La riposte nécessaire

Marine Le Pen
(Photo AFP)

On se pose des questions sur l’utilité des manifestations d’aujourd’hui contre l’antisémitisme. On se demande s’il faut une loi pour sanctionner l’antisionisme. On s’inquiète de ce que, loin de traduire un mouvement populaire spontané, les manifestations aient été ordonnées par le gouvernement. D’aucuns vont même jusqu’à voir dans les rassemblements de ce soir une manipulation du pouvoir.

CAR tout est bon pour nier l’antisémitisme, à commencer par le déni de toute comparaison avec les terribles années trente. Un sale type a insulté Alain Finkielkraut, il serait identifié, il appartiendrait à la mouvance salafiste, donc l’antisémitisme en France serait uniquement musulman. Il suffit de regarder la video de l’incident pour constater qu’aucun gilet jaune présent sur place ne demande à l’affreux jojo de se taire. Un seul, plein de bienveillance, met à l’écart M. Finkielkraut, étant entendu que philosophe, mais juif, il n’a rien à faire dans la rue, là où manifestent les gilets jaunes. Allons, allons, Finkielkraut, concentrez-vous sur les jeudis de l’Académie. Votre seule présence est une provocation.

Le plus grand danger, c’est l’indifférence.

Les médias font des reportages. Une jeune fille déclare qu’elle ne sait même pas écrire le mot antisémitisme. L’indifférence à une tare millénaire des sociétés occidentales est le plus grand danger qu’elles courent. Les Français juifs se tuent à dire que cette intolérance à leur égard est moins leur problème que celui de toute la société. L’antisémitisme ne trouve pas de meilleur terrain que l’apathie populaire. Quand une journaliste demande au grand rabbin si la crise sociale ne favorise pas la résurgence de l’antisémitisme, il répond par l’affirmative, sans ajouter que la recherche du même bouc émissaire quand les choses vont mal en France relève du réflexe de Pavlov. Nous sommes pauvres, c’est la faute des juifs, bien sûr. Et il faudrait rester les bras croisés ? Si le gouvernement n’avait rien fait, qu’aurait-on entendu ? Mais maintenant qu’il le fait, ne cherche-t-il pas à diviser les Français ? N’agit-il pas pour reprendre la main sur une crise qui lui échappe ?

Dire non.

Dire non à l’antisémitisme, c’est simple. C’est une dénonciation dont nous n’avons pas besoin d’expliquer les tenants et aboutissants. C’est comme la lutte contre les agressions sexuelles. C’est non. C’est comme la corruption, c’est non. C’est comme la pollution, c’est non. C’est comme la pédophilie : c’est non. D’un côté, une majorité de Français se moque complètement de ce que subit l’infime minorité de Français juifs ; de l’autre, ceux qui veulent bien s’en soucier, mais avec l’assurance que la mise en accusation concerne un groupe plutôt qu’un autre. Donc, l’antisémitisme n’est plus d’extrême droite. Il est seulement charrié par des musulmans intégristes et il est seulement lié à l’existence d’Israël. Comme si des forces mues par la haine ne pouvaient pas se retrouver et s’allier pour combattre un groupe dont l’influence est limitée.  Comme si l’extrême gauche et l’extrême droite ne pouvaient se marier en mettant dans la dot l’antisémitisme de l’une et celui de l’autre, qui sont différents, mais aboutissent au même résultat : l’exclusion des juifs. C’est ce que montre la video Finkielkraut. Un salafiste a infiltré les gilets jaunes, pas le moins du monde embarrassés d’abriter un tel individu en leur sein, pas pressés de défendre la liberté de Finkielkraut de vivre en France comme il l’entend et d’avoir ses propres idées.

Dis-moi qui a voté pour toi.

