L’angoisse du samedi

Le feu sur les Champs
(Photo AFP)

C’est le rendez-vous de tous les dangers : le gouvernement a pris, face au dix-neuvième rassemblement des gilets jaunes aux Champ-Élysées, qui a été interdit, des mesures drastiques. Elles ne sont pas rassurantes, dans la mesure où les heurts qui risquent de se produire pourraient faire des victimes.

ACCUSÉ de laxisme samedi dernier, le gouvernement a décidé un plus grand usage du très contesté lanceur de balles (LDB), une stratégie offensive destinée à éviter la casse avant qu’elle ne se produise, et surtout le recours à l’armée pour garder les symboles de la République, notamment l’Assemblée nationale et le palais de l’Élysée. « Vous êtes devenus fous ! » a crié un élu LR. Objectivement, et sans oublier que les oppositions s’efforcent d’affaiblir le gouvernement et le chef de l’État avant les élections européennes, le nouveau dispositif que ceux-ci ont choisi fait peur. Depuis le début de la crise, nous n’avons jamais eu affaire à un mouvement rationnel, de type syndical et réclamant seulement une hausse du pouvoir d’achat par des augmentations de salaires et des baisses d’impôts. S’il est vrai qu’on ne riposte à un degré excessif de violence que par la force, le raccourci sera vite fait néanmoins : le gouvernement sera tenu responsable du nombre de victimes qui pourraient figurer au bilan du 19ème rassemblement.

Une crise qui menace de durer.

Même si elle est exprimée avec une vigueur toute partisane, la critique des Républicains ne peut pas être écartée. Les dysfonctionnements de samedi dernier ne pouvaient pas se solder par le seul limogeage de trois hauts fonctionnaires ; Christophe Castaner aurait dû démissionner ; les LDB sont des armes trop dangereuses ; l’armée, qui n’utilise que des armes de guerre, pourrait faire des blessés et des morts si elle est attaquée avec  la furie démentielle de samedi dernier. Mais le traitement de la crise par le grand débat national a été une bonne idée qui a un peu calmé le jeu. Il n’y avait pas d’alternative. Partout où le pouvoir cherchait des options, il n’y avait que la répression pure et simple. L’opinion, les sondages, les discussions sur les plateaux de télévision, les solutions proposées ou inventées par l’imagination doctrinaire, comme le passage à la VIe République, ne disent rien en définitive : ce n’est pas en inventant des remèdes pires que le mal que l’on réinstaurera l’ordre démocratique. Le constat le plus simple et le plus sûr, c’est que la fin de la crise n’est pas prévisible et que le gouvernement devra continuer à se battre contre ce qui est devenu une guérilla urbaine.

Nous sommes en effet dans une phase de l’affrontement entre pouvoirs publics et minorité agissante des gilets jaunes où la population hésite. La violence la lasse, mais les revendications des gilets lui semblent normales. Le geste budgétaire accompli par le gouvernement a déjà été oublié, un peu comme si personne n’en avait entendu parler, alors qu’il a bien fallu trouver 12 milliards. En d’autres termes, il existe clairement une majorité qui se méfie des gilets tout en comprenant leurs motivations, qui réclame l’ordre sans l’obtenir et sans accuser le mouvement de provoquer le désordre. La même majorité, s’il y a des blessés ou morts après-demain, n’hésitera pas à mettre un bilan tragique sur le compte de la responsabilité gouvernementale.

Une crise injuste.

Si la crise est seulement  de nature sociale, elle est la plus injuste de l’histoire. Les milliards accordés par l’État pour améliorer le sort de ceux qui ne s’en sortent pas contribuent à la croissance et à l’emploi. Pour la première fois en vingt ans, les prévisions de croissance, à 1,4 % de PIB cette année, représenteront presque le triple de la croissance allemande, évaluée à 0,5 %. Les « inégalités sociales » encombrent plus la pensée de la gauche qu’elles ne se vérifient dans les faits. Faut-il inlassablement le répéter ? Les prélèvements obligatoires ramènent le revenu du plus riche à 5,8 fois celui du plus pauvre, alors que, avant impôts, taxes et cotisations, il est 22 fois plus élevé. Nous sommes l’un des pays les plus redistributeurs du monde, et certainement le premier d’Europe dans cette discipline. Un ménage qui a une vie confortable ne devrait même pas se livrer à la charité publique : par l’entremise du fisc, il donne déjà aux moins nantis une fraction appréciable de son revenu. L’idée de détruire tous les symboles de la richesse, bijouteries, tailleurs, restaurants et autres est la plus bête du monde. Nous ne nous habillons pas chez Hugo Boss et nous n’allons jamais au Fouquet’s. Mais nous sommes contents de savoir que, grâce à leur clientèle, souvent venue de l’étranger, des salaires sont payés, des devises sont engrangées, le climat des affaires est amélioré, des perspectives d’embauches se créent.

Enfin, même si le portrait que les oppositions font de M. Macron, de ses équipes et de son gouvernement est hideux, donc uniquement destiné à les abattre, le président de la République nous offre une perspective infiniment plus claire et positive de l’avenir que les excités qui veulent sa perte. Il ne s’agit pas de M. Macron en tant que personne, mais en tant qu’élu par le fameux « système » dont les gilets jaunes exigent la disparition en nous proposant, avec la compétence qu’on leur connaît, un joyeux chaos dont nul Français ne sortira indemne.  Il s’agit de la République et de ses « valeurs », constamment invoquées par ceux qui les respectent le moins. Avec les réseaux sociaux, nous avons assisté à une invraisemblable irruption de la vulgarité dans les rapports politiques. Maintenant, on voit se profiler, au delà de la violence, un genre de société où ne comptera que l’oukase.

RICHARD LISCIA

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à L’angoisse du samedi

  1. D.S. dit :

    Je viens de lire l’article sur le chauffeur de bus italien. Il voulait brûler le bus et les enfants qu’il contenait. Ce coup d’éclat avait pour but de défendre la cause des immigrés. En raisonnant par l’absurde, nous pourrions faire disparaitre rapidement les gilets jaunes. Il suffirait simplement de supprimer la presse et internet.

  2. admin dit :

    LL dit :
    La répression policière ne plaira pas à tout le monde; mais c’est moins grave que le laxisme et l’impression que le chaos règne.

Répondre à D.S. Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.