La guerre d’usure

Macron avec les maires
(Photo AFP)

L’ouverture du grand débat et le succès qu’il remporte, les prestations toujours puissantes, sinon convaincantes, du chef de l’État, ce qu’il lui reste de crédibilité dès lors que l’électorat ne cesse de se fractionner et que les oppositions diverses ne parviennent pas, sauf peut-être le RN, à tirer profit de la crise, tout cela n’empêche pas le mouvement des gilets jaunes de se poursuivre, dans une anarchie accrue, puisqu’il n’a plus de règles, ni au sujet des villes et des dates choisies pour manifester, ni pour les revendications, ni pour les objectifs.

DES MILLIONS de citoyens jouent le jeu, se rassemblent et discutent. Le président de la République, en bras de chemise, passe des heures devant des réunions de maires. En dépit du fossé qui les sépare, depuis qu’il les a conviés à faire des économies, il est écouté et même respecté, ce qui est devenu très rare. Mais les perspectives du chef de l’exécutif sont incertaines : il est contraint de tenir compte des revendications qui sont portées à sa connaissance, surtout quand elles sont exprimées des dizaines de milliers de fois ; il ne peut continuer à exister dans ses fonctions que s’il continue d’appliquer son programme. Il n’est pas difficile de prévoir qu’il va s’efforcer de combiner ces deux exigences par nature antinomiques. Jamais un président de la Ve République n’a été aussi déstabilisé, n’a dû prendre autant de risques, n’a été aussi exposé à la colère populaire. Ce qui pèse sur le climat politique français depuis le début du mouvement des gilets jaunes, c’est que la pire de leurs revendications, la destitution du président, totalement contraire à l’esprit de nos lois, n’a jamais paru aussi crédible. Le chef de l’État ressemble à un funambule, admirable tant qu’il progresse, mais dont la moindre erreur lui serait fatale.

Une percée à droite ?

Depuis le week end, nombre de commentateurs nous expliquent, assez laborieusement, que M. Macron se tourne vers la droite, dont il voudrait capter l’électorat. En réalité, il a affaire à un mouvement noyauté par l’extrême droite dont les doléances relèvent de l’extrême gauche. S’il veut convaincre les partisans des LR, il lui suffit de poursuivre les réformes. Ce n’est pas en rétablissant l’ISF, en créant une tranche supérieure du barème fiscal, ou en renonçant à l’exit tax qu’il va se rallier les anciens soutiens de François Fillon dont le programme, par certains aspects, était bien plus libéral (et plus sévère) que celui de M. Macron. La difficulté vient de ce que les gilets jaunes, enhardis par leur propre persévérance, sont irréductibles, qu’ils désavouent les institutions républicaines et la Constitution, qu’ils pensent que leur travail ne sera achevé que lorsque M. Macron aura démissionné.

Combien de pieux analystes dénoncent l’inspiration révolutionnaire du mouvement qui, à ce jour, a certes démontré son pouvoir de nuisance, mais aussi qu’il est minoritaire ? Cette révolte, cette émeute permanente, ces exigences complètement déconnectées de la réalité économique et financière, cette arrogance d’un groupe qui ne cesse d’exagérer les souffrances qu’il endure et que d’ailleurs personne n’est allé vérifier, cette victimisation systématique qui serait le lot de la plupart des Français, ce qui, bien sûr n’est pas vrai,  se passent de tout bon sens. Les inégalités sociales et la pauvreté d’une minorité sont incontestables, il faut les chiffrer et montrer qu’elles ne disparaîtront que dans le cadre d’une réforme, non par le chaos.

Le « système » nous protège.

Ce qui est vrai en revanche, c’est que Macron a trouvé le ton, et que, sans se départir de son sourire et sans céder à la peur et à la panique, il parvient à replacer nombre d’élus dans le giron républicain. Ce fameux « système », dont Mme Le Pen et M. Mélenchon souhaitent tous les jours la disparition, c’est ce qui nous protège collectivement contre un effondrement de la société française : les cris de haine, la violence physique, le déluge d’insultes, la boue charriée par les réseaux sociaux suffisent à donner de la France une image affreusement altérée. L’ultime atout d’Emmanuel Macron n’est ni à droite ni à gauche. Il réside dans le vide intersidéral qui suivrait son départ et qu’aucune des oppositions, aucun émeutier, aucun « révolutionnaire », aucun mécontent ne sauraient combler. La nation n’a pas besoin d’une convulsion qui pourrait lui être fatale. Elle doit seulement panser ses plaies sociales. Il faut que Macron finisse son mandat et il sera toujours temps, en 2022, de savoir si oui ou non il en mérite un second.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La guerre d’usure

  1. Doumé dit :

    Grand débat ou grand déballage orchestré
    avec le concours des médias ? Et après on fait
    quoi ? Cela peut suffire pour faire diversion et
    attendre les élections Eeuropéennes, pas pour
    retrouver emploi et pouvoir d’achat. Dans la lettre
    du président, aucune allusion à la dette, au poids
    des charges sociales qui freine la création d’emplois,
    au coût exorbitant du fonctionnement de l’Etat pour
    des résultats moins bons que chez nos voisins européens.
    Macron n’a pour le moment personne en face,
    mais je crains fort hélas que le populisme qui envahit
    l’Europe soit la mauvaise surprise à venir en France.

    Réponse
    La mauvaise surprise est déjà arrivée. Macron est encore le seul à engager des réformes.
    R.L.

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