Retraites : le faux débat

Delevoye, Macron, Ferrand
(Photo AFP)

Le gouvernement se trouve pris en tenaille entre ceux qui ne veulent pas entendre parler de la prolongation des carrières et ceux qui en font l’instrument d’une bonne réforme des retraites.  En réalité, la question ne se pose pas.

LA RÉFORME doit instaurer une retraite à points qui remplacera le système par répartition. Chaque actif cotise selon ses revenus et ses versements sont complétés par l’entreprise qui l’emploie. Quand il souhaite prendre sa retraite à 62 ans, âge légal du départ pour le moment, il fait le compte de ses points qui, convertis en euros, lui donneront une idée très précise de la pension qu’il va toucher chaque mois. S’il estime que le compte n’est pas bon, il peut continuer à travailler. S’il pense que sa pension est suffisante, il s’en va. On voit bien, dans ce schéma, que l’âge de départ n’intervient pas, que ce qui compte, ce sont les points accumulés. Bien entendu, Jean-Paul Delevoye, le Monsieur Retraites qui négocie la réforme avec les syndicats, s’en tient à la retraite à 62 ans. C’est quand même une position qui ne résiste pas à la perspective d’un financement insuffisant et c’est pourquoi des voix, au gouvernement, se sont élevées pour que les carrières professionnelles soient prolongées.

Un levier pour faire des économies.

M. Delevoye, pour parvenir à un accord, voudrait bien qu’on cesse de lui rappeler cet obstacle et demande qu’on le laisse faire. Sans doute pense-t-il, lui aussi, que, pour éviter de jeter de l’huile sur le feu, il suffit de feindre que le problème du financement ne se pose pas ou qu’il se posera plus tard, et on avisera alors. Mais la réforme des retraites, qui vise à unifier les 42 régimes existants et supprimer (mais oui) les régimes spéciaux n’a pas pour seul objectif de mettre de l’ordre dans le maquis des systèmes et de réduire leur coût. Elle peut être conçue comme un puissant instrument d’économies collectives. Un salarié qui travaille un an de plus après 62 ans continue cotiser et ne perçoit aucune pension. L’économie est double et l’État peut engranger des milliards, qui seront les bienvenus quand les gilets jaunes de 2025 réclameront de nouvelles largesses. À cet égard, l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique) a demandé aujourd’hui au gouvernement de prolonger les carrières, tout en lui suggérant de diminuer les impôts pour relancer la croissance.

La qualité de vie des seniors s’améliore.

Or le monde d’aujourd’hui est peuplé de gens qui, grâce à une médecine efficace et des dépenses maladie élevées, bénéficient non seulement d’une longévité accrue mais d’une qualité de vie remarquable qui leur permet d’accomplir des tâches avec compétence et, surtout, avec l’expérience que n’ont pas les jeunes. Il est vrai que cette vision n’inclut pas la fatigue accumulée dans une carrière manuelle, maçon ou manutentionnaire ; il est vrai que l’incroyable résistance du chômage dans notre pays fait craindre, dans la cadre de la prolongation des carrières, un chômage massif des seniors, surtout s’il n’y a pas le relais immédiat de la retraite. Mais les projections démographiques montrent qu’il y aura de moins en moins de monde sur le marché du travail à l’avenir. La société française risque alors de manquer de personnels au lieu d’en avoir trop.

Ligne de crête.

Les syndicats se battent, avec raison, sur la ligne de crête des 62 ans, parce qu’ils craignent de trahir ceux de leurs concitoyens qui seraient perclus de rhumatismes à cet âge-là et toucheraient, en plus, une pension misérable. Ils se battent pour assurer à ces personnes, hommes ou femmes, une pension convenable dès 62 ans, même si le financement de cette générosité est difficile à trouver. Ils ne font pas de la retraite un système capable d’accumuler des fonds importants. Ils exigent une forme d’égalité entre la cadre supérieur qui a eu une vie professionnelle agréable et l’ouvrier harassé par les difficultés de la vie. Leur contribution est essentielle. Ce qu’il faut donc, c’est personnaliser les cas et reconnaître à un certain nombre de professions le droit de partir à la retraite à 62 ans à taux plein. Il n’en serait pas de même pour les employés et les cadres, moyens et supérieurs. Ceux-là, de toute évidence peuvent travailler deux ou trois ans de plus.

RICHARD LISCIA

 

 

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4 réponses à Retraites : le faux débat

  1. Sphynge dit :

    « Or le monde d’aujourd’hui est peuplé de gens qui, grâce à une médecine efficace et des dépenses maladie élevées, bénéficient non seulement d’une longévité accrue mais… » Merci pour elle, mais c’est très optimiste. Oui, la médecine joue un rôle dans l’allongement de la durée de la vie, principalement par le développement de l’hygiène et des vaccinations. Mais ce n’est sans doute pas la cause principale : les espèces sauvages connaîtraient un allongement proportionnellement du même ordre de grandeur !

    Réponse
    Formidable commentaire en vertu duquel la médecine fonctionne sans fonctionner tout en fonctionnant.
    R.L.

    • Sphynge dit :

      Pardon, il me paraissait pourtant très clair : la médecine joue un rôle, mais probablement pas le rôle principal suggéré dans l’article !
      Répon se
      L’art du dernier mot.
      R. L.

    • Michel de Guibert dit :

      L’augmentation de l’espérance de vie doit moins à un accroissement de la longévité qu’à une réduction de la mortalité infantile.
      Au XVIIème siècle, la mortalité infantile avant l’âge d’un an était d’environ un enfant sur trois, mais Fontenelle mourut dans sa 100ème année…
      Petite anecdote à propos de Fontenelle : à une femme, âgée de quatre-vingt-dix ans, qui disait à M. de Fontenelle, alors âgé de quatre-vingt-quinze : « Je crois que la mort nous a oubliés.», M. de Fontenelle répondit : « Chut ! » en mettant le doigt sur sa bouche.

      • JMB dit :

        Au début du XVIIIè siècle, la dernière reine d’Angleterre de la maison Stuart, Anne, (morte en 1714), eut 17 enfants. Celui qui eut la plus grande longévité vécut 11 ans. Elle n’eut donc pas d’héritier direct et George I de la dynastie de Hanovre lui succédera.
        Délicieuse anecdote autour de Fontenelle, un homme d’esprit.

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