Impôts : le grand désordre

Le casse-tête
(Photo AFP)

Sans doute ne faut-il pas croire tout ce que racontent les élus de la République en marche, mais ils ont au moins réussi à provoquer, au sujet de la fiscalité, une confusion, accompagnée par la vive inquiétude des contribuables, sur les intentions du gouvernement en la matière.

LA DERNIÈRE fois que j’ai traité le sujet, j’ai évoqué « l’inventivité » de nos élus. En réalité, leur imagination ne va pas au-delà de ce qui a déjà été fait, qui a été parfois abandonné et qu’ils voudraient refaire. Ils n’inventent plus, ils ressassent. Certes, ils sont guidés par les revendications exprimées dans le grand débat national et qui, elles non plus, n’ont pas la cohérence requise puisqu’on y voit la demande d’augmentation des salaires et des retraites, assorties de baisses d’impôts, dont celle de la TVA. Un néophyte dirait que, si l’enjeu budgétaire essentiel consiste à ne plus augmenter les impôts d’un seul centime, l’objectif ne sera jamais atteint. Et pourquoi doit-il être atteint ? Parce que la pression fiscale en France est la plus forte d’Europe et qu’elle affaiblit de façon considérable notre potentiel économique et commercial.

Un risque de récession.

Qu’à cela ne tienne : la REM parle d’une nouvelle tranche dans le barème supérieur de l’impôt sur le revenu, du retour de la taxe carbone, celle-là même qui a déclenché le mouvement des gilets jaunes, d’une hausse des taxes sur les successions, d’une augmentation de l’impôt sur la plus-value de la résidence principale. Une seule de ces nouvelles recettes rendrait la pression fiscale insupportable. Si elles étaient toutes appliquées, elles se traduiraient par une récession. De fait, les « suggestions » lancées ici et là par des responsables politiques ignorent totalement la nécessité nationale d’un coup d’arrêt à la hausse des taxes et impôts. De même que le grand débat a permis à tout un chacun de s’exprimer dans un joyeux désordre, de même les réponses à ces revendications échappent à toute coordination gouvernementale. On est interloqué par les idées du peuple consulté, on n’est pas rassuré par ce qu’en disent les élus.

La réforme oubliée.

De sorte que le débat risque de faire naître des espoirs qui seront fatalement déçus et entretiendront la colère populaire. Pour éviter une recrudescence de la crise sociale, le gouvernement doit se dépêcher, au terme du débat, dans quelques jours, d’annoncer les idées qu’il retient et comment il entend les traiter. Il doit tout d’abord montrer que toute augmentation du niveau de vie doit être financée, sinon par une hausse des impôts, par une réduction de la dépense publique. Cela reviendrait à transférer aux salariés une partie des sommes consacrées aux services fournis par l’État (fonction publique, infrastructures, assurance maladie, retraites). La diminution de la dépense est typiquement le dossier que le président de la République, depuis qu’il a été élu, n’a pas encore ouvert, celui où il a donc le plus de mal à faire des progrès. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que réduire certains services revient à diminuer le niveau de vie de la même manière qu’une hausse des impôts. C’est un cercle vicieux.

Le chef de l’État a voulu ce désordre. Il a voulu que les citoyens s’expriment sans réserves. Cette liberté de parole doit être partagée par tous, y compris les élus. Maintenant, il devient urgent de mettre de l’ordre dans cet écheveau immense et d’en sortir les grandes lignes. Ensuite, il appartient au gouvernement de dire ce qu’il compte faire et avec quels moyens. Aucune mesure non-financée n’est viable. Un exemple : d’aucuns réclament l’indexation des retraites sur l’inflation, ce qui correspond à la plus élémentaire des justices. Depuis la crise de 2008, les prix étaient restés stables, ce qui pouvait expliquer que les retraites n’augmentent pas. Mais à partir de la fin de 2017, année de bonne croissance, l’inflation est réapparue. Voilà pourquoi l’indexation des retraites redevient indispensable. Tout le problème porte sur le financement au moment où les efforts du gouvernement tendent à réduire ou effacer les déficits des retraites, du chômage et de l’assurance-maladie.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à Impôts : le grand désordre

  1. Sphynge dit :

     » Il a voulu que les citoyens s’expriment sans réserves. » Hormis les vrais opposants.

