Un courage hors de prix

Cedric de Pierrepont et Alain Bertoncello
(Photo AFP/ Marine nationale)

Une cérémonie a lieu aujourd’hui aux Invalides pour honorer les deux soldats tués pendant une opération de libération de trois otages détenus par des terroristes au Burkina Faso.

ON A BEAU connaître les risques de la guerre, on trouve toujours injuste, et même insupportable, que des militaires français engagés dans ce conflit bizarre avec des ennemis qui sont plus brigands que guerriers, soient tués. Pour leurs proches, mais aussi pour tous leurs compatriotes, c’est une perte terrible et inacceptable. Le gouvernement leur rend un hommage triste et sobre, car il ne souhaite pas en faire un débat en pleine campagne des élections européennes. Mais le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, et le chef d’état-major des armées, François Lecointre, ont livré le même message : la France ne renonce jamais à récupérer ceux de ses citoyens qui sont pris en otage. Quel qu’en soit le prix.

Pourquoi ils ont dû se sacrifier.

Cette fois, le prix est incalculable. Alain Bertoncello et Cédric de Pierrepont sont morts au combat, non pas parce qu’ils ont rencontré des ennemis mieux organisés qu’eux mais parce qu’ils ont accepté de « jouer la partie », si j’ose ainsi l’écrire, avec la préoccupation de préserver la vie des otages, et donc en s’interdisant de tirer à l’aveugle. Ce souci leur a coûté leur vie. Ils ont avancé vers le camp ennemi après avoir entendu les terroristes armer leurs mitraillettes. Ils ont pris le même risque que celui du colonel Arnaud Beltrame dans la prise d’otages de Trèbes, le 23 mars 2018. Ils ont obéi aux règles d’engagement les plus strictes et qui leur étaient les moins favorables. Ils savaient avant même de mourir qu’ils allaient y rester.

M. le Drian a soulevé la question non négligeable de ces touristes de l’extrême qui aiment se rendre dans des endroits du monde particulièrement dangereux. Les agences de voyage ont répondu au ministre. Au moment du recueillement, nous ferons l’économie de cette polémique, encore une, en France, pays où on a invariablement de bonnes raisons de s’invectiver. Je crois, au contraire que c’est le moment de réfléchir sur cette détermination de l’État français de recourir à tous les moyens dont il dispose pour sauver des otages français. Il ne s’agit pas d’une loi adoptée par le Parlement ; il ne s’agit pas d’un paragraphe de la Constitution, d’une règle verbale, ni d’une habitude, ni du résultat d’une réflexion. Il s’agit d’une conviction qui a gagné tous les esprits des hommes et femmes politiques, quelle que soit leur couleur idéologique, d’une façon de faire qui a un lien très fort avec l’idée d’unité française. Quand la vie d’un de nos concitoyens est menacée par un ennemi de la France, tout le pays s’efforce de le protéger et, bien sûr, c’est l’armée qui est chargée de le libérer.

Dans la mort, l’élégance de l’éthique.

Rien de tout cela n’est anodin ni mineur ni dérisoire. Personne n’ignore que le pays est divisé actuellement comme il l’a rarement été. Qu’il existe, entre le pouvoir et une bonne fraction du peuple, un fossé compliqué par une sorte d’incompréhension culturelle, comme si des fragments de notre société appartenaient à une autre planète. La dure réalité de la guerre nous fait tous revenir sur terre. Nous sommes tous unis pour déplorer la mort de deux soldats qui non seulement ont sacrifié leurs vie mais ont mis dans leur dévouement l’élégance de l’éthique. Et comme nous sommes en outre cette société qui continue à vivre paisiblement ses passions quotidiennes, comme si la guerre était lointaine, comme nous formons un groupe  qui voit tout, nous avons pleuré avec les compagnes de ces deux militaires, dont l’une est elle-même dans l’armée. Ce qui nous a rappelé plusieurs choses : que la mort d’un jeune homme est pour sa famille un déchirement indescriptible ; que ce décès est pire pour ses proches que le prix du carburant où le niveau de pression fiscale ; que nous nous battons pour des valeurs que nous ne savons pas hiérarchiser ; que le sacrifice humain ridiculise les querelles de paroisse.

RICHARD LISCIA

 

 

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3 réponses à Un courage hors de prix

  1. bruter dit :

    Ce n’est pas polémiquer que de dire que certains décérébrés égoïstes, avides de sensations fortes, mettent en danger la vie de ceux qui seront amenés à venir les sauver, que ce soit dans des endroits à menace terroriste, au sommet du Mont-Blanc, en Afrique ou ailleurs dans le monde ; sans compter ce que ça coûte financièrement !

    • dominique dit :

      100 % d’accord avec Bruter : trois morts innocents pour sauver deux pseudo-caîds inconscients : non, le compte n’est pas bon et ne me convient pas du tout ! Ces deux lascars méritent d’être poursuivis en justice car il serait immoral qu’ils s’en sortent aussi bien ! Et cela n’empêche pas de se réjouir qu’ils aient été libérés.

  2. Chambouleyron dit :

    Oui. Les deux touristes de l’extrême doivent être poursuivis en justice. !

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