Du bon usage de la justice

Alexandre Benalla
(Photo AFP)

Alexandre Benalla a été placé en détention provisoire et l’homme qui a insulté Alain Finkielkraut a été arrêté. La commission des Lois du Sénat a publié aujourd’hui son rapport sur l’affaire Benalla et entend le transmettre à la justice. Elle estime que l’ancien garde du corps d’Emmanuel Macron a menti sous serment, et que des « dysfonctionnements graves » se sont produits à l’Elysée.

LE SENAT a poursuivi son enquête sur l’ancien conseiller de l’Elysée qui a fait de sa liberté le plus répréhensible des usages : il a voyagé avec des passeports diplomatiques qu’il n’aurait jamais dû posséder, il a pris des contacts avec des gouvernements africains alors qu’il n’était chargé d’aucune mission officielle et évolué dans des milieux russes qui ne sont pas tout à fait bienveillants pour la France. Ce sont les mensonges qu’il a pu faire pendant ses auditions et son étrange emploi du temps qui lui valent aujourd’hui de se retrouver en cellule. Comme d’habitude, la justice fait lentement son travail, mais elle l’accomplit jusqu’au bout.

Calcul politique.

Aussi le rôle du Sénat semble-t-il se juxtaposer à celui des juges, ce qui risque d’introduire le calcul politique dans une affaire où les délits de droit commun sont pratiquement constitués. Bien entendu, rien de ce qui se passe à l’Elysée ne peut être exclu du champ politique. On est sûr d’assister à de nouveaux affrontements entre la majorité et les Républicains (LR) sur l’importance et le rôle des commissions parlementaires. La République en marche, en tout cas, ne peut échapper à l’affaire Benalla en la repoussant d’une chiquenaude. L’homme a prouvé, aussitôt après ses premiers démêlés avec la justice et avec les parlementaires, qu’il était totalement incontrôlable et irresponsable. Il s’est livré à une sorte de fuite en avant, mélange de défi aux institutions, d’abus de pouvoir et de narcissisme exacerbé, qui rendait indispensable sa mise en détention.

Sort personnel et raison d’Etat.

Telle qu’elle est apparue au fil des révélations de la presse, et plus particulièrement celles du site Médiapart, la conduite de Benalla après sa première mise en cause a de quoi surprendre. Loin de faire profil bas, ce qui lui aurait permis de rester en liberté, fût-ce au prix de la vie médiocre dont il ne voulait pas, il s’est livré à des initiatives, comme ses voyages à l’étranger et d’apparents contrats avec des Russes, qui indiquent qu’il a réagi à la suspicion générale soulevée par ses agissements en les multipliant à l’infini. La video où il dialogue avec son ami Vincent Crase et où il déclare qu’ils sont tous deux protégés par le président et par son conseiller politique démissionnaire, Ismaël Emelien, prouve qu’il a cru à quelque chose qui relève des absurdités du rêve : que sa protection pouvait l’emporter sur la raison d’Etat.

Il va avoir tout le loisir de réfléchir à ses erreurs, qui sont colossales. Son talent de séducteur n’aura pas suffi à effacer des faits dont il a sous-estimé la gravité. Quant à établir un lien entre son comportement et l’influence qu’il avait acquise au cœur du pouvoir, c’est un procès à la fois facile à faire et plutôt inutile. Il est déjà établi qu’Emmanuel Macron et son entourage se sont laissés conquérir par le bagout d’Alexandre Benalla. Il est établi que cet homme n’avait aucune raison d’avoir des passeports officiels. Que personne ne l’a envoyé en mission à l’étranger et que peut-être son cas a été traité par le laxisme de l’Elysée. Cela ne suffit pas à constituer un dossier à charge contre le président de la République. Au moment où nous sommes confrontés à une crise politique majeure, la revendication de son pouvoir par la commission des Lois du Sénat semble quelque peu anecdotique.

RICHARD LISCIA

PS- A lire le rapport du Sénat et les commentaires incendiaires qui l’accompagnent, je comprends que la droite veut faire une affaire d’Etat de l’affaire Benalla. Dans ce cas, il faut situer le contexte électoral de ce vigoureux mais hypocrite accès d’indignation. J’y reviendrai demain (peut-être).

