L’économie réinventée

Mappemonde à Davos
(Photo AFP)

L’OCDE, Organisation de coopération et de développement économique, qui regroupe les pays les plus industrialisés, a confirmé hier que la France, avec des dépenses sociales qui atteignent 32 % de la richesse nationale produite chaque année, est le pays dont le montant des prestations sociales est le plus élevé.  Simultanément, c’est la France qui subit la crise sociale la plus grave.

DANS LE grand débat national, les suggestions pour une fiscalité plus juste abondent. Dès le début de « l’insurrection », c’est le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF) qui a été réclamé à l’unanimité des gilets jaunes, soutenus à la fois par la gauche, l’extrême gauche et l’extrême droite. Une hausse généralisée des salaires a été également exigée, ainsi qu’une baisse ou une disparition de la CSG. Voilà maintenant qu’est envisagée une baisse de la TVA. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la liste des doléances pour savoir que son application conduirait immédiatement l’Etat à la faillite, les 3,5 milliards que rapporterait l’ISF étant très insuffisants pour compenser une baisse de la TVA (2,6 milliards pour chaque point de réduction) et de la CSG (7,5 % sur tous les revenus), l’impôt social qui sert de vache à lait aux pouvoirs publics.

Mémoire de Rocard.

Divers intervenants sur les plateaux de télévision ont suggéré pour leur part de faire payer l’impôt, fût-ce modestement, aux 52 % des foyers français qui ne le paient pas. Leurs contradicteurs ont rétorqué que, si les ménages à revenus peu élevés ne paient pas d’impôt sur le revenu (IR), ils paient tous la CSG, la TVA et toutes sortes de taxes et contributions indirectes, ce qui est vrai. Quand Michel Rocard a inventé la CSG à 1 % du revenu brut, a-t-il imaginé qu’un jour elle serait multipliée par huit, ce qui, effectivement, correspond à un trou profond dans le budget des foyers les plus pauvres ? Le débat sur le paiement ou non de l’IR est purement moral. Il n’a rien à voir avec le montant de la pression fiscale, c’est seulement un débat sur l’égalité républicaine devant l’impôt.

Mais au moins les gilets jaunes devraient-ils comprendre, ce qui ne semble pas être le cas, que les prestations sociales (APL, allocations familiales, prime à l’emploi, etc.) dont ils bénéficient n’existent que parce que tout le monde en France paie ses cotisations sociales. Ils devraient comprendre que, si l’Etat ne se livrait pas à ce prélèvement massif sur la richesse nationale, il ne pourrait pas lisser les inégalités entre les revenus. Ce qu’ils demandent, en définitive, c’est qu’on les libère de toute contribution et que l’on aille trouver l’argent ailleurs, chez les riches, c’est-à-dire tous ceux qui gagnent un peu plus qu’eux. Bonne façon d’appauvrir les Français.

Qui est riche ?

Il va falloir en tout cas définir ce que l’on désigne par « riche ». N’est pas riche le cadre supérieur à la retraite qui a une confortable pension complémentaire. N’est pas riche le citoyen qui habite un appartement confortable qu’il a payé pendant trente ans. Les gilets jaunes pensent à ces capitaines d’industrie, ces actionnaires rapaces, ces lanceurs de start-up, ces hommes d’affaires de tout poil qui gagnent des centaines ou des milliers de fois le smic. La régulation du marché, des salaires et des revenus devrait faire l’objet, effectivement, d’une réforme prioritaire pour empêcher la formation d’une classe supérieure qui ne sait plus quoi faire de son argent alors que les smicards sont fauchés le quinze du mois. Mais qu’on se le dise : le transfert par le fisc de sommes massives entre les foyers les plus riches et les plus pauvres ne résoudront jamais le problème des inégalités. De la même manière que les réformes collectivistes de l’Union soviétique n’ont pas amélioré la production de son agriculture, prendre de l’argent dans une poche pour le mettre dans une autre ne résout pas les problèmes de formation et de qualification.

A propos de l’ISF.

Ce qui crée de la richesse solide et distribuable, c’est la productivité, la qualité du produit, la capacité à concurrencer les meilleurs usines étrangères. Ce n’est pas la recherche du dénominateur le plus bas. Nous sommes certes dans une société où, même socialisé, un revenu minimum reste insuffisant. Et, s’il faut empêcher les « riches » de se moquer du monde, de frauder le fisc, de rechercher un enrichissement excessif et éhonté, on ne peut pas accepter une théorie économique qui suggère de réduire drastiquement les prélèvements obligatoires et d’augmenter arbitrairement les revenus les plus bas. Ce sont deux propositions incompatibles.

Enfin, j’aimerais expliquer en trois mots pourquoi l’ISF est un impôt injuste. C’est un impôt sur une épargne qui a déjà payé l’impôt puisque le détenteur ne peut l’avoir accumulée qu’après avoir versé ses contributions sur le produit de son travail et de ses placements ; si l’épargnant possède cent et qu’on lui demande 5 %, on exige de lui que, chaque année, son épargne, au lieu d’augmenter, diminue et à terme disparaisse ; comme la plupart du temps sa fortune est placée à long terme, il paie l’impôt sur ses revenus de l’année et non sur son épargne. Je ne serais nullement scandalisé si l’ISF était rétabli. Mais on pourrait établir une différence entre un milliardaire et le retraité qui a un bon logement et une assurance vie. Très simple : il suffit de diminuer la taxe sur le premier million d’euros, et même le deuxième.

RICHARD LISCIA

PS- Pas de blog demain. Je vous retrouve lundi 28 janvier.

 

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Une réponse à L’économie réinventée

  1. PICOT François dit :

    Oui, l’ISF est injuste, et stupide par dessus le marché, car il fait fuir ceux qui, pour beaucoup, créent des entreprises et donc des emplois. Demandons nous pourquoi il n’existe plus, ou pas, ailleurs. Ceux qui réclament le retour de l’ISF ne semblent pas avoir vu que le taux des livrets réglementés est bloqué ce qui est parfaitement scandaleux et probablement illégal. Ainsi avec une inflation autour de 2 % et un Livret A, par exemple, à 0,75 %, l’Etat a volé aux Français environ 3,5 milliards d’euros. A peu près le rendement de l’ISF, comme c’est curieux!

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