La vraie question porte sur l’avenir du pays. En dehors de la République en marche, le parti le plus puissant est le Rassemblement national. Personne de sensé ne doit exclure qu’il parvienne un jour au pouvoir. La droite et la gauche ne sont pas en mesure de le battre dans les urnes. Cette séquence qui nous a valu 13 samedis de violence, de casse et d’émeutes profite infiniment moins à la France insoumise qu’au RN. M. Wauquiez (LR) demande au gouvernement de remettre de l’ordre. Il a raison dans l’absolu. Si M. Macron ne rétablit pas l’ordre, Marine Le Pen déclarera qu’elle est tout indiquée pour le faire, parce qu’avec son parti, on cessera de bafouer la nation. Elle n’est même pas loin de nous annoncer qu’elle serait la meilleure arme contre l’antisémitisme, même si gravitent autour d’elle des antisémites qui attendent leur heure, fréquentent Bachar Al-Assad, et font de l’anti-américanisme et de l’anti-européanisme les vecteurs parfaits pour construire un antisémitisme d’Etat.  Procès d’intention ? Non, c’est seulement du réalisme. Le totalitarisme de gauche ou de droite est toujours antisémite. Hitler est arrivé au pouvoir d’une manière parfaitement démocratique. L’extrême gauche, elle, préconise le coup d’État, alors que Marine Le Pen améliore son score à chaque scrutin.

D’excellents experts indiquent que Marine n’est pas son père, qu’elle n’est pas du tout antisémite, et qu’elle concentre surtout ses efforts pour juguler l’immigration. C’est sûrement vrai, mais dans le même temps, elle sera un jour élue par des millions de personnes qui sont antisémites par sectarisme ou par indifférence. Attendre et voir ? Il y a des paris que nous ne devons pas prendre.

RICHARD LISCIA

 

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15 réponses à La riposte nécessaire

  1. Jean Cabane dit :

    La liberté de pensée qu’on doit défendre, c’est que chacun puisse dans sa tête être anti-juifs, anti-migrants, anti-protestants, anti-musulmans, de gauche ou de droite, et que tout le monde respecte les opinions des autres en pouvant même en discuter sans haine. L’égalité qu’on doit défendre, c’est que tous les Français aient les mêmes droits et les mêmes devoirs notamment en terme de circulation et il n’est pas acceptable que depuis trois mois les rond-points soient obstrués. La fraternité qu’on doit défendre c’est que personne ne fasse de violence ni d’actes hostiles quelconques et encore moins que ces actes soient légitimés par une opinion ou une autorité quelconque. Et aucun acte hostile ne doit rester impuni, là c’est l’honneur de la justice qui est en jeu.

    Réponse
    L’antisémitisme et le racisme sont des maladies. Il vaut mieux se soigner. Il n’y a aucune liberté dans le fait de haïr autrui.
    R.L.

  2. Num dit :

    Pourquoi vouloir absolument que l’antisemitisme soit d’extrême-droite ? A part 2 ou 3 pseudo-intellectuels sans audience ni influence, je ne connais d’ailleurs pas d’antisemites de droite. A l’inverse, beaucoup de juifs, et de plus en plus, votent RN. L’antisémitisme actuel est très largement d’origine d’extrême gauche, mû par l’islamisme, l’antisionisme et l’anticapitaoïsme, que vous le vouliez ou non.
    Le fait que l’insulteur de Finkielkraut soit un salafiste n’est pas un hasard mais tout à fait révélateur. Que les personnes autour laissent faire est également le signe (évident quand on se promène dans la rue mais que les médias nient contre toute évidence) que les gilets jaunes sont des gauchistes opportunistes et prêts à tout pour créer une situation insurrectionnelle.
    Comparer la France de 2019 à celle des années 30 est juste hors de propos tout simplement parce qu’un siècle plus tard, la sociologie française n’a plus rien à voir avec celle de cette époque. Ce qui ne veut pas dire que l’antisémitisme n’existe pas mais qu’il ne vient de là où on croit l’attendre…

