Ascoval, ou la fatalité

Ouvriers inquiets à Saint-Saulve
(Photo AFP)

Ascoval, aciérie spécialisée dans les aciers spéciaux à Saint-Saulve (Hauts-de-France), est menacée de fermeture : son repreneur, British Steel qui, pourtant, avait conclu un accord avec le gouvernement français, a en effet été déclaré en état de faillite.

BRITISH STEEL est censé investir 40 millions dans Ascoval, il n’en a versé que cinq, tandis que le gouvernement, pour sa part s’est engagé pour 15 millions d’euros. Toute la journée d’hier, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et le Premier ministre, Édouard Philippe, se sont efforcés de rassurer les centaines de salariés d’Ascoval dont l’emploi est menacé sinon déjà perdu. Le gouvernement s’est informé auprès de British Steel qui offre une narration compliquée, à la limite de l’absurde, et selon laquelle sa mise en faillite ne l’empêche pas de tenir ses engagements. La démonstration du sidérurgiste britannique ne convainc pas en tout cas les salariés dont l’usine a déjà été rachetée trois fois mais n’en a pas pour autant obtenu un statut stable et définitif.

Une perte de rentabilité.

Ascoval (anciennement propriété de Vallourec) est la victime supplémentaire d’une désindustrialisation qui fait des ravages en France depuis trente ans. On peut relativiser ce phénomène en se disant que l’économie de marché détruit des emplois mais en crée de nombreux autres. Il n’empêche que, pour les travailleurs liés à un métier précis, (le seul qu’ils sachent  exercer) la perte de leur emploi représente un désastre : ils ne savent jamais comment se recycler dans un nouveau métier, ils ne peuvent pas forcément quitter la région où ils vivent : les remèdes à la catastrophe sont rares. Comme dans les multiples exemples précédents de désindustrialisation, le gouvernement est pressé de nationaliser. On comprend qu’il hésite ou, pire, qu’il n’en veuille pas du tout : s’il lui avait fallu racheter toutes les usines qui ont fermé, il aurait perdu, au total, une somme d’autant plus colossale que la raison pour laquelle ces usines disparaissent est qu’elles ne sont pas rentables.

Le long voyage dans le désœuvrement.

Cela ne signifie pas que l’État soit insensible au sort des travailleurs français qui ont été jetés au chômage par un phénomène lié aux concurrences injustes et même barbares inventées à l’étranger. Sur le plan macroéconomique, il s’agit d’un rééquilibrage entre pays riches et pays pauvres, les seconds n’obtenant leur expansion économique qu’en exportant leurs marchandises à des prix imbattables. Sur le plan individuel du salarié français, européen ou américain, c’est un drame. Dans une société comme la nôtre, les ouvriers ne devraient pas payer pour le développement de la Chine ou de l’Indonésie. Mais, à ce jour, la France n’a pas su inventer les techniques qui mettraient ses employés à l’abri. Nous nous sommes habitués au chômage parce que notre filet social est relativement solide.  C’est néanmoins une forme d’intoxication parfaitement inadmissible. Il n’y a pas que le salaire, il y a le métier dont les ouvriers sont fiers, il y a la dignité des travailleurs, il y a le voyage, parfois très long et plein de contraintes, dans le désœuvrement, qu’ils sont obligés d’accomplir.

Nous n’avons jamais été préparés à la désindustrialisation, nous n’avons pas vraiment mis en place un système d’amortissement susceptible de réserver une porte de sortie au chômage induit par la fermeture brutale des usines. Nous nous sommes contentés d’attendre que se réalisent les prédictions de Schumpeter. Certes, sur un siècle, le phénomène sera résorbé, mais entretemps, combien de souffrances ? En outre, rien ne nous dit qu’au terme d’une stabilisation de nos industries enfin modernisées, la concurrence étrangère ne va pas trouver le moyen de nous prendre encore des parts de marché.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Ascoval, ou la fatalité

  1. BASPEYRE dit :

    Rien ne nous dit qu’au terme d’une stabilisation de nos industries enfin modernisées, la concurrence étrangère ne va pas trouver le moyen de nous prendre encore des parts de marché : ils vont se gêner!
    Vive l’Europe!

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