Impôts : ingéniosité risquée

Jacqueline Gourault
(Photo AFP)

La ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, a suggéré que tous les citoyens paient l’impôt sur le revenu (IR), même s’il est minime. Sa proposition a été immédiatement rejetée par les services du Premier ministre.

LA CONTRIBUTION de Mme Gourault à une réforme fiscale qui se fait d’autant plus attendre qu’elle devient indispensable manquait de profondeur politique. La crise sociale en France a été déclenchée par le poids de la fiscalité. Nous n’avons aucune chance d’en finir avec les gilets jaunes si nous annonçons de nouveaux impôts. Le débat qui porte sur une idée peu originale est donc clos avant d’avoir commencé.  Mais, forcément, les partis d’opposition se sont emparés de la suggestion de Mme Gourault pour lancer une attaque de plus contre le gouvernement. N’oublions pas que nous sommes déjà en pleine campagne des élections européennes et que toute déclaration est aussitôt disséquée.

Une faible recette.

La ministre n’en a pas moins raison sur le fond. L’exonération de l’IR fait naturellement des 54 % des ménages qui ne paient pas l’IR des citoyens de seconde zone. Les autres contribuables les voient davantage comme des déshérités que comme des chanceux.  En outre, ne pas payer l’IR ne signifie que l’on ne paie pas d’impôts du tout. La CSG, présentée comme un prélèvement social, est en réalité un impôt sur le revenu. La TVA est un impôt auquel sont assujettis tous les citoyens. L’IR ne représente pas d’ailleurs la plus grosse recette de l’État. Faire payer ceux qui, pour le moment, sont exonérés de l’IR ne rapporterait, selon certaines études, qu’un milliard par an. Pour récupérer cette somme, il faudrait soumettre les agents du fisc à un travail d’entomologiste qui coûterait plus cher que ce qu’il rapporte. Parmi les « bonnes » idées, il y en a de meilleures que d’autres

Si les propositions de nouvel impôt abondent, c’est certes parce que le gouvernement recherche désespérément de nouvelles recettes. Il les cherche parce qu’il ne parvient pas à équilibrer le budget. Il est coincé entre une fiscalité capable d’encourager les investissements créateurs d’emplois et une autre qui doit financer la sécurité sociale et les retraites. Son dilemme est aggravé par une demi-siècle de laxisme fiscal : les gouvernements précédents ont toujours répondu à l’insuffisance des recettes par la hausse des impôts directs et indirects. La pression fiscale a fini par écraser le dynamisme économique. Depuis la crise des gilets jaunes, les idées se multiplient : retour à l’Impôt de solidarité sur la fortune, hausse des droits de succession, baisse de la TVA, baisse de la CSG. Toutes ces mesures nous renverraient à nos vieux démons et auraient une influence délétère sur la marche de l’économie. Nous ne bénéficions pas d’une croissance suffisante pour nous permettre d’effrayer les détenteurs de capitaux et les encourager à quitter le territoire national.

L’impossible réduction de la dépense.

Mais, de toute façon, notre fiscalité souffre de son obésité. L’objectif n’est pas d’augmenter les impôts, ceux des riches ou ceux des pauvres, mais de les diminuer. Le président Macron a fait beaucoup de réformes, mais il n’a pas touché à la fiscalité, sinon en transformant l’ISF en impôt immobilier. La discussion sur l’évaluation des résultats induits par la suppression de l’ISF relève d’une particularité bien française, en vertu de laquelle toute personne disposant d’économies doit en reverser une bonne partie à la collectivité. Or on ne peut pas avoir de la fortune sans avoir payé auparavant tous les impôts afférents aux revenus, qu’ils soient du travail ou du capital. L’ISF est donc par nature confiscatoire. Je veux bien que la famille Bettencourt a largement les moyens de payer à l’État quelques dizaines de millions d’euros chaque année, mais les 360 000 épargnants qui payaient naguère l’ISF n’étaient coupables que de posséder plus de un million trois cents mille euros en liquide, comptes, immobilier, bijoux, actions ou obligations.

