Au secours de « nos » djihadistes

Jean-Yves Le Drian
(Photo AFP)

Plusieurs djihadistes français ont été condamnés à mort en Irak, ce qui a aussitôt entraîné l’inquiétude de tous les mouvements qui militent en faveur des droits de l’homme. Peu enclin à les recevoir sur notre territoire, ne fût-ce que pour qu’ils y purgent leur peine, le gouvernement est embarrassé.

UNE JUSTICE équitable est au cœur de la démocratie. L’affaire en question ne saurait donc être traitée d’un revers de la main. Le gouvernement, notamment le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, excipe de la régularité des procès intentés par la justice irakienne aux djihadistes de nationalité française et il s’est empressé de rappeler à Bagdad qu’en France la peine de mort n’existe pas. Jusqu’à présent, les Irakiens se sont gardés d’appliquer la condamnation à mort à qui que ce soit. Selon certaines informations, ils ne seraient pas hostiles à l’idée de commuer la peine en échange d’espèces sonnantes et trébuchantes. La somme porterait sur deux milliards d’euros pour tous les condamnés à mort, ce qui n’est pas une bagatelle.

Le cas spécifique des djihadistes d’Irak.

Nous avons tous un devoir collectif envers les gens qui ont notre nationalité. C’est pourquoi je me suis élevé avec force contre le projet Hollande de déchéance de la nationalité pour les Français qui ont choisi le terrorisme. J’y voyais une intrusion dans un système considéré comme impénétrable : vous êtes français, vous le restez à jamais et vous êtes jugé, à l’occasion, en tant que citoyen de nationalité française. Le projet consistait au contraire à ne pas garantir la pérennité de la naturalisation. Ce principe est-il identique au cas des djihadistes français ? Non, parce qu’ils ont été jugés en Irak, et pas en France. Non, parce qu’ils ont bafoué, injurié, sali leur nationalité. Parce qu’ils sont devenus les ennemis déclarés de la France, parce qu’ils ont assassiné nombre de leurs concitoyens, parce qu’ils ont probablement battu tous les records de cruauté, de violence, de complaisance maladive pour l’horreur. Nous pouvons douter de l’intégrité des juges irakiens (certains procès auraient été bâclés), mais nous ne pouvons pas réclamer l’application des lois françaises en Irak ou en Syrie.

L’indescriptible réalité du terrain.

Si l’on tient compte de la nature des crimes commis, le débat n’aurait pas lieu, car il est déconnecté de quelques réalités accablantes. Sur ces terres de crimes et de sang que sont les pays du Proche-Orient, l’abolition de la peine de mort ne peut passer que par le retour au calme des sociétés, la fin des idéologies totalitaires ou suicidaires, l’avènement du droit. C’est quand il n’y aura plus de danger d’être pris en otage, abattu dans la rue, déchiqueté par une explosion, torturé pour rien, battu pour l’exemple ou un plaisir machiavélique, enlevé, violé, réduit à l’esclavage, déshumanisé, qu’une société irakienne ou syrienne pourra enfin adopter une loi fondamentale et des droits de l’homme exigeants. Français ou occidentaux, nous gardons nos principes arrogants en nous souciant davantage des assassins que de leurs victimes. C’est pourtant, les Yézidis, les Kurdes et d’autres encore qui ont subi les pires atrocités et pour la cause desquels nous n’avons pas vu beaucoup de cœurs s’embraser. Or il y a les principes, et il y a la réalité. Et celle-ci nous rappelle que, lorsque l’irréparable est commis, il y a rien qui puisse rendre sa vie à un mort, le reste de son existence à un enfant, sa dignité à une femme violée, une fois, des centaines de fois.

Ces assassins, abandonnons-les à leur sort. Ils ne méritent pas une once de la sollicitude que nous n’avons pas vraiment accordée à leurs victimes. Dans le fatras de nos devoirs et obligations, faisons enfin le tri afin de ne pas plonger dans le pire : l’injustice au nom de la justice. Les juges les plus sévères, munis des lois les moins démocratiques, ne réparent jamais le crime.

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4 réponses à Au secours de « nos » djihadistes

  1. Michel de Guibert dit :

    Personne ne doute de la barbarie de l’Etat islamique.
    Mais je ne comprends pas bien votre position ; dans un premier temps, vous écrivez : « Je me suis élevé avec force contre le projet Hollande de déchéance de la nationalité pour les Français qui ont choisi le terrorisme » mais ensuite vous écrivez : « Ce principe est-il identique au cas des djihadistes français ? Non, parce qu’ils ont bafoué, injurié, sali leur nationalité ».
    Je ne vois pas bien la différence entre les deux situations !

    Plus largement je ne comprends pas bien non plus la position du gouvernement français qui a fait livrer les djihadistes français à l’Irak (ils avaient été arrêtés en Syrie) plutôt que de les juger en France et qui ensuite réclame par la voix de Jean-Yves Le Drian qu’ils ne subissent pas la loi irakienne qui prévoit la peine de mort…

    Réponse
    Les crimes commis en Irak sont jugés par les Irakiens. C’est tout ce que je dis.
    R.L.

  2. BASPEYRE dit :

    j’ai croisé dans ma vie des anciens combattants de 39-45,qui ont connu la bataille d’Alsace
    l’un deux (saint-cyrien) m’a raconté que dans un groupe de soldats allemands récemment capturés,il était désigné pour l’interrogatoire, avec l’aide d’un interprète. Quand est venu le tour d’un jeune prisonnier allemand,ce dernier s’est dressé,et a déclaré: « Pas besoin d’interprète,je suis français »
    le saint-cyrien l’a mis de côté,et a interrogé les autres Allemands
    quand il a terminé sa besogne,il est revenu au « français », et lui a mis un balle de pistolet de sang froid dans le front
    Connaissant les souffrances du saint-cyrien quand il était dans la résistance, on comprend le geste. Moralité : dans une guerre, quand on est capturé,il vaut mieux faire attention à l’uniforme que l’on porte !
    Pour revenir à notre affaire, tous les condamnés à mort de l’Irak n’ont fait que la vaisselle,et des pansements!
    Réponse
    Toute exécution sommaire est scandaleuse.
    R.L.

  3. mathieu dit :

    Seule l’hypocrisie peut nous sauver de cette équation insoluble entre plusieurs dogmes fondamentalement inconciliables:
    – « la peine de mort est un crime absolu contre la loi humaine, française notamment, et dans toutes les démocraties éclairées »,
    « la nationalité française est un don sans retour, il ne peut être repris, quelles que soient les circonstances et crimes perpétrés » (tant pis pour M. Hollande!)
    – « le devoir de la France est de porter assistance et extraire à la mort tous ses enfants et ressortissants » (rappel M. Macron, qui n’abandonnera jamais un enfant de France où qu’il se trouve!)
    – « la France s’interdit toute ingérence au sein d’un pays étranger » (feu le colonialisme fut un « crime contre l’humanité »!)
    …Belle équation à 4 inconnues à proposer au Bac 2019…moins en mathématiques qu’à l’épreuve de philo!

  4. Serpin dit :

    J’aimerais connaitre l’opinion d’une famille française dont certains membres auront été victimes d’un de ces djihadistes.
    Seraient-ils d’accord pour leur éviter la peine de mort ?
    Personnellement, je pense que ces français ont fait le choix de devenir terroristes. Ils méritent de subir le sort prévu par la justice du pays où ils devenus djihadistes.

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