    Réponse
    Je n’ai jamais lu autant de textes d’une violence inouïe, Mélenchon dans Libération, Marine Le Pen presque tous les jours à la télé, Laurent Wauquiez, contre le pouvoir. Les « vrais »opposants, c’est qui, alors ? Il faut avoir une sacrée dose de mauvaise foi pour dire en ce moment que les gens ne s’expriment pas.
    R. L.

  2. PICOT François dit :

    Les gens s’expriment ,certes, mais ce qui compte est le résultat de ce débat. L’exécutif ayant prévenu à l’avance que rien ne changera de toute façon, on peut être des plus dubitatifs. Il ne change rien, effectivement, la preuve en est l’inventivité, comme vous le dites, des énarques et technocrates de tous poils qui continuent à lancer des idées « novatrices » pour augmenter nos taxes et impôts. Rien n’est laissé au hasard, même pas les abris de jardin dont le montant de la taxe vient d’augmenter, un petit exemple parfaitement scandaleux. Des gens qui ont un salaire et qui ne peuvent plus boucler leurs fins de mois en raison des prélèvements obligatoires? Aucune importance pour le pouvoir: il ne veut pas entendre. S’il ne diminue pas la dépense publique et donc les prélèvements obligatoires la révolte continuera.

  3. JULIEN dit :

    Si l’augmentation du niveau de vie ne peut pas être financée par une augmentation des impôts, elle ne peut l’être que par la réduction des dépenses publiques.
    Mais quelles dépenses ? Certainement pas la santé, ni l’enseignement, ni la justice. Peut-être par une réforme des services territoriaux dont les échelons sont trop nombreux : mairie, agglo, conseil général, conseil régional ?
    La taxation des GAFA et d’autres entreprises internationales pourrait peut-être aussi donner un peu d’air au gouvernement, mais je ne sais pas dans quelle mesure.

  4. Doriel Pebin dit :

    Soyons factuels et non émotionnels ! La pression fiscale en 2018 a été de 28.7 % du PIB, record historique (contre 25.2% en 2009 !). La France est un des pays les plus redistributeurs, n’en déplaise aux gilets jaunes et aux populistes de tout bord. Après impôts et prestations, l’écart entre les revenus des 20 % des Français les plus riches et les plus pauvres n’est que de 1 à 4 (contre 1 à 8 initialement) selon l’INSEE. Arrêtons donc les « infox » et comportons-nous en scientifiques rationnels. Il parait difficile d’augmenter encore les impôts. Les solutions sont simple,: mieux contrôler l’efficience des dépenses (en bon comptable de famille) + les réduire si elles ne sont pas ou peu utiles. Cela s’appelle le bon sens. Il serait temps que l’intérêt collectif et citoyen prenne le pas sur l’idéologie. Faut-il rappeler notre engagement éthique de professionnel de santé au service d’autrui ?

  5. Doumé dit :

    Avec la fin du grand débat on va vite voir les limites de
    ce gouvernement incapable de répondre aux problèmes de
    la France, avec une économie qui stagne, un chômage qui ne
    baisse pas en dehors de la catégorie À (celle dont on présente
    les résultats pour rassurer…), des services publics qui coûtent
    de plus en plus cher, mais sont de moins en moins performants,
    et une dette qui continue de grimper mais qu’on laisse allègrement
    déraper, tant pis pour les générations futures.
    Macron va probablement nous trouver quelques taxes pour renflouer
    les caisses, nous redire c’est moi ou le chaos. Désolé, mais
    je refuse de réduire le débat à ces deux solutions ; tous ceux qui ont
    dit c’est moi ou le chaos ont toujours vu le chaos arriver !

    Réponse
    Macron n’a jamais dit « moi ou le chaos ». La chose intéressante néanmoins, c’est que, s’il l’avait dit, il aurait eu raison. Vous serez très heureux avec Marine Le Pen comme présidente et elle n’augmentera pas les taxes, elle diminuera la dette, elle nous apportera à tous le bonheur. Et le sens de la nuance, vous l’avez ?
    R.L.

  6. chretien dit :

    La France attend : ”Acta non verba“.
    C’est vraiment maintenant que nous allons voir si Macron est un grand président ou non ?

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