Le grand brouhaha

Lecornu et Wargon
(Photos AFP)

Dans la ville charmante de Grand Bourgtheroulde, dans l’Eure,  Emmanuel Macron ira aujourd’hui à la rencontre de 600 maires, mais devra aussi essuyer les lazzis et les sifflets des gilets jaunes bien décidés à lui faire sa fête. Le président de la République se livre à un effort humiliant, presque désespéré, mais il n’a pas vraiment le choix : tous les moyens offerts par l’imagination sont mis au service d’un retour au calme bien improbable.

SES CONCITOYENS, nous, les spectateurs, assistons à cette mise en cause permanente de l’autorité, mais aucun d’entre nous n’a d’alternative à lui offrir. Les oppositions, composées de revanchards qui ne lui ont jamais pardonné d’avoir conquis le pouvoir, s’efforcent de l’enfoncer dans les sables mouvants où il s’est jeté. S’il est vaincu au terme de cet effort, il n’aura manqué ni de panache ni de courage. Il est allé aussi loin qu’il pouvait dans sa « compréhension » des revendications de la populace qu’il ne peut satisfaire entièrement qu’au prix d’un changement, de nature et non de degré, de son programme. Mais déjà ses 35 propositions sont rejetées par nombre de gilets jaunes, assez en tout cas, pour continuer à occuper les ronds-points et casser des vitrines. Au-delà de la complaisance apparente du pouvoir pour le mouvement de révolte amorcé en novembre dernier, l’idée, probablement, est de créer un tel brouhaha dans le pays qu’il en sortirait quelque chose sur quoi le président pourrait s’appuyer pour s’arracher aux flots qui vont l’engloutir.

Cinq garants du débat.

Il y aura cinq garants du débat, deux choisis par le gouvernement, trois par les présidents de l’Assemblée, du Sénat et du Conseil économique et social. Deux ministres sont à pied d’œuvre, Sébastien Lecornu, ministre des Territoires, et Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État à la Transition écologique, pour piloter les débats qui auront lieu dans toute la France. Les cahiers de doléances recueillis par les mairies et déposés à l’Élysée, seront consciencieusement épluchés et synthétisés. Un travail de Titan ou de fourmi, en tout cas un tâche accablante pour ceux qui l’entreprendront. Il en faudra, de l’huile de coude, pour animer un débat national de deux mois dont on se demande encore à quoi il pourrait bien aboutir. À entendre les médias, le peuple va aligner des centaines de milliers de revendications. Il est vrai que beaucoup seront les mêmes. Si, au delà de la fatigue mentale que cette crise historique nous inflige, il nous restait assez de civisme pour participer au débat, nous devrions massivement exposer à notre tour ce que nous pensons de la situation.

Plusieurs paris.

Je parie en effet qu’il n’y aura pas, ou très peu, d’interventions sur le déficit budgétaire, la dette publique, la dépense sociale. Que personne, ou presque, ne s’inquiètera du coût pour le pays des revendications de toutes sortes exposées par des hommes et des femmes qui nous décrivent leur sort personnel en des termes déchirants, poignants, dérangeants. Que personne, ou presque, ne demandera si le programme des réformes sera poursuivi, si le gouvernement va équilibrer les régimes de retraites, s’il va prendre les mesures capables de créer des emplois, s’il va juguler l’inflation. Les gilets jaunes se plaignent de leur condition, mais croient que l’État peut l’améliorer parce qu’il a le loisir de dépenser sans compter. Qu’il prenne leur argent aux riches ! Lesquels se hâteront de partir pour des horizons meilleurs. Je parie qu’il n’y aura pas une seule question sur l’investissement, la création d’entreprises, l’amélioration d’une productivité en berne. Je parie qu’on trouvera des questions sur le rôle pervers de l’euro et de l’Europe. Que pas un gilet jaune n’est terrifié par le Brexit et ses conséquences délétères sur la vie des Britanniques, que beaucoup d’intervenants réclameront un Frexit, même si le sujet ne figure pas dans les questions du président. Il n’y aura pas non plus de question sur la formation professionnelle, celle que les gilets, pour la plupart, n’ont pas eue, mais qui leur aurait permis de trouver un emploi mieux rémunéré.

Les partis d’opposition ne soulèvent pas non plus ces sujets-là. Une révolution, quelle aubaine ! C’est un ouragan de passions qui se suffit à lui-même. Non, ce n’est pas simple d’améliorer le lot du peuple.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Le grand brouhaha

  1. PICOT François dit :

    Eh oui. Un travail de fourmi qui va prendre un temps fou pendant lequel la macronie continuera à appliquer ses « réformes » et tant pis si les Français ne sont pas d’accord. Pas sûr que le piège fonctionne. Et surtout n’abordons pas les sujets qui fâchent, du moins du côté du gouvernement : l’euro et l’UE qui nous plombent, l’immigration, le taux de prélèvements obligatoires (48 %) qui fait de la France, de facto, un pays socialiste (mais où diable passe notre argent ?), l’Islam etc. Il y aura des centaines de sujets abordés et de questions posées mais les réponses seront, parions le, à côté de la plaque ou évasives.

    Réponse
    Il me semble évident que le Brexit nous donne idée très claire du grand succès des Britanniques, qui sont en train de recouvrer leur souveraineté. Jamais, sous le prétexte de combattre l’Union européenne, un pays n’a été aussi divisé. Mais quand on est aveugle à la vérité, on voit quand même ce qu’on veut voir.
    R.L.

  2. Chretien dit :

    Vous allez probablement gagner vos paris !
    Pour faire comprendre les enjeux, il faudrait faire passer votre message auprès des chaînes de TV (BFM, LCI et C News, sans oublier C dans l’air) qui ont largement contribué à l’explosion des revendications des gilets jaunes. Et faire revenir le balancier à des réalités.

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