    Réponse
    Vous n’apportez strictement aucun argument à votre thèse qui consiste simplement à exonérer l’extrême droite, un peu comme si elle avait toute votre sympathie. Le fait que l’insulteur de Finkielkraut soit salafiste n’est qu’un fait. Il n’est révélateur de rien du tout. Il n’empêche nullement une réalité forte : le Front national a été fondé par Jean Marie Le Pen sur la base de son propre antisémitisme qui lui a valu des déboires judiciaires et qui continue d’animer une partie de ses troupes. Comment pouvez-vous nier la souche antisémite du Front ? Certes, Marine Le Pen s’efforce de se débarrasser de ce fardeau et sanctionne les déclarations publiques des antisémites de son camp. Comment se fait-il qu’ils lui donnent encore du fil à retordre ? Que leurs convictions collent au parti comme un sparadrap ? Bien entendu, il y a aussi l’antisémitisme musulman qui s’ajoute à l’autre et qui fait que, pour les Français, le danger est double.
    Ma comparaison avec les années trente n’est pas osée. Marine Le Pen est en capacité de gagner les élections générales. Son programme serait désastreux pour la France et pour les Français juifs.
    R. L.

  3. JMB dit :

    Approbation sans réserves de cet éditorial.
    Antisémitisme et racisme sont effectivement des maladies, délirantes.

  4. PICOT François dit :

    Le programme de Macron est tout aussi désastreux, hélas. Et s’il veut lutter contre l’antisémitisme, comme il essaye de le faire croire, il doit désigner l’ennemi : le racisme « habituel » et historique, si on peut dire, et surtout celui des islamistes responsable pour une grande part de cette montée d’actes antisémites. Comme, avec ses prédécesseurs, il n’a rien fait pour la contrer et qu’il ne veut pas appeler un chat un chat, il ne fera rien, à part des déclarations indignées, des visites aux responsables religieux, des commémorations, des bougies, des fleurs etc.. Il n’y a rien à attendre de lui.

  5. AC dit :

    Réponse à Jean Cabane,Num et Michel de Guibert: Je suis entièrement d’accord avec l’éditorial de Richard Liscia.
    Revendiquer le droit à la haine raciale au nom de la liberté de pensée, comme le fait Jean Cabane, je n’aurais jamais cru cela possible. Honte à lui!
    Et pour moi, il est totalement hypocrite de prétendre qu’un antisioniste n’est pas un antijuif ou un antisémite (terme utilisé le plus souvent bien que non forcément approprié comme je l’explique plus loin dans mon commentaire). De même que rapprocher l’antisionisme de l’anticapitalisme (délicate allusion sans doute à la Banque Rothschild) m’exaspère.
    Mais je voudrais rappeler par ailleurs que si les juifs sont bien des Sémites, les Arabes musulmans sont aussi des Sémites! Et, à l’origine, les Sémites auraient été une race noire. Peut-être faut-il y voir la raison de l’amalgame fait par les racistes de tous bords (antijuifs, antimusulmans, antinoirs) et essentiellement représentés par une certaine droite et en particulier l’extrême droite dont le RN en premier lieu?
    Je crains donc, tout comme Richard Liscia, que Marine Le Pen soit en mesure de gagner les prochaines élections présidentielles. Auquel cas et si ce malheur pour notre pays devait se préciser, petite Française d’origine pied-noir ayant quitté déjà son Algérie natale, j’envisagerais très sérieusement de quitter la France!

    • Michel de Guibert dit :

      Vous avez raison concernant le terme sémite et son usage inapproprié même s’il est passé dans le langage courant.
      A cet égard, on ne peut pas dire que les Beta Israël, ou si vous préférez les Falashas aient été accueillis à bras ouverts en Israël.

      Réponse
      Il faudrait peser ses mots. Les Falashas sont arrivés par milliers en Israël à la faveur d’un pont aérien organisé par l’Etat israélien. On ne peut pas dire que le gouvernement (de droite de l’époque) se soit conduit de manière raciste. Beaucoup de Falashas se sont intégrés parfaitement, d’autres sont restés dans la précarité ou dans la misère. Je ne vois pas pourquoi il faut toujours attendre d’Israël qu’il fasse tout à la perfection. Je vous conseille vivement de voir le film « Va, vis et deviens » de Radu Mihaïleanu qui raconte l’histoire d’un enfant chrétien d’Ethiopie qui parvient à se glisser dans les rangs des Falashas et a ensuite beaucoup de mal à s »intégrer en Israël, malgré l’amour de fa maille d’accueil, tout simplement parce qu’il n’est pas juif. C’est une formidable leçon de tolérance pour les Israéliens, pour les juifs et pour tous les autres.
      R. L.

