Vérités fiscales

Gérald Darmanin
(Photo AFP)

Ce matin, Xavier Bertrand (président de la région Hauts-de-France) soulignait l’impérieuse nécessité de réformer la fiscalité française, considérée par tous comme un écheveau inextricable. Laurent Wauquiez, chef des Républicains, proposait pour sa part une diminution de 10 % des impôts de tous les retraités. Ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, expliquait que toute diminution d’impôts doit être compensée par une réduction des dépenses publiques.

C’EST bien connu : les conseilleurs ne sont pas les payeurs. La floraison pré-printanière des suggestions et propositions pour diminuer la pression fiscale ou donner du pouvoir d’achat aux Français aura été, à la veille des européennes, une explosion d’inventions artistiques. On a pensé à tant de solutions que le citoyen lambda, qui subit sans agir, aura été transporté de joie en pensant aux mille espoirs qu’on lui a fait miroiter. Jamais la démagogie n’est aussi déchaînée que lorsqu’il s’agit de promettre que, demain, on rase gratis. D’autant qu’elle s’appuie sur une foule de notions erronées charriées par les médias.

Une hausse d’impôts pour les pauvres ?

Parmi ces suggestions, il y a même l’augmentation des impôts, celle-là même qui n’a besoin d’aucun carburant pour progresser. Il s’agirait d’imposer ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu (IR) et devraient apporter leur contribution, fût-ce sous la forme d’une obole, au nom de l’égalité républicaine de tous les citoyens devant l’impôt. Excellente idée, sauf qu’elle consiste à jeter de l’huile sur le feu en période de gilets jaunes : ils réclament une baisse de l’impôt, on leur trouve une hausse. Pas très politique. Au demeurant, tout le monde paie des impôts, sinon l’IR. La CSG est un impôt, la TVA en est un autre. Donc le souci d’égalité doit s’arrêter quand un certain degré d’égalité est atteint.

Baisse des impôts ? Encore faut-il en payer.

Cependant, l’appel à l’IR pour tous contient une vérité dont on ne parle jamais, à savoir que 10 % des ménages paient 70 % de l’IR. Ou, inversement que 90 % des Français n’en paient que 30 %. S’il est difficile de diminuer l’impôt de ceux qui ne le paient pas ou en paient très peu, la logique voudrait qu’une baisse de la pression s’adresse à ceux qui la subissent. Dans ce domaine, il existe un politiquement correct très puissant. Il est de bon ton de reconnaître la souffrance de ceux qui échappent au fisc parce qu’ils sont trop pauvres, mais il est encore plus convenable de dire qu’il faut taper les « riches ». Qui sont-ils ? Dans la tête des gens, ce seraient tous des Pinault, Rothschild ou Bettancourt, alors qu’en réalité ceux qui ont réellement une grande fortune ne représentent que 1 % de la population. Pour eux, payer l’IR, c’est la fumée de leur cigarette. Pour les 9 % restants, la charge fiscale amoindrit sensiblement leurs revenus. L’injustice fiscale ne frappe donc pas les gilets jaunes, elle concerne en réalité ceux qui paient toujours, pour tout et dont on augmente allègrement les prélèvements chaque fois que l’Etat a besoin d’argent.

Le droit de gagner sa vie.

C’est grâce à la redistribution aux moins riches de l’argent collecté par le fisc que les inégalités sont  sensiblement lissées en France. Avant impôts, le plus riche gagne 22 fois ce que gagne le smicard ; après impôts,  son revenu n’est plus que de 5,8 fois celui du moins loti. Résultat des courses : premièrement le système est plus juste qu’on ne le prétend, il est efficace et il diminue les inégalités de façon draconienne ; deuxièmement, ce sont toujours les mêmes qui donnent leur argent au fisc, et ils appartiennent à la classe moyenne supérieure, parfois même à la classe moyenne tout court. Dans une économie de marché comme la nôtre, les gens ont-ils le droit, oui ou non, de gagner leur vie ? Ne font-ils pas, pour y parvenir, les études et les efforts nécessaires ? Ne soutiennent-ils pas les entreprises en achetant des actions ? N’apportent-ils pas de l’oxygène à l’Etat en achetant ses obligations ? N’ont-ils donc pas une double fonction, celle de travailler et de produire, mais celle aussi de participer au financement des dépenses sociales ?

La réforme doit être une réduction de la pression fiscale.

François Hollande, modérément démagogue, disait qu’on est riche à 4 000 euros par mois. S’il avait pensé aux prélèvements obligatoires que paie un revenu de 4 000 euros, il aurait sûrement monté la barre à 5 000. Le mot riche n’a de sens que pour les très riches, ceux qui ne pensent jamais à établir leur budget, à faire des comptes, à surveiller leurs fins de mois. Il y a des super riches, il n’y a pas de riches. Mais ils existent dans la tête des pauvres, ils seraient même très nombreux. Ils seraient les champions de la fraude fiscale, alors qu’il est impossible de frauder quand on touche un salaire ou une pension. Ils devraient en outre payer de nouveau l’impôt sur la fortune. Il n’empêche qu’il est injuste d’exiger d’un retraité, par exemple, qu’il paie l’ISF sous le seul prétexte qu’il a un bel appartement et des économies.

Enfin, il faut bien mettre une limite au montant des prélèvements de tous ordres quand la pression fiscale atteint en France 46,2 % du produit national brut, pourcentage de 2018 qui n’est égalé par aucun autre pays au monde. Nous en sommes au point où toute hausse des prélèvements sociaux et fiscaux devient contre-productive et dangereuse. Ce qui va à la redistribution est perdu pour l’investissement qui, lui, représente les emplois de demain. Et pourquoi ne pas le dire crûment ? Si le pouvoir n’avait craint d’être submergé par la crise sociale, il n’aurait pas annoncé 12 milliards de dépenses supplémentaires. Cette largesse, rejetée comme une aumône par les gilets jaunes, est totalement incompatible avec le plan de redressement financier du gouvernement.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à Vérités fiscales

  1. Michel de Guibert dit :

    Oui, tout le monde paie des impôts, mais l’IR proportionnel aux revenus est plus juste que la TVA ou autres impôts indirects, taxes, etc.

  2. chretien dit :

    Excellent ! Votre article est à envoyer à ceux qui nous gouvernent !
    Déjà dit ! nombreux sont ceux qui, forcés, ont vendu ou sont en train de vendre leur maison familiale pour ne pas être taxés une fois de plus. Toujours “ les mêmes qui donnent leur argent au fisc”!

  3. Patrice Martin dit :

    Cet excès de pression fiscale explique pourquoi le mouvement des gilets jaunes, initialement simple protestation catégorielle des automobilistes contre le racket d’état dont ils étaient victimes (augmentation des amendes de 2 milliards d’euros avec le 😯 km/h, de la taxe «carbone » sur les carburants, du prix des péages et approfondissement du contrôle technique, seule mesure intelligente de ce lot qui alourdissait de façon inadmissible le budget des automobilistes), s’est transformé en révolte sociale généralisée et durable, pour ne pas dire insoluble.
    Il est courageux d’écrire des propos aussi exacts que politiquement incorrects. Dommage que votre audience se limite au Quotidien.
    Réponse
    Je suis ravi de travailler pour le Quotidien.
    R. L.

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