Macron : feu de tout bois

Une réaction fulgurante
(Photo AFP)

Emmanuel Macron a prononcé un discours hier soir pour encourager les Français à s’unir dans l’immense projet de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Des fuites ont permis de connaître les principales mesures sociales qu’il entend annoncer dans les jours qui viennent.

PERSONNE ne doute de la sincérité du président quand il partage la consternation populaire à propos d’une perte, la semi-destruction de Notre-Dame, durement ressentie par ses concitoyens. Il a répondu au malheur avec sa spontanéité et sa vivacité habituelles, renonçant sans hésiter à la séquence télévisée de son grand discours social, se rendant sur place et déclenchant, par ses fervents commentaires, une vague de générosité sans précédent qui permet déjà aux bâtisseurs de compter déjà sur 800 millions d’euros, et même, affirme-t-on, un milliard.

Il l’a fait aussi pour saisir, comme il en a l’habitude, une occasion historique, ce qui est certes le propre des leaders, mais qui devient chez lui une seconde habitude. Aurait-il lu son texte devant le petit écran qu’il se serait ridiculisé. Ce qui n’empêche pas les gilets jaunes de dénoncer la dépense d’un « pognon de dingue » (Ingrid Levavasseur), vite trouvé pour réparer une église mais jamais disponible pour les pauvres. On se refusera à ce parallèle qui ne tient nullement compte de l’émotion des Français et ramène tout, y compris le sacré, à une groupe minoritaire, mais, au fond, les gilets ne sont pas les seuls, ici bas, à sombrer dans la démagogie.

Le secret est éventé.

Si  M. Macron a voulu différer son discours, c’est raté. Plusieurs médias se sont emparés du texte et l’ont diffusé largement. L’Elysée a refusé de confirmer ce qui a été publié et voilà le président contraint soit de chercher d’autres mesures, uniquement pour démentir les révélations, soit de les confirmer dans un « moment » politique qui risque fort de tomber à plat. M. Macron proposerait une baisse de l’impôt sur les revenus les moins élevés (jusqu’à ceux de la classe moyenne et la baisse pourrait être de 10 %), la réindexation des petites retraites jusqu’à 2 000 euros par mois, le réaménagement de l’ISF en 2020 après une évaluation, la suppression de l’ENA (peut-être la décision la plus révolutionnaire) et le recours à des référendums locaux, mais pas au RIC, référendum d’initiative citoyenne, exigé par les gilets jaunes. On voit déjà qu’il propose le type de consultation que ne demandent pas ses détracteurs, on n’est pas convaincu que ces mesures coûteuses calmeront la colère des gilets, et on  doute que leur financement soit assuré par la seule suppression d’un certain nombre de niches fiscales. Si, par exemple, il s’agit de fiscaliser l’aide sociale à domicile, les personnes âgées se révolteront.

Les manifestations continuent.

Est-il licite de commenter des mesures qui ne sont pas certaines ? En tout cas, elles ne surprennent personne, elles sont dans la droite ligne des divers ballons d’essai lancés par le gouvernement, elles relèvent du possible (M. Macron aurait dit qu’il poursuivrait les réformes et ne serait pas affecté par une dépense excessive) et elles ont leur cohérence. Laquelle est en contradiction avec l’objectif politique du plan, censé représenter l’instrument du retour à la paix sociale. Avant le discours qui n’a pas eu lieu, les gilets jaunes disaient qu’ils n’en attendaient rien. Samedi, nous aurons droit à une nouvelle démonstration de force dans les grandes villes avec les risques de dérapage que l’on connaît. Le pouvoir exécutif est pris dans une nasse d’où il ne parvient pas à sortir, et lorsque M. Macron se sera exprimé, il aura abattu, en quelque sorte, sa dernière carte. Souhaitons alors que la colère des gilets les incite à former une liste aux élections européennes. Une telle liste aura l’immense avantage d’affaiblir d’un ou deux points le résultat du Rassemblement national et de creuser l’écart avec celle de la République en marche, qui a une bonne chance d’arriver en tête.

Nous en sommes donc là : une crise politique sans précédent a secoué la République, mais nous assistons à la répétition de 2017, rendez-vous électoral où les deux seules forces qui s’opposèrent furent la REM et le Front national. La différence, c’est que, chaque jour, la France est de moins en moins gouvernable.

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2 réponses à Macron : feu de tout bois

  1. Sphynge dit :

     » La différence, c’est que, chaque jour, la France est de moins en moins gouvernable. » Et oui, et l’on voit mal comment cela pourrait changer aussi longtemps que les gouvernants ne jouiront que de cette légitimité de pacotille que leur assure 25 % du corps électoral qui les choisit vraiment. Et cela semble être sans solution, sauf événement historique majeur, perspective peu réjouissante.

    Réponse
    La France ne sera plus gouvernable avec un scrutin proportionnel qui rétablira le régime des partis. La constitution de la Ve est la seule qui puisse assurer la stabilité politique.
    R. L.

  2. D.S. dit :

    Sphynge a une curieuse façon de penser. Croit-il vraiment que les 25 % d’électeurs du premier tour adhèrent à 100 % au programme de Macron? Croit il vraiment que les 75 % restants sont totalement opposés à ce programme ? Nous avons, en France, 60 millions d’avis différents. Il faut simplement trouver le président dont les idées correspondent au plus grand dénominateur commun.

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