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7 réponses à Du bon usage de la justice

  1. Michel de Guibert dit :

    Certes, mais si Alexandre Benalla n’avait pas commis l’imprudence de faire le coup de poing place de la Contrescarpe il serait toujours conseiller de l’Elysée… seule la raison d’Etat l’a fait tomber.

    • BASPEYRE dit :

      il ne pouvait pas s’en empêcher:il se sentait trop bien protégé
      maintenant qu’il est en prison,il va peut-être nous apprendre des tas de choses!

  2. gautrin dit :

    Vous dédouanez Macron de toute responsabilité dans cette affaire qui reste une affaire hors norme au sein du pouvoir ce qui va à l’encontre de ce que l’on peut connaître du rapport sénatorial qui parle de graves dysfonctionnements de la cellule élyséenne parlant même de mise en cause de la sécurité du président. Il y avait donc cet électron libre qui se baladait en faisant ce que bon lui semblait sans que le président en soit informé …c’est un peu gros, c’est vous même qui parlez de laxisme.

    Réponse
    Ca veut dire quoi « vous même parlez de laxisme ». Cela signifie que je ne suis pas crédible à vos yeux ? Vous croyez l’être davantage en imaginant un Macron courant après Benalla pour contrôler son emploi du temps ? Je ne dédouane personne. Je dis que le Sénat en fait des tonnes et je dirai pourquoi, mais bien entendu vous n’êtes pas obligé de me lire.
    R. L.

  3. Doumé dit :

    Non le Sénat n’en fait pas des tonnes. Il fait juste son boulot et reste
    parfaitement légitime pour gérer cette commission d’enquête parlementaire.
    Ce qui dérange certains, c’est que le sénat est présidé par une majorité LR ; mais alors pourquoi l’Assemblée natîonale (LREM) n’a pas souhaité poursuivre. Les travaux de sa propre commission d’enquête ?? Cela aurait été intéressant de lire ses conclusions. En fait, outre le sort de Benalla dont tout le monde se fout, la vraie question est : que va faire la justice, et jusqu’où, à quel étage, s’arrêteront ses investigations ?
    Autant de zèle que pour une certaine affaire de début 2017 ?

    Réponse
    Bien entendu, la majorité réunit tout ce qu’il y a de pire en politique. Fillon n’a jamais essayé de s’enrichir illégalement, les frais de bouche à la Mairie de Paris et les emplois fictifs n’y ont jamais existé. LR est un parti exemplaire. Et, bien entendu, jamais LR n’essaiera d’affaiblir Macron à quelques mois des élections européennes. Vous nous prenez pour des imbéciles.
    R.L.

  4. D.S. dit :

    Je suis très choqué de la dramatisation de l’affaire Benalla. Cet électron libre a été démasqué. Il est maintenant hors d’état de nuire. Certes, l’Elysée peut être accusée de légèreté, mais comme en médecine la faute est sanctionnable, uniquement si elle a entrainé des conséquences.

  5. AC dit :

    Doumé serait-il touché par la maladie d’Alzheimer? Il oublie visiblement toutes les casseroles du LR dont de nombreuses attendent encore que la justice agisse enfin: celles de Nicolas Sarkozy, de Claude Guéant, de François Fillon…ou, en remontant plus loin au temps du RPR, les emplois fictifs au sein de ce parti (pour lesquels Alain Juppé a été condamné en 2004 à la place de Jacques Chirac avant que ce dernier le soit lui-même mais avec sursis en 2011, à la fin de ses mandats ) , les frais de bouche du même Jacques Chirac à la Mairie de Paris, etc
    Aucun parti politique n’est irréprochable et c’est bien dommage pour nombre d’électeurs qui finissent par ne plus voter « pour » mais « contre »!

    • Doumé dit :

      Tout est dit et bien dit dans cette dernière phrase ; pour moi
      l’Alhzeimer pourrait aussi être celui où celle qui a oublié les mots du
      printemps 2017, et notamment la République exemplaire, la préférence pour
      taxer les rentes et les retraites, plutôt que la Bourse. Et finalement certains
      n’ont toujours pas compris le climat social actuel et les gilets jaunes, préférant
      se réfugier confortablement dans une explication populiste des évènements.
      Désolé, mais cela me paraît un peu court comme explication.

      Réponse
      Désolé, mais les rentes et les retraites, ce n’est pas pareil.
      R.L.

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