profanation odieuse de l’Arc de Triomphe. Mais il a mentionné également l’affaiblissement du mouvement des gilets jaunes dont le nombre ne représente plus qu’une minuscule minorité.

Polémique sur une vidéo.

M. Castaner a été interrogé sur une vidéo, forcément « virale », le mot le plus à la mode dans les médias, où l’on voit des jeunes gens âgés de 12 à 18 ans, à genoux, les mains sur la nuque et tenus en respect par un petit nombre de policiers. Ce film, tourné à Mantes-la-Jolie (Yvelines), foyer constant d’agitation et où le mouvement lycéen a été soutenu par des casseurs venus d’ailleurs, a aussitôt provoqué l’indignation du chœur des pleureuses de toute la gauche, unie comme jamais, pour dénoncer les méthodes d’un gouvernement « aux abois ».

Le ministre de l’Intérieur a indiqué qu’aucun de ces adolescents n’avait été molesté, que le degré de violence à Mantes a atteint un maximum et que les policiers, pourtant en petit nombre, ont réussi à briser l’émeute sans faire de mal à ceux qui semaient le désordre. De son côté, Valérie Pécresse, présidente LR de la région Île-de-France, a exonéré les forces de police et rejoint l’analyse de M. Castaner sur les actes commis à Mantes. Des avocats et des enseignants du SNE-Sup vont porter plainte contre les policiers. Ils devraient nous expliquer à quel moment le droit de légitime défense intervient dans ce genre de situation et s’il faut mourir pour épargner des « enfants », dont les parents sont furieux, bien qu’ils n’aient pas tenté de les retenir à la maison et de les empêcher de commettre des actes criminels.

État de droit.

Si la gauche proteste, c’est parce que, comme le proclame François Ruffin, de la France insoumise, il s’agit pour elle de liquider le pouvoir issu des urnes et de créer un vide politique dont elle croit profiter, en dépit de ses divisions. En réalité, elle ne cesse de pousser le pouvoir à la faute et elle se réjouit d’une « répression » toute relative qui lui permet d’avancer ses pions en discréditant le gouvernement. Indubitablement, la crise est d’une gravité insigne et elle menace les institutions. C’est le rôle des dirigeants d’empêcher toute atteinte au fonctionnement de la République. La gauche, quand elle était aux affaires, a été confrontée à des situations similaires. Dans le cas du terrorisme, elle a décrété l’état d’urgence et pris des mesures puissantes sans lesquelles elle n’aurait pas rendu sa sérénité au pays.

De la liberté.

Quand des émeutiers, certes jeunes et français, mettent le feu aux écoles, détruisent une préfecture, agressent des policiers ou des gendarmes avec la volonté apparente de les tuer, faut-il que le gouvernement reste les bras croisés ? Il est tout à fait normal de rappeler que nous sommes dans un État de droit et que nous avons la liberté de manifester.  Mais nous n’avons pas le droit d’agresser des forces sécuritaires ; nous n’avons pas le droit de démolir des restaurants et des boutiques ; nous n’avons pas le droit d’incendier des voitures ; nous n’avons pas le droit d’intimider des élus en allant assiéger leur logement et en les menaçant des pires sévices, ou encore de leur envoyer une balle par courrier, comme cela s’est produit aujourd’hui ; nous n’avons pas le droit d’empêcher des salariés de se rendre à leur lieu de travail ; nous n’avons pas le droit de lancer un appel à des manifestants pour qu’ils « rentrent » à l’Elysée (il suffit, en bon français, qu’ils y entrent) ; nous n’avons pas le droit d’obliger les gens en désaccord avec nous à rejoindre une cause que nous défendons ; nous n’avons pas le droit de molester des journalistes ; nous n’avons pas le droit de piller des magasins. Pourtant, toutes ces infractions sont commises chaque jour depuis un mois.

L’État de droit n’est ni l’émeute, ni la révolution (conduite par une poignée d’individus), ni la menace de mort, ni le crime. C’est une forme de terrorisme qui est ainsi pratiquée. Sur un problème, incontestable, de pouvoir d’achat, on a voulu greffer le chaos. Aucun gouvernement qui se respecte ne peut accepter cette catastrophique extrapolation.

RICHARD LISCIA

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8 réponses à Paris retient son souffle

  1. Michel de Guibert dit :

    Il est irresponsable aussi de dire dans les média comme l’a fait l’Elysée que les manifestants sont décidés à casser et à tuer.
    Il est du devoir du gouvernement et des pouvoirs publics de prendre toutes les précautions, ce qu’il fait, mais pas de mettre de l’huile sur le feu.

    Réponse
    Le gouvernement a dit que, parmi les casseurs (et non les manifestants), il y en a qui sont décidés à casser et à tuer. Il me semble qu’il ne fait que dire la vérité. Ne pas mettre de l’huile sur le feu, ce n’est pas encourager les gilets jaunes à venir à Paris, c’est les en dissuader.
    R.L.

    • Liberty8 dit :

      Le gouvernement responsabilise les manifestants de demain, il dit en d’autre termes : si vous venez demain vous serez chargés et matraqués au moindre débordement, donc à vos risques et périls … et ce n’est pas trop tôt.
      Cela aurait du être fait la semaine dernière (engagement direct au lieu de saturation au lacrymo) mais la théorie bisounours a prévalu avec les résultats que l’on sait.

    • Michel de Guibert dit :

      Le président de la République ne souhaite pas prendre la parole avant les manifestations de samedi, afin de ne pas « mettre d’huile sur le feu » (sic).

  2. Michel de Guibert dit :

    Il est irresponsable aussi de la part de certains médias et de certains politiciens ou autres agitateurs de monter en épingle des images de lycéens et de casseurs mêlés tenus en respect par les forces de l’ordre après des incidents graves aux portes du lycée.
    Les policiers n’ont fait que leur devoir, qui est de maintenir l’ordre !

  3. admin dit :

    LL (USA) dit :
    Espérons que les manoeuvres tactiques nous éviteront le pire .

  4. Alan dit :

    Tout à fait d’accord, votre dernier paragraphe résume bien la chose, merci.

  5. ostré dit :

    On ne parle que des casseurs et de la police, beau consensus. Les revendications légitimes des plus pauvres sont vites oubliées. Sans les gilets jaunes et, sans, hélas, les violences jamais rien n’aurait été obtenu. La preuve : le recul a pris trois semaines.

  6. JMB dit :

    L’éditorialiste du journal chinois Global Times termine ainsi son billet sur le mouvement des gilets jaunes français par:
    « Alors que les Français descendent dans les rues, leurs semblables dans les pays asiatiques comme la Chine, le Vietnam et l’Inde se trouvent dans les salles de classe ou les usines et se battent pour leur futur ».

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