Macron l’Européen

Macron en 2017
(Photo S. Toubon)

Emmanuel Macron a fait publier hier soir dans la presse française de province et dans les 28 États de l’Union européenne une tribune libre qui correspond à son manifeste européen dans la perspective des élections du 26 mai prochain.

LE PRÉSIDENT de la République ne se contente pas d’exalter le projet européen, il s’adresse aux sérieux problèmes conjoncturels que rencontre l’intégration du continent et propose, comme pour la France, d’utiles réformes pour relancer la construction de l’Union. Il souhaite remettre à plat le traité de Schengen, de manière à partager, contrôler et peut-être limiter l’immigration, proposition qui devrait convenir aux nationalistes de tout bord. Il réclame aussi la création d’une police des frontières et un office de l’asile. Il veut interdire le financement des partis politiques par des puissances étrangères. Il entend bannir le discours de haine sur Internet. Il espère créer une banque européenne du climat, instaurer un bouclier social et égaliser les salaires dans toute l’Union, ce qui évitera certaines formes malsaines de concurrence. Il insiste sur la création d’un budget européen d’une taille comparable au budget fédéral américain. Enfin, il veut« nouer un pacte d’avenir » avec l’Afrique.

Des critiques de principe.

On dira que les intentions n’entraînent pas nécessairement des actions, mais M. Macron a pris la direction du projet européen et il le fait en tenant compte des critiques les plus virulentes des nationalistes, notamment au sujet de l’immigration. Dans les oppositions françaises, on trouve surtout des épithètes, Nadine Morano (LR) trouvant « creuse » la tribune de M. Macron (n’importe quel qualificatif aurait fait l’affaire) et Laurent Wauquiez, chef des Républicains, estimant que le président n’a pas eu un seul mot sur l’immigration. Ou bien il n’a pas lu le texte, ou bien il ne sait pas ce qu’est l’espace Schengen. Là-dessus, voilà que Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre de Chirac, annonce son alignement sur la République en marche, ce à quoi tout le monde s’attendait mais qui a tout de même son effet. Furieux, M. Wauquiez veut que M. Raffarin s’explique, lors d’une réunion des Républicains ce mois-ci et on devine qu’il y a de l’épuration dans l’air.

Plus ou moins d’Europe ?

Mais M. Wauquiez est-il bien équipé pour faire régner l’ordre au sein de son parti ?  Nombre d’élus et d’électeurs  LR pensent à rejoindre Macron. Lequel a eu raison d’opposer les nationalistes aux « progressistes » et de démontrer qu’il y a deux camps : ceux qui veulent en finir avec l’Union et ceux qui, au contraire, souhaitent la réformer pour la renforcer. Le texte de M. Macron a même été publié en Grande-Bretagne. Il est peu probable qu’il influence l’opinion britannique, mais c’est un bel effort pour rappeler aux sujets de Sa Majesté que, en choisissant de larguer les amarres, ils sont entrés dans l’expérience la plus négative de leur histoire. Le président a posé le problème dans les termes qui conviennent: il faudra que chaque parti, chaque candidat disent tout simplement s’ils sont pour ou contre l’Europe. S’ils la croient capable, en unissant ses efforts, de régler les problèmes d’immigration, de concurrence, d’équilibres financiers, et surtout s’il faut plus d’Europe.

Ce n’est pas seulement un marché.

Réagissant sur France Info ce matin, le ministre belge des Affaires étrangères et de la Défense a apporté un large soutien aux positions adoptées par le chef de l’État français. Il estime que son texte rappelle un élément essentiel de la construction européenne : ce n’est pas seulement un marché, c’est un projet né de la Seconde Guerre mondiale qui place quelques principes au cœur même de la politique des 27. Non seulement il s’agit d’empêcher les conflits militaires, mais il s’agit aussi de résoudre les crises par la négociation.  Européens, nous sommes 500 millions à faire face aujourd’hui à une horrible recrudescence de l’antisémitisme et du racisme, à une hystérisation de la politique, à des torrents de boue déversés dans les tuyaux d’Internet et à une haine viscérale qui relève maintenant du réflexe et non du raisonnement. Et nous devrions, même indirectement, flatter ces très fâcheuses inclinations ? Je crois profondément que la situation est grave, principalement parce que trop de mouvements politiques se servent du mécontentement populaire pour proposer des solutions qui tournent le dos à l’éthique la plus élémentaire et finiront par opposer chaque citoyen à tous les autres citoyens. Le mouvement des gilets jaunes, qui n’a ni projet, ni direction, ni vision, n’est pas autre chose que la frustration, le dégoût, l’aversion pour les autres érigés en programme. Une sorte de mauvaise humeur maladive, que l’on retrouve dans d’effarants commentaires de presse, menace notre vivre-ensemble. Pas difficile, dans ces conditions, de choisir son camp.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Macron l’Européen

  1. Doriel Pebin dit :

    Très bonne analyse. Qui peut imaginer que la France ou un autre pays européen seul peut avoir une quelconque influence ou poids face aux « gros » non européens qui nous menacent de façon ostentatoire ? Si Trump et Poutine cherchent à déstabiliser l’Europe, ce n’est pas pour rien. Un enfant de 6 ans peut le comprendre. Seule une Union européenne unie peut faire contre-poids. L’union fait la force comme l’ont oublié tous les populistes européens plus intéressés par la prise de pouvoir que par le « peuple ». Cela dit, l’UE doit être plus protectrice et moins naïve. Donner du sens est fondamental et nos valeurs humanistes et démocratiques européennes méritent d’être défendues, notamment un certain niveau d’équité sociale et l’égalité homme-femme. Espérons que le sens des réalités (et non l’idéologie) prévaudra lors des élections européennes. Continuez à le défendre !

  2. Lefrançois dit :

    Bravo et merci; vous avez remarquablement résumé et reformulé la réalité des priorités à comprendre dans la question de l’Europe, et donc des élections européennes, et donc des propositions de M. Macron.
    Quoi qu’en disent les (vraiment très) basses préoccupations politiciennes des « partis d’opposition » en France, M. Macron est allé à l’essentiel ; il a beau être jeune, lui (contrairement à presque tous les autres dirigeants politiques français, et beaucoup de « nationalistes » européens), a bien compris que l’essentiel est le maintien de la paix dans notre partie du monde, et que ce maintien est en grave danger.
    Bien sûr que l’Europe technocratique actuelle a grand besoin d’être réformée, mais réfléchissons un peu plus loin que le bout de notre nez, et pensons avec plus de hauteur : tout sauf la guerre.
    Et les « gilets jaunes » ne l’ont pas plus compris, eux dont une majorité des actions (et des membres) ne sont que dans des jalousies inter-personnelles et deviennent des fauteurs de guerre civile.
    Continuez de nous faire réfléchir et penser sainement.

    Dr Jérôme Lefrançois

  3. mathieu dit :

    Décidément, 55 ans après, le « cabri » sursaute toujours, « l’Europe, l’Europe »! Et après 3/4 de siècle de construction depuis la guerre, nous attendons toujours le début d’une harmonisation fiscale, sociale, politique, militaire, économique, écologique, dans un continent où il faudrait, sur chaque sujet, mettre d’accord 27 nations souveraines (et qui revendiquent toujours plus fortement leur souveraineté)…Y a du boulot!

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