Paris, le cœur brûlé

La flèche détruite par le feu
(Photo AFP)

L’incendie de Notre-Dame de Paris, assez grave pour avoir ajourné le discours du chef de l’Etat, semble avoir été maîtrisé pendant la nuit de lundi à mardi, mais ses ravages sont considérables.

LE DESASTRE, cela a été répété par tous, ne concerne pas que les catholiques, pas que les Français, pas que les Européens. Il a une dimension planétaire et son retentissement fait penser, dans des circonstances pourtant très différentes, à l’assaut contre les tours de New York, il y a 18 ans. Notre-Dame de Paris, en effet, représente, aux yeux des Français et de tous ceux qui se considèrent comme citoyens du monde, l’un de ces chefs d’œuvre si puissants qu’il alimente l’enthousiasme des gens les plus rebelles, les plus athées ou les plus fermés à l’art et à la beauté. C’est certes un don de la France à Dieu, mais c’est également un témoignage du génie humain, par l’audace de son architecture, par le foisonnement indescriptible de ses envolées de pierres, de sculptures, de gargouilles, son abondance de figures ésotériques, la multiplication à l’infini des objets d’art qui recouvrent ses impériales structures.

La double incrédulité.

Le premier réflexe populaire a été celui de l’incrédulité. Il a fallu deux siècles pour bâtir la cathédrale et elle trône au bord de la Seine depuis plus de huit siècles. A nos yeux, elle était en quelque sorte indestructible, au même titre que la tour Eiffel, que le Sacré-Cœur, que le Trocadéro, la place de la Concorde ou celle de la Bastille. De même que les bâtisseurs, au douzième siècle, étaient ébahis par leur propre exploit, de même les Français d’aujourd’hui ne parviennent pas à croire qu’ils ont été privés de l’un des plus beaux de leurs monuments. Notre-Dame, pour les chrétiens et pour tous les autres, c’est Paris.

Le chagrin des Français

Et le public parisien n’a pas assisté, en rongeant son frein, à la destruction de Notre-Dame par le feu, sans éprouver un immense chagrin. Le rationalisme nous commande pourtant de ne pas croire aux solutions de facilité, par exemple le recours aux bombardiers d’eau dont l’action aurait pu être fatale à la cathédrale. De compter ce qui a été sauvé, reliques et œuvres d’art, plutôt que ce qui a disparu. Mais il faut aussi être réaliste : le feu n’a pas épargné les vitraux et les trois rosaces construites au XIIIe siècle. Il a détruit la flèche, plus récente, comme fétu de paille. Il a ravagé la charpente sur plus de cent mètres. On ignore dans quel état se trouvent les trois orgues, dont le plus grand comprend 109 jeux et 2 000 tuyaux. Les deux beffrois ont été sauvés et, sans préjuger des résultats de l’enquête en cours, il semble bien que le feu se soit déclaré dans l’échafaudage construit justement pour rénover la cathédrale.

Une souscription nationale.

De même, ce n’est pas la première fois qu’un monument national est livré aux flammes. Il suffit de se souvenir des précédents, aucun n’ayant la gravité de Notre-Dame de Paris : le Parlement de Bretagne (1994), le Palais de Chaillot (1997), le Château de Lunéville (2 000), le Logis royal du château d’Anjou, bâti au XIIIe siècle, l’Hôtel Lambert, à Paris, et l’Hôtel de Ville de la Rochelle, tous deux détruits en 2013.

Ce qui est sûr, c’est qu’un sursaut national assurera la reconstruction annoncée dès hier soir par Emmanuel Macron, qui s’est rendu sur place. Il est probable qu’une souscription nationale sera ouverte. Le riche industriel François Pinault a pris l’engagement de verser 100 millions d’euros. D’autres richissimes personnages font de la surenchère. Nous avons le cœur gros, mais de bonnes raisons d’espérer. Il faudra des années pour rendre à Notre-Dame sa splendeur millénaire.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Paris, le cœur brûlé

  1. Gasser dit :

    Notre-Dame est l’âme de tous : ne la négligeons plus.

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