Pour réduire la pression fiscale, il n’y a pas d’autre moyen que de diminuer la dépense publique, ce que, à ce jour, le gouvernement n’a pas commencé à faire. Son immobilisme a une excellente raison : réduire les avantages sociaux en pleine crise des gilets jaunes, cela revient à jeter de l’huile sur le feu. Faut-il mentir publiquement pour ne pas ranimer la flamme jaune ? Non. Il fait dire la vérité : tant que nous ne réduirons pas la dépense publique, nous ne diminuerons pas la pression fiscale. Ou alors, nous pouvons ignorer la dette, emprunter encore plus et dépenser l’argent que nous n’avons pas.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Impôts : ingéniosité risquée

  1. Patrice Martin dit :

    Bravo ! On ne peut que souscrire à vos propos et déplorer que le gouvernement n’ait pas commencé par le plus urgent : réduire cette invraisemblable dépense publique en supprimant une palanquée d’agences d’Etat toutes plus inutiles les unes que les autres ; en réduisant drastiquement le budget et les effectifs de celles qu’il aurait conservées ; en redéfinissant le périmètre d’un Etat devenu par trop obèse ; en remédiant à cette anomalie structurelle majeure de notre société qui fait que pour chaque agriculteur, chaque soignant, chaque enseignant, chaque policier, il faut un administratif.
    Il est probablement trop tard en effet pour que ces véritables réformes soient effectuées dans un climat social qui a été généré par l’imprudent franchissement des seuils de tolérance de la population. Celui des contribuables : au-delà de 48 % de prélèvement sur le PIB, on a une révolte sociale et on rencontre des gilets jaunes sur les Champs-Elysées. Celui des automobilistes : en-deçà de 90 km/h, les radars fixes sont détruits et on rencontre des gilets jaunes sur les ronds-points. Maintenant que les énarques le savent, que vont-ils faire ?

  2. chretien dit :

    Ils vont à la catastrophe !
    C’est à qui trouvera dans le concours Lépine qu’ils ont lancé depuis plusieurs mois et cela devant les gilets jaunes, le plus bel impôt pour y coller leur nom à la postérité, au lieu de nous faire rêver et nous proposer des idées enthousiasmantes de développement et de croissance pour la France et pour l’Europe.
    On vole bas ! « Est déjà vainqueur celui qui dans son cœur a une cathédrale à bâtir » disait Saint Exupéry. Ils vont y retenir une place de bedeau ou de chaisière!

  3. baspeyre dit :

    Avant l’euro, une feuille d’impôts coûtait 400 F,soit environ 60 euros.
    Si on fait payer 20, 30 ou 40 euros, cela n’a aucun intérêt.
    Encore une martingale socialiste, de celles qui sont toujours perdantes.

  4. PICOT François dit :

    Diminuer la dépense publique? Nos « élites » en vivent et donc ne veulent pas y toucher, ils préfèrent augmenter les prélèvements obligatoires. Mais cela commence à se voir : ils sont tels que les travailleurs les plus pauvres ne peuvent plus vivre décemment. Les gilets jaunes représentent bien une révolte fiscale, et tant que la dépense publique, donc le taux des prélèvements obligatoires, ne diminuera pas, cette révolte continuera ou reprendra, sous une forme ou sous une autre, en particulier pour une bonne raison : il n’ y a plus rien à perdre quand on a le dos au mur, et dans ce cas là on se bat. Il est à craindre que Macron durcisse son comportement devant une révolte qu’il ne parvient pas le moins du monde à mater.

    Réponse
    Nos élites ne vivent pas plus de la dépense publique que les fonctionnaires. Elles ont droit, comme tout le monde, comme vous, à un revenu. Si vous êtes retraité, vous faites partie de la dépense publique. Quant au fait que Macron ne peut pas mater les gilets jaunes, je vous donne rendez-vous aux élections européennes.
    R. L.

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