      • Michel de Guibert dit :

        Vous avez raison, Richard Liscia, de me reprendre sur le poids des mots, je n’ai pas voulu dire et je ne pense en aucun cas que le gouvernement de l’époque se soit conduit de manière raciste en organisant l’opération Moïse, mais sauf erreur, ce n’était pas un gouvernement de droite mais Shimon Peres qui était premier ministre à l’époque.
        Je ne crois pas me tromper en disant que les Falashas ont été mieux accueillis par les Juifs séfarades que par les Juifs ashkénazes ?
        Merci beaucoup pour votre conseil, vous me donnez très envie de voir ce film « Va, vis et deviens » et je vais me le procurer en DVD.

        • JMB dit :

          Il y a deux principales exfiltrations de Falashas réalisées par Israël: l’une fin 1984 – début 1985 (Opération Moïse), Peres est Premier ministre, une autre très importante en mai 1991 (Opération Salomon), Shamir lui a succédé depuis 1986.

  6. Etienne Robin, néphrologue dit :

    Clairvoyance de l’analyse, et clarté de l’exposition, merci.
    Jamais je n’aurais cru que l’antisémitisme allait ressurgir dans mon pays, jamais je n’aurais imaginé qu’il soit instillé par des intellectuels qui se disent de gauche.

  7. chretien dit :

    Très pertinente et intelligente analyse. Merci pour la réflexion que vous nous incitez à avoir.

  8. JMB dit :

    La flambée d’antisémitisme fait envisager un départ massif de Juifs notamment vers Israël.
    Le chercheur Danny Trom est interviewé sur ce sujet (Télérama). Il lui est demandé: « Est-ce le terrorisme islamique qui pousse les Juifs au départ ? », il répond:
    « On commet une grave erreur d’analyse en se focalisant sur le terrorisme… Ce que subissent les juifs, au jour le jour, c’est un sentiment de menace permanente. L’islamisme joue sa part, mais le milieu antisémite le déborde largement. Dieudonné, qui n’est pas islamiste, ni même musulman ou arabe, a fourni la synthèse la plus épurée d’un antisémitisme qui a à la fois l’oreille de populations issues de l’immigration dites post-coloniales et d’un public élargi. Son audience agrège les ressentiments.  »
    L’émission « Talmudiques » du rabbin et philosophe Marc-Alain Ouaknin consacre deux émissions à « Le marqueur antisémite: l’illusion de l’extrême-droite ». L’un de ses invités, Jonathan Hayoun, ancien leader de l’UEJF, fait un rappel édifiant sur la naissance du Front national en 1972 (il y a 47 ans). Sont diffusés des propos récents de Martin Hirsch sur France Inter. Il rapporte ceux d’un militant du FN/RN pour qui « nos principaux adversaires, ce sont les musulmans », et répond, quand lui est posé le cas des juifs, « pour l’instant, on n’en a pas besoin ».

    • Michel de Guibert dit :

      Qui a tué Ilan Halimi ?
      Qui a commis la tuerie à l’école juive Ozar Hatorah de Toulouse de 3 enfants, Myriam Monsenego (8 ans), Gabriel (3 ans) et Aryeh Sandler (6 ans) et d’un professeur, leur père Jonathan Sandler ?
      Qui a commis l’attentat de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes faisant 4 victimes ?
      Qui a tué Sarah Attal-Halimi ?
      Qui a tué Mireille Knoll ?

      Il faut arrêter avec cet aveuglement !
      Regardez où se trouve principalement l’antisémitisme aujourd’hui, regardez qui « tue du juif » en France aujourd’hui !
      Ecoutez ce que dit Alain Finkielkraut, lisez ce qu’écrit Piere-André Taguieff !

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