Le cas Loiseau

Loiseau en campagne
(Photo AFP)

Chef de file de la majorité République en marche aux élections européennes, Nathalie Loiseau, ex-ministre des Affaires européennes, avait trouvé une fonction à laquelle elle était préparée. Un grain de sable a enrayé sa machine : la révélation, par Médiapart, site d’extrême gauche, que, lorsqu’elle était étudiante à Sciences Po, elle figurait, lors d’une élection estudiantine, dans un groupe unitaire de la droite comprenant des éléments d’extrême droite.

Mme LOISEAU a d’abord traité cette attaque par la dérision, puis a reconnu les faits en les attribuant à une « connerie » de jeunesse. Son franc-parler suffit-il à la dédouaner ? Comme dans des cas précédents, à propos de Richard Ferrand à l’Assemblée nationale ou de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, la consigne gouvernementale a été de faire le dos rond, de minimiser des faits  peu incriminants, d’attendre que l’orage passe. Pour le moment, elle est soutenue par le Premier ministre et par le président. Ils savent pourtant, par expérience, que l’opposition ne va pas lâcher l’affaire tant qu’elle n’aura pas complètement discrédité Nathalie Loiseau, et que, à un mois des élections européennes, leur passivité peut se révéler contre-productive, pour ne pas dire dangereuse.

Une guerre incessante contre la majorité.

Ils s’appuient sur le comportement de Médiapart qui, certes, a levé plus d’un lièvre et a eu la peau de quelques adversaires politiques, mais presque toujours à droite ou dans la majorité, comme si la gauche et l’extrême gauche, pour leur part n’avaient jamais rien à se reprocher et ne méritaient pas qu’on fouillât dans leurs affaires. Sous la direction d’Edwy Plenel, et sous le couvert de la liberté d’expression, Médiapart poursuit un combat politique bien plus que la recherche de la vérité. Mais, dans l’affaire Loiseau, la principale intéressée a admis les faits qui, pour pardonnables qu’ils soient, n’en freinent pas moins la dynamique de sa campagne. Les quatre semaines qui viennent risquent d’être empoisonnées par une querelle factice où les agresseurs multiplieront les quolibets et les mauvais coups et les agressés passeront leur temps à se défendre. Au lieu de traiter, comme il se doit, des questions européennes, qui méritent mieux qu’une bataille politicienne de mauvais goût.

Les progrès de LR.

Or il se trouve que l’enjeu du scrutin est particulièrement important cette année. C’est le premier test électoral depuis les élections générales de 2017, qui ont porté Emmanuel Macron au pouvoir, avec une majorité écrasante ; jusqu’à présent, on ne pouvait pas écarter la thèse que, comme au second tour de la présidentielle de 2017, le match aurait lieu entre la REM et le Rassemblement national ; tous les sondages montrent que la REM dispose d’une avance de 1,5 points à 3 points sur le RN ; cependant, depuis deux ou trois semaines, la liste des Républicains fait des progrès et elle est passée de 10 % à 14 %, ce qui n’est pas du tout négligeable. Toute la question est de savoir si LR va encore progresser, atteindre la barre des 20 % et devenir le troisième larron du match. Si LR retrouve un score supérieur à 20, c’est la REM qui en pâtira.

Si l’affaire Loiseau n’en est pas une, le contexte est extrêmement sérieux. La majorité actuelle dispose, avec les européennes, d’un instrument utile pour confirmer sa légitimité. Il lui suffit d’arriver en tête et de battre à la fois le RN et LR. Ce ne serait pas la première fois que le cours d’une élection serait modifié parce qu’un ou plusieurs candidats butent et chutent sur une affaire qui le ou les décrédibilise. Le président de la République, à qui on adresse de si nombreux reproches, nous a prouvé à plusieurs reprises qu’il n’a pas le défaut de pusillanimité. En traitant par le mépris, le sourire ou l’indifférence une attaque venimeuse, il a souvent triomphé de ses adversaires. Le peut-il cette fois encore ? Je reconnais que, s’il demande à Nathalie Loiseau de démissionner et qu’elle est remplacée, tout le monde s’empressera de dire qu’il a cédé à la panique. Cependant, d’autres affaires ont montré que, si on laisse s’infecter une plaie, on risque l’amputation, comme ce fut  le cas pour l’affaire Fillon, laquelle est en train de trouver son dénouement devant la justice : l’ancien Premier ministre et sa femme vont passer en correctionnelle.

Le risque, pour la REM, de perdre un atout.

Bien entendu, Nathalie Loiseau ne court pas ce risque. Elle n’a commis aucun délit. Et pour aller chercher dans les tréfonds de sa jeunesse l’erreur de jugement qui lui est reprochée 37 années plus tard, il fallait toute la malveillance systématique et organisée dont le site de M. Plenel est capable. Mais il faut bien mesurer ce qui compte vraiment dans cette affaire : malgré toutes les agressions lancées contre ce gouvernement et cette majorité, la République en marche était fort bien placée pour remporter les élections européennes. Si, en définitive, elle n’arrive qu’en second, ce ne sera même pas une première fois puisque le Front national a gagné les européennes de 2014. Une victoire de la REM renforcerait toutefois M. Macron face à ses nombreux détracteurs. Elle lui permettrait de traiter la crise ouverte par les gilets jaunes avec, peut-être, une efficacité plus grande. Elle lui permettrait d’achever son mandat dans une atmosphère moins électrique et, surtout, elle renverrait le RN à sa déprime chronique.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Le cas Loiseau

  1. BASPEYRE dit :

    Bof !
    Mitterrand a bien porté la francisque.

  2. Bulté dit :

    Je ne soutiens absolument pas Mme Loiseau, mais combien de responsables politiques ont été maoïstes dans leur jeunesse? Donc aucune raison d’en faire une affaire dans le contexte des élections européennes.

  3. Bensid dit :

    Et Plenel a bien été (est) trotskiste ! Quand on sait tout le mal qu’ont fait ces gens là derrière le rideau de fer …

  4. mathieu dit :

    La « révélation » peut même rassurer certaine aile droite de LREM, qui aurait pu craindre le laxisme et l' »immigrationnisme » du président!

  5. Th Bodin dit :

    Et Marcel Déat, socialiste puis pétainiste comme Pierre Laval. Doriot, communiste puis collabo, Faure gaulliste puis mitterrandiste. Jospin, trotskyste puis socialiste, Lalonde, écologiste puis vhiraquien, Kouchner socialiste puis filloniste, comme Jean-Marie Bockel ou Eric Besson. Jean Luc Romero UMP, puis radical valoisien puis socialiste, moins de changement de veste pourtant qu’un Jean-Piere Soisson ou pire qu’Olivier Stirn, UDR, puis RPR,puis UDF,puis UC, puis MRG, puis PS, puis MDR, puis chiraquien avant de soutenir Sarkozy. Etc.
    Mais Edwy Plenel lui-même n’était-il pas à la LCR ?

    Réponse
    Je crains qu’il n’y soit encore.
    R.L.

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