Un président récusé

Macron dans un débat
(Photo AFP)

Emmanuel Macron est en Corse. Il achève ainsi une longue tournée nationale qui lui aura valu de nombreuses interpellations marquées par la colère et le ressentiment.

L’ATTITUDE des nationalistes corses aura contribué à faire de cet épilogue le symbole d’une incompréhension absolue entre le président de la République et une partie de ses concitoyens. Il est récusé quand il s’exprime, il est récusé après et avant de parler. Les gilets jaunes, les Corses, une forte fraction de ses concitoyens ne veulent même pas savoir ce qu’il a à dire. La presse compte ses échecs et ses erreurs, sans guère se soucier d’introduire la notion d’équilibre dans ses jugements. J’ai encore entendu hier, dans la bouche d’un confrère habituellement très avisé, que Macron n’avait rien fait, et personne ne l’a repris sur ce point. Rien ? Faut-il rayer d’un trait de plume les réformes déjà accomplies et celles qui arrivent, comme celle de l’Etat et de la fonction publique, celle des retraites et peut-être celle de la Constitution ? N’a-t-il pas, à ce jour, maintenu l’économie dans un état relativement bon, notamment si on le compare à celui de l’Allemagne ? A-t-il seulement diminué les dépenses sociales ? Non, il a augmenté le pouvoir d’achat, selon toutes les statistiques. Quand on veut tuer son chien…

Agacement national.

De toutes parts, sont poussés des soupirs, parfois des cris, d’agacement. Ce débat national est trop long. Il est interminable. Il ne sert à rien. Macron n’en tirera pas les leçons qui s’imposent. Mais, me semble-t-il, personne n’est obligé de participer aux rencontres, personne n’est forcé de les suivre dans les médias, personne n’est contraint de les commenter. Dès lors, comment se fait-il que des centaines de milliers de personnes aient apporté leur contribution ? Comment se fait-il que le pays ait eu la sensation d’un répit, d’une pause propice à la réflexion et à l’analyse ? Comment se fait-il qu’à la popularité du débat, les oppositions de toutes sortes, partis politiques, enragés de la subversion, presse qui ne croit trouver sa vocation que dans l’insolence, le déni et la cruauté, se contentent de nier le moindre intérêt à l’exercice avant même qu’il ne soit terminé et quoi qu’il en ressorte ?

Non à la crise de régime.

Et qu’importe, après tout que le chef de l’exécutif ait trouvé dans le débat la meilleure idée pour sortir de l’ornière profonde où l’a jeté la crise sociale. N’est-ce pas de bonne guerre ? N’est-ce pas le réflexe qui lui a permis de se maintenir au pouvoir ? Si on attend de lui que, cédant aux vociférations incessantes de la haine, il s’en aille et nous abandonne aux ambitions exprimées par les surexcités, les extrêmes de droite et de gauche, et ceux qui font métier d’être ennemi, destructeur et tueur, on se trompe. Par devoir ou par intérêt personnel, et parce qu’il a entre les mains les instruments institutionnels de sa survie, il ne va pas faire plaisir à ses adversaires et provoquer une crise de régime.

Les erreurs de communication de la majorité et du président ont été multiples, graves et répétitives. Elles expliquent en partie la vigueur négative des réactions. Dans la critique existe un non-dit périlleux : récuser le chef de l’Etat, c’est ouvrir quelle voie qui va vers quel résultat ? Tout se passe comme si chacun a fait sien le programme de la France insoumise. Les gens ordinairement les plus raisonnables ne semblent pas se rendre compte qu’à soumettre M. Macron à ce tir de barrage, ils s’associent à ceux qui réclament sa destitution et une VIe République. Qu’ils prennent leurs responsabilités, qu’ils disent sur les plateaux vers quel destin incertain ils nous entraînent, vers quelle abomination coûteuse et irréversible leurs propos pontifiants nous conduisent. Qu’ils fassent un peu de synthèse après l’analyse et nous expliquent comment un changement de régime expurgerait la France de ses maux.

Libéral et social.

Qu’ils regardent autour d’eux et, avant de gémir sur le sort du pays, qu’ils le comparent à des démocraties semblables. Qu’ils disent enfin la vérité sur ce Macron si libéral qu’il n’a pas réduit d’un iota la dépense sociale. Qu’ils disent que les gilets jaunes n’ont pas bénéficié de la prime défiscalisée de cent euros par mois. Qu’ils réaffirment que la prime des entreprises n’est ni suffisante ni utile. Qu’ils aient le courage de prétendre que la suppression de la taxe d’habitation pour les moins riches n’a pas amélioré leur pouvoir d’achat. Qu’ils éliminent le paradoxe d’une critique infondée, non appuyée sur les chiffres. Qu’ils admettent que, s’ils hurlent à l’impéritie de ce gouvernement, c’est d’abord pour se rendre intéressants et pour rester, comme d’habitude, et conformément à tout ce qu’il y a de conventionnel en France et que Macron essaie de changer, les observateurs impavides, les béni-oui-oui de l’expertise et les conformistes du politiquement correct.

Ils se hâteront bientôt de dire que ce président, comme ses prédécesseurs, n’a aucune chance, qu’il ne fera qu’un mandat, qu’il échouera et même, sur toute la ligne. En réalité, d’ores et déjà, il a posé les bonnes questions et apporté un certain nombre de réponses. Il laissera donc une trace tandis que la crise des gilets jaunes sera mentionnée en quelques lignes dans les manuels.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Un président récusé

  1. dominique dit :

    Très bonne analyse que je partage pleinement. Pays de plus en plus imprévisible et difficile à gérer ! Les moins critiqués sont ceux qui ne font rien, endettant le pays depuis des décennies, ne réformant rien, tout en sachant qu’il serait urgent de le faire. Place au bon sens et à la lucidité … avant qu’il ne soit trop tard !

  2. D.S. dit :

    Quand je lis Richard Liscia, je me sens normal. Quand je discute des GJ en famille, je me sens normal. Idem, quand je discute avec les collègues. Alors d’où vient cette discordance entre nos impressions et le résultat de certains sondages? Comme pour le Brexit, that is the question.

  3. AirGiAime dit :

    Le Français est un animal particulièrement égoïste :
    – il est écologiste, mais il ne veut ni renoncer à sa voiture, ni qu’on implante des éoliennes sous ses yeux.
    – Il veut payer moins d’impôts, mais tout ceux qui gagne plus que lui doivent en payer plus.
    – Il veut moins de fonctionnaires, mais il refuse qu’on ferme son école, son hôpital, sa poste etc..
    – il veut manger bio et français, mais continue d’acheter des kiwi importé d’Amérique du sud en plein hiver et le bio c’est trop cher.
    Etc, Etc…
    Le français finira donc avec une dictature d’un parti extrémiste, d’un coté ou de l’autre, qui sera tôt ou tard obligée de prendre des mesures drastiques et saura les faire respecter manu militari.
    C’est pour cela qu’ils sont extrême !
    Est-ce la seule solution pour traiter l’extrême égoïsme du français ?

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