Une loi anti-casseurs

Charles de Courson
(Photo AFP)

L’Assemblée nationale a adopté la fameuse loi anti-casseurs destinés à interdire ou à sanctionner ceux qui profitent des manifestations pour se livrer à des actes de violence et à des déprédations. Le texte est vivement contesté par les défenseurs des libertés.

LE PROJET, présenté pour la première fois par le Sénat à majorité de droite, fera l’objet de plusieurs navettes entre les deux Chambres, ce qui laissera aux élus le temps de bien réfléchir aux conséquences d’une adoption éventuelle. Les débats à l’Assemblée ont été très animés, le député centriste de la Marne, Charles de Courson, connu pour son franc-parler, s’élevant avec force contre un texte qu’il considère comme liberticide. « Sommes-nous devenus fous ? », a-t-il demandé à ses collègues, tout en soulignant que, aux mains d’une droite extrême au pouvoir, la loi deviendrait un instrument de suppression du droit de manifester.

Rupture démocratique.

Le projet, en effet, confie au préfet le soin de décider qui a le droit de manifester et qui ne l’a pas. C’est une rupture démocratique car, en France, toutes les décisions passent par le droit, et seuls les juges (et non des policiers), jusqu’à présent, ont le droit d’appliquer des peines aux personnes en délicatesse avec la loi. D’autres dispositions sur le port de la cagoule et les fouilles préventives de manifestants font l’objet d’un débat intense. L’intervention de M. de Courson a impressionné l’Assemblée, mais la majorité des députés n’a pas tenu compte de ses objections qui sont pourtant convaincantes. Le vrai problème est que, en France, on a pris la mauvaise habitude de voter une loi pour chacun des problèmes qui peuvent surgir. De sorte que la question se pose de l’utilité de la loi : lors des samedis des gilets jaunes, des fouilles ont été pratiquées, ce qui veut dire que c’est déjà légalement possible.

Cependant, le mouvement n’a pas cessé et il est devenu un handicap économique pour la France, en prenant en otage la liberté de circuler des non-manifestants (l’immense majorité) et en causant des dégâts importants aux biens (sans compter les onze morts, et les deux mille cinq cents blessés, dont mille policiers). Le gouvernement n’a pas l’intention de limiter ou de supprimer le droit de manifester, inscrit dans la Constitution, mais il veut limiter la casse, sachant que le mouvement peut se prolonger pendant encore plusieurs semaines ou plusieurs mois. Ce sont les Républicains qui insistent pour qu’une nouvelle loi soit adoptée et appliquée. Ce sont eux qui ont présenté ce projet sénatorial et encore eux qui demandent au gouvernement de mettre un terme à un désordre inacceptable.

L’ordre est nécessaire.

Bien sûr, au-delà des jeux parlementaires, il y a le désir des oppositions de compliquer la tâche du pouvoir. Elles ont tout à gagner dans la description d’un gouvernement qui tente de se donner les moyens suspects de la répression, quitte, plus tard, à se les approprier dans d’autres circonstances.  Je ne suis pas sûr qu’un texte spécifique doive être adopté et je respecte les propos de Charles de Courson. Néanmoins, je ne crois pas qu’on puisse traiter la violence des anarchistes par l’angélisme. La démocratie a besoin, pour vivre, de l’ordre. Par tous ses aspects, sa durée, la répétition des samedis violents, la présence dans ses rangs de gens venus de l’ultra-droite, par son mépris pour les principes élémentaires, par l’ignorance contenue dans certains discours, le mouvement des gilets jaunes est sans précédent. Ce n’est pas mai 68 et ce n’est pas la prise de la Bastille, mais cela ressemble beaucoup à une insurrection permanente qui s’alimente d’idées simplistes sans pour autant parvenir à conquérir le pouvoir.

Les gilets jaunes représentent une minorité active, mais une minorité quand même. Ils ne disent jamais ce qu’ils savent parfaitement : sans la violence de l’ultra-droite, peu de leurs concitoyens s’intéresseraient à eux. Ce n’est pas seulement de la pure hypocrisie, c’est une attitude très dangereuse pour l’équilibre de la société française dont on ne dira jamais assez qu’il est particulièrement fragile.

RICHARD LISCIA

 

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9 réponses à Une loi anti-casseurs

  1. Num dit :

    Ce que je vois comme casseurs dans ces manifestations ne sont pas du tout des membres de l’ultra droite (sauf peut être sur les toutes premières et en tout petit nombre) mais bien de l’ultra gauche : NPA, zadistes, anars…

    Réponse
    Voir ma réponse à M. Chiausa.
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      Le mouvement des gilets jaunes est très composite et il me paraît très réducteur de l’assimiler à l’ultra-droite !
      Réponse
      Des éléments de l’ultra droite en font partie. Je n’ai jamais écrit qu’il n’y avait que l’ultra droite. En revanche, je suis certain que ces éléments sont ceux qui se livrent à la violence. Et que, sans la violence, le mouvement n’aurait pas l’influence qu’il a acquise et qui menace les institutions. Ce qui explique que les casseurs ne soient jamais dénoncés et désavoués par les manifestants qui campent sur leur vertu non violente toute en tirant avantage de la violence des autres. Ce n’est pas parce que le politiquement correct contraint toute la presse à avoir pour les gilets jaunes les yeux de Chimène que je dois me ranger dans cette analyse. La condamnation répétitive, obstinée, systématique du gouvernement en toute circonstance est devenue un sport national. Je crois qu’il faut voir au-delà et imaginer ce qui nous attend. Je défends le suffrage universel et la stabilité de nos institutions. Cela ne me paraît pas une position insensée.
      R.L.
      R.L.

      • Michel de Guibert dit :

        Nier que des éléments de l’ultra-gauche (black blocks, NPA, zadistes, anars, admirateurs du Che…), voire même parfois des gilets jaunes sans étiquette politique, se livrent aussi à la violence me paraît singulièrement réducteur.
        Réponse
        Les black blocs appartiennent à l’ultra droite, pas à l’ultra gauche. Les comportements des zadistes sont dans la ligne de l’extrême droite même s’ils prétendent se revendiquer de la protection de l’environnement. Je ne comprends rien à ce débat où il s’agit, pour un mot, de me juger réducteur. Je combats l’ultra droite et l’ultra gauche, mais je sais reconnaître un fasciste sous le visage de la compassion humaine.
        R.L.

        • Michel de Guibert dit :

          A ma connaissance, et cela est largement documenté (le « A » entouré d’un cercle), les « black blocs » sont des anarchistes autonomes, issus des courants libertaires et « antifas », prônant l’action directe, anticapitalistes radicaux et altermondialistes.

          Réponse
          Vous avez sûrement raison. Maintenant que vous avez eu le dernier mot, je suis sûr que nous pouvons parler d’autre chose.
          R.L.

          • mathieu dit :

            Pour catégoriser les « ultras », de gauche ou de droite, il faudrait qu’ils soient animés d’un minimum, d’un semblant, de conscience et de dessein politiques. A l’évidence, ils en sont dénués et ne sont que les guetteurs à l’affût de tout mouvement social pour s’y adosser et le contaminer pour le seul bonheur d’exister, fugitivement, dans d’intenses moments d’hyperviolence, de se donner tous les samedis le délicieux frisson du combat de rue contre l’armée des nantis, l’illusion de pouvoir ébranler, dans l’hystérie de foule, les colonnes du temple de la démocratie, d’accéder, faute de savoir construire, au pouvoir (de) détruire… même pas besoin d’aller en Libye ou en Syrie faire du Djihad pour oublier sa vie de m..!
            Les extrêmes se retrouvent bien dans ce chaos mental, dépourvu de réelle idéologie! C’est même à ça qu’on les reconnaît!

  2. chretien dit :

    Encore un article excellent!
    Il y en a marre de ces manifestations qui sont menées par des irresponsables qui ne se rendent pas compte des dégâts que cela entraîne et que nous allons tous payer. Je soupçonne même certains,pour les avoir vus de près, de faire leur promenade du samedi (leur jogging) pour suivre les conseils du Dr Cymes (au moins 10.000 pas par jour) et manifester, par la même, leur mécontentement pour grossir les rangs des gilets jaunes.

  3. Chiausa dit :

    Faut-il n’avoir qu’un seul œil pour ne voir dans les violences des manifestations des gilets jaunes que l’ultra droite ? L’ultra gauche, les black blocks anarcho libertaires, quelques racailles « des quartiers », quelques gilets jaunes « radicaux » … et vous ne voyez que l’ultra droite ? Je ne suis qu’un pauvre médecin spectateur de la rue, mais vous : journaliste ?

    Réponse
    En tout cas, je suis plus journaliste que vous. L’inspiration du mouvement est clairement celle de l’ultra droite, comme en témoignent les propos d’Eric Drouet, dénoncé, et en quels termes, par le chef de la CFDT, Laurent Berger, et la présence sur les lieux de casse de personnes identifiées se réclamant de l’ultra droite. Je ne sais pas si vous êtes un pauvre médecin spectateur de la rue, mais vous la voyez avec vos lunettes. Quant à moi, allez voir mon CV sur Internet et vous comprendrez que vous avez manqué une occasion de vous taire quand vous me niez ma propre qualification. Il est vrai que, droite ou gauche, on n’est jamais à court d’une insulte.
    R.L.

  4. PICOT François dit :

    Avant de faire une loi « anticasseurs » il faudrait que la police s’occupe un peu de ceux qui cassent. Il y en a, certes, parmi les gilets jaunes, sans compter tous ceux qui enfilent le dit gilet, mais qui n’ont rien à voir avec eux. On reste tout de même un peu stupéfait lorsqu’on voit ceux qui cassent les vitrines pour faire leur courses, c’est-à-dire voler tout ce qu’ils peuvent, ne pas être inquiétés le moins du monde par la police, contrairement à certains gilets jaunes pacifiques, les vrais, qui, eux, ramassent coups et blessures. Cela s’appelle deux poids, deux mesures.

    Réponse
    Tout va toujours mal.
    R.L.

  5. Doriel Pebin dit :

    Un problème majeur persistant est que les gilets jaunes ne se désolidarisent ni
    des violences ni des propos homophobes, racistes répétés depuis des semaines. Pour eux la violence est avant tout policière (manifestement toutes les images à la télé seraient donc truquées). Tout à fait d’accord avec M. Liscia, ce sont pour une grande part des fascistes de droite ou de gauche ou au minimum des antirépublicains. Ils ne s’en cachent d’ailleurs pas puisque les sondages indiquent tous de 10 à 15 pour cent de gilets jaunes dans la population (en clair minoritaire) et qu’en cas de liste Gilets jaunes aux européennes, ils prendraient d’abord des voix à Le Pen, puis a Mélenchon ! Un peu de rationalité et d’objectivité ne fait pour de mal pour le scientifique humaniste que tout médecin est censé être éthiquement et déontologiquement : ces mots ont de la valeur.

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