Benalla : basta !

Alexandre Benalla
(Photo AFP)

Les révélations successives sur les méfaits et gestes d’Alexandre Benalla, l’ancien préposé à la sécurité du chef de l’État, ont fini par dresser le portrait d’un homme tellement fasciné par les fonctions modestes qu’il occupait qu’il s’est convaincu que son pouvoir personnel, appuyé sur sa proximité avec Emmanuel Macron, devenait illimité. Quand le boulet est passé très près de lui, au lieu de se résoudre à faire profil bas, il n’a cessé d’aggraver son cas, en se livrant à des activités que l’Élysée, indéniablement, n’a pas su contrôler.

M. BENALLA  n’a pas compris que faire partie de l’Élysée entraînait plus de devoirs que de droits. D’abord il a menti aux commissions parlementaires en omettant au moins la moitié des actes qui pouvaient lui être reprochés, ce qui fait de lui un parjure. C’est pourquoi la commission du Sénat veut l’entendre de nouveau et espère convaincre l’Assemblée de réunir derechef sa propre commission. Ensuite, loin de s’excuser de son comportement inapproprié, celui du policier qu’il n’a jamais été et se distrayait en allant tabasser des manifestants, notamment lors du 1er mai dernier, il a adopté l’attitude d’un homme sûr de lui et plein d’arrogance au moment où, soumis aux questions des élus, il aurait dû donner de lui l’image d’une personne modeste, obéissant aux lois et aux règlements. Au lieu de quoi, il a accordé à divers médias des entretiens retentissants, toujours destinés à le présenter sous le meilleur jour.

Emprise sur le président.

J’ai toujours défendu l’idée, dans cet espace, que le cas de Benalla ne faisait pas automatiquement d’Emmanuel Macron un président irresponsable, même s’il n’était pas difficile de percevoir que son garde du corps le séduisait et tirait avantage de l’emprise qu’il semblait avoir sur le président. Mais il semble bien que le jeune Benalla, protégé en quelque sorte par la position exclusive que lui avait accordée M. Macron, s’est livré à une série d’abus de pouvoir contre lesquels les 800 fonctionnaires de l’Élysée n’ont pas réagi, de peur, sans doute, d’irriter le grand patron. Non, les premiers signaux révélés par la presse, qui aura donc accompli un travail extrêmement utile, n’ont pas entraîné la réaction que l’on pouvait attendre de l’Élysée où la discipline à laquelle tous les collaborateurs sont astreints pour d’évidentes raisons de confidentialité, de sécurité et de secret d’État, ne permet aucune exception. Non, la riposte n’a pas été sèche et définitive. Non, la sanction contre Benalla n’a pas été immédiate et claire, de sorte que le grand déballage qui a suivi les faits dans la presse et au Parlement n’a pas fourni la dimension des délits qu’il a commis. L’ancien garde du corps en a conclu qu’il pouvait sortir du guêpier où il se trouvait et même continuer comme si de rien n’était, allant jusqu’à appeler le président au téléphone à plusieurs reprises et obtenant, deux fois, que le chef de l’État lui répondît brièvement.

Que la justice passe.

Voilà maintenant que l’on apprend que Benalla disposait de passeports diplomatiques (au nom de quelle fonction et de quel usage ?), qu’il ne les pas rendus à ses supérieurs, que l’un de ces passeports a été obtenu au moyen d’un faux, d’ailleurs non signé, et que, après le scandale qui a éclaté à la fin de l’été dernier, il a fait, avec ces documents, 26 voyages à l’étranger.  De sorte que le personnage, placé en garde à vue puis mis en examen (pour la troisième fois), a été extrait de la vie civile. Ce qui n’empêche pas la commission sénatoriale de le convoquer lundi pour qu’il s’explique sur ce qu’il n’a jamais révélé auparavant. C’est un cas qui exige que la justice passe et que la vérité complète soit enfin établie, non pour sonner l’hallali contre le pouvoir, mais pour rétablir l’ordre indispensable au fonctionnement de nos plus hautes institutions, car elles ne sauraient être corrompues par un homme qui, à la faveur de son ascension, a perdu tout sens commun, avec un aplomb incroyable qui a dupé des personnes très haut placées.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Benalla : basta !

  1. mathieu dit :

    Tout cela est frappé au coin du bon sens. L’Etat de droit, parlementaire et judiciaire, a rempli sa mission de façon irréprochable depuis l’été, contrairement à l’Elysée dont le fonctionnement monarchique ou « monarcal », qui atteint son paroxysme avec les « novices » de la fonction comme Macron, ou des chevaux de remonte comme Mitterrand, qui avait sûrement rêvé trop longtemps de la fonction pour ne pas tomber dans les pièges du pouvoir personnel illimité, a généré ce type d’homme-lige, de barbouze de couloir aux petits pieds mais aux gros bras, se fantasmant comme le deuxième personnage de l’Etat!
    Finalement une affaire touchant plus au droit commun qu’à une affaire d’Etat, mais un os à ronger inespéré, avec toujours un peu de moelle à l’intérieur, même quand on le croit desséché, pour une presse carnassière dont la seule obsession depuis deux mois est l’assaut médiatique (plus efficace que les béliers des gilets jaunes) du Palais de l’Elysée. Quoi de plus vendeur pour une « Une » ou un gros titre?

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