Algérie, nouvelle ère

Abdelaziz Bouteflika
(Photo AFP)

La démission officielle, à compter du 28 avril, du président Abdelaziz Bouteflika met fin à vingt ans de pouvoir sans partage et à 57 ans de domination du pays par le Front de libération nationale.

SOUS la forte pression de la rue, l’armée a mis un terme à la présidence Bouteflika et probablement au système qui régit l’Algérie depuis 1962, date de l’indépendance. Elle reste néanmoins l’arbitre de la situation politique et il est fort peu probable que, dans la procédure qui va être mise en route (élection présidentielle dans trois mois), elle ne cherche pas à protéger ses intérêts et ses privilèges. Toute comparaison est forcément hasardeuse mais on a bien constaté, au Venezuela, que les forces militaires continuent à soutenir Nicola Maduro (certes avec l’aide des Cubains et des Russes), et que la volonté du peuple vénézuélien n’a guère été exaucée. Bien entendu, l’Algérie est un cas unique. C’est le pays arabe et musulman où la foule a déclenché le changement, celui où des manifestations monstres n’ont engendré aucune violence ; celui  où l’éducation politique, notamment chez les jeunes et plus particulièrement chez les étudiants, est la plus développée ; celui, en conséquence, où le peuple se montre le plus méfiant à l’égard de l’oligarchie et de la hiérarchie militaire, qui savent que, si elles prennent des mesures trompeuses ou cosmétiques, la rue restera dans le mode de la protestation.

Des élections libres et démocratiques.

Ce que le peuple algérien demande, c’est ce qui doit être fait dans toute démocratie. Un pouvoir intérimaire chargé d’expédier les affaires courantes ; des élections libres, démocratiques et pluripartites ; une neutralité absolue de l’armée pendant le processus électoral ; le choix d’un président vierge de toute compromission, avec un parti composé de nouveaux venus qui n’ont pas trempé dans les combines de naguère. C’est en réalité une tâche énorme, mais à la mesure de ce peuple qui a donné, en ces temps très troublés, une immense leçon de sagesse au reste du monde. Il est d’abord extrêmement difficile de trouver des candidats qui n’aient pas un passé politique. Il existe un risque de pléthore de candidats et de mouvements, de recoupements de programmes, d’un débat national dont la floraison serait cent fois celle du débat français, avec la part inévitable du déraisonnable. Il n’est pas aisé d’entrer en démocratie après tant d’années d’apathie politique. Il n’est pas aisé d’oublier les tâches spécifiques qui relèvent de la compétence algérienne, comme sa participation à la lutte contre le terrorisme et sa contribution à l’ordre dans le Sahara et à ses frontières. Il n’est pas aisé de préférer les principes républicains au nationalisme algérien, qui n’a cessé de jouer un rôle, dans ses relations avec le monde arabe, plus particulièrement avec le Maroc, et avec l’Europe.

Le choix d’un destin.

Cependant, insister sur les difficultés qui vont jalonner la voie choisie, c’est accueillir avec un pessimisme excessif des changements déjà puissants et historiques. Les Algériens sont un modèle, ils méritent qu’on fasse confiance à leur vigilance. Ils ont déjà démontré que, sans la moindre violence, ils ont fait plier le pouvoir et l’armée. Ils ne seront pas dupes de l’enfumage auquel les militaires risquent de se livrer. Ils ne sont pas rentrés chez eux. Ils continuent à exiger non pas des décisions superficielles, mais un changement de fond qui ne peut se produire que si les hommes qui détiennent les clés du pouvoir disparaissent et si l’armée, comme elle le prétend, se met enfin au service du peuple, conformément à une disposition qui est gravée dans la Constitution algérienne. L’Algérie est en passe de définir son destin grâce à une avancée démocratique que rien, dans le monde arabe actuel, ne favorise. Le tableau offert par la quasi totalité des pays arabo-musulmans, au lendemain d’un « printemps » dont ils auraient pu faire l’économie, est plutôt désastreux sur tous les plans, et notamment celui des droits de l’homme. Non seulement l’Algérie est en passe de donner l’exemple au monde arabe, mais elle peut créer au nord de l’Afrique un État fort et libre, capable de faire rougir de honte quelques « démocraties » européennes plutôt brinquebalantes.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Algérie, nouvelle ère

  1. Sphynge dit :

    Situation effectivement pleine de promesses ! Mais que l’armée ne s’éloigne quand même pas trop du pouvoir aussi longtemps que tout danger islamiste n’est pas définitivement écarté.

  2. mathieu dit :

    Une démocratie modèle au Proche-Orient, exemple pour l’Occident, pourquoi pas ? Allah vous entende! Ce serait alors une grande première.

    • Michel de Guibert dit :

      Le Maghreb (le Couchant en arabe), ce n’est pas vraiment le Proche-Orient !
      Vous avez confondu avec le Machrek (le Levant, l’Orient)…

      • mathieu dit :

        S’il le faut, je suis près à étendre cet orient, et traverser deux continents, de l’Atlantique africain au Pacifique pour y trouver une démocratie modèle! (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Arabie Saoudite, Iran, Irak, Afghanistan, Turquie, Chine… et j’